La Commission européenne envisage d’interdire l’usage du plomb, métal indispensable depuis le Moyen Âge pour assembler les vitraux d’église. Les artisans du patrimoine sont très inquiets.
On n’en trouve plus dans les jouets d’enfants, les tuyaux, l’essence… Mais pourrait-on se passer de plomb dans les vitraux, tels ceux qui colorent les fenêtres des églises ? Depuis le 2 février, c’est la panique chez les artisans vitraillistes français. L’Agence européenne des produits chimiques a ouvert une consultation publique, jusqu’au 5 mai, visant à classer ce métal « toxique pour la reproduction » dans la liste des produits soumis à autorisation. C’est-à-dire à être interdits, sauf exception, dans toute l’Europe.
Alain Verger, 55 ans, vitrailliste au Poiré-sur-Vie (Vendée), ne voit pas comment se passer de « ses tiges de plomb ». Elles sont comme un rail souple dans lequel les vitraux viennent se loger. Ce métal mou épouse les formes rondes et se resserre sur le verre d’une simple pression de doigt. « La technique n’a pas vraiment évolué depuis le Moyen Âge, dit l’artisan d’art. La seule différence, c’est qu’on ne coule plus les tiges nous-mêmes. » Les dernières reçues viennent du Canada. « Les fabricants se font rares. »
La crainte du saturnisme
Ingéré ou inhalé à forte dose par les enfants (ou leurs mères enceintes), le plomb peut provoquer des retards mentaux irréversibles. C’est le saturnisme, qui touche aussi des adultes après de longues expositions. Le vitrailliste porte un masque quand il pose des points de soudure, se lave les mains, aspire l’atelier avec une machine spécifique et fait contrôler son sang chaque année. Il travaille seul, gère sa sécurité : « Ceux qui ont des salariés ont dû s’équiper comme des labos. Les gros ont fermé. Ça a essaimé plein de petits vitraillistes comme moi. »
Le plomb, on peut le remplacer par du cuivre et de l’étain sur des petits formats, « mais pas sur les grands panneaux comme ceux des églises ». Ce métal est inflexible face à la corrosion, mais souple comme un roseau pour amortir la pression du vent et la torsion des vieux monuments. Hélas, il se fissure « après cinquante à cent ans » . Les mairies n’ont pas toujours les moyens de rénover les églises. « Les vitraux sont en danger avant même cette action de la Commission », se désole l’artisan du patrimoine.
L’Union des entreprises de proximité (U2P) sonne l’alarme : « Si le plomb est interdit, c’est la fermeture immédiate de 450 entreprises artisanales françaises du vitrail, de la facture d’orgue et la disparition programmée de notre patrimoine. » Une pétition des vitraillistes, mise en ligne en mars, a déjà recueilli 7 363 signatures.