Des zones urbaines entières et leurs infrastructures sont laissées à l’abandon. Les terrains demeurent en friche. Les écoles ferment. Les rues ne sont plus entretenues. Les éclairages publics sont dépourvus de maintenance et des pâtés de maisons, insalubres, sont condamnés Des immeubles entiers sont abandonnés. Ils sont bientôt investis par des gangs de malfrats qui quadrillent les quartiers, squattent les immeubles et y développent tous les trafics imaginables en contrôlant des blocs entiers, tels les savage skulls, par exemple, dans le Bronx. Des gravats et des ordures jonchent les terrains vagues et les trottoirs sur lesquels on trouve des carcasses de voitures abandonnée
La police, impuissante et démoralisée, s’abstient de patrouiller dans certains endroits, par manque d’effectifs.
Au beau milieu de la décennie 1970, la crise se transporte dans la rue, au cœur même de Manhattan. Début juillet 1975, les éboueurs, inquiets d’une possible faillite de la ville et donc du paiement de leurs salaires, se mettent ainsi en grève.
Des tonnes de déchets s’amoncellent alors dans les rues pendant plusieurs semaines, dégageant des odeurs pestilentielles en raison des fortes chaleurs de l’été. De toute urgence, afin d’empêcher le déferlement de rats et le développement d’épidémies, la municipalité fait intervenir l’armée pour les déblayer. Les images du chaos d’immondices recouvrant les trottoirs de la ville la plus célèbre des Etats-Unis stupéfient alors le monde qui regarde, incrédule, son journal télévisé
1976: la situation empire
La situation anarchique, cependant, n’est pas une fatalité pour tout le monde. La ville se réorganise et certains en profitent, au contraire : malfrats, proxénètes et trafiquants de drogue mettent Midtown (= le centre de Manhattan, autour de la 42ème rue, de Times Square et de Grand Central Station) en coupe réglée. Ils transforment le quartier en une sorte de cour des miracles du sexe, à côté de laquelle Pigalle a des allures de jardin d’enfants...
Il faut dire que, suite à une bataille juridique et judiciaire acharnée, une série d’arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis émis à partir de 1966 avait statué sur le fait que la pornographie et les « salons de massage » (très spéciaux) étaient des activités qui sont protégées par le « 1er amendement » à la Constitution (celui qui garantit la liberté d’expression). Les spéculateurs immobiliers décident donc de profiter du boom de ce nouveau secteur économique pour investir la zone. Désertée par les employés dès la tombée du soir, celle-ci se peuple de mendiants, d’exhibitionnistes et se couvre de sex-shops et de cinémas X dont les néons et les titres rivalisent d’agressivité pour attirer la clientèle. D’importants trafics de prostituées se développent, tel celui qui amènent ouvertement des jeunes filles depuis le Minnesota jusqu’à la grande gare routière de New York (Bus terminal), située à l’angle de la 42ème rue et de la 8ème avenue, pour les prostituer à quelques centaines de mètres seulement, sur ce que l’on appelle dès lors le Minnesota strip…
Alentour, les dealeurs fournissent de la came. Les nuits sont émaillées de rixes et d’agressions. La criminalité explose avec, là encore, des chiffres ahurissants (à rapporter à une ville de 7,8 millions d’habitants) :
1961 : la police recensait 390 meurtres
1964 : elle en recensait 634
1965 : le chiffre atteignait 836 meurtres et 28 000 vols
1972 : on compte 1 700 meurtres
1973 : il est de 2 040 meurtres et 86 000 vols, dont 12 vols avec sacre bleuence / jour ( ! ) dans le seul quartier de Times Square…
Central Park (800 mètres de largeur sur 4 kilomètres de longueur, soit environ 1/3 du bois de Vincennes) est un véritable coupe-gorge : il contribue à lui seul à la moitié des meurtres : 1 000 meurtres / an (quand 12 millions de promeneurs le fréquentent annuellement).
1977: un été torride
Le 13 juillet 1977 est le début d’une vague de chaleur sans précédent qui s’abat sur la ville, écrasée sous un ciel de feu. Elle va durer neuf jours et n’a pas eu d’équivalent jusqu’à aujourd’hui, en dépit même du réchauffement observé du climat. Du 27 au 31 juillet 1977, les températures vont rester au-dessus des 38° (degrés « Celsius », évidemment, ce qui fait 100° « Fahrenheit » locaux : une échelle absolument impossible à comprendre pour des esprits non-américains). Elles vont même atteindre 104°F (= 40 °C) la nuit du 31 juillet 1977 : la plus chaude de tous les temps (mesurés) de l’histoire de la « Grosse pomme ».
Le 13 juillet 1977, à 20 h 37, la foudre frappe une première fois la sous-station électrique de Buchanan South (à environ 50 kms au nord de New York : il s’agit d’un transformateur qui convertit les 345 000 volts qu’il reçoit, de la toute proche centrale nucléaire d’Indian Point, en 220 volts habituels). Un peu plus tard au même endroit, une nouvelle frappe met hors service deux autres transformateurs de 345 000 volts chacun.
Et à 21h36, soit quasiment 59 minutes exactement après le premier choc de foudre sur la station de Buchanan South, l’électricité est totalement coupée dans 31 quartiers de New York. C’est le black-out. Il n’y a plus aucune lumière.
« 24 heures de terreur », c’est ainsi que le journal New York Post va qualifier la longue nuit et journée qui s’annoncent.
Les lampadaires des avenues sont éteints et seuls les phares des voitures et des bus éclairent désormais les rues sillonnées par des véhicules aux chauffeurs inquiets. New York compte une vingtaine de tunnels, notamment sous-marins entre Manhattan et Long Island : ils sont rapidement fermés, faute de pouvoir en assurer la ventilation et cela provoque d’importants embouteillages.
Des milliers de personnes restent bloquées sans pouvoir regagner leur domicile, faute de courant pour les rames de métro qui, bien sûr, est en carafe. Des rames s’arrêtent net au milieu de couloirs totalement dans l’obscurité. Il faut mettre en marche des groupes électrogènes d’urgence pour évacuer les 4000 personnes qui s’y retrouvent bloqués. La gare de Grand Central Station est alors envahie par des milliers de banlieusards qui s’y installent comme ils peuvent pour y dormir. Des centaines de personnes, également, sont bloquées dans les ascenseurs, stoppés entre les étages.
De façon plus anecdotique, le match de base-ball entre les New York Mets et les Chicago Cubs est interrompu au grand dam des spectateurs (les Cubs mènent alors 2-1 face aux Mets). Egalement, le tournage du film Superman, qui avait lieu à ce moment précis, est également brutalement interrompu.
Comment obtenir des informations ? Il faut écouter la radio (à piles !) car la television ne fonctionne pas. Les chaines de TV, de toute façon, sont elles-mêmes incapables d’émettre et d’aller couvrir les événements, à l’exception de WCBS-TV (2ème chaine) et de WNBC-TV (4ème chaine) qui, équipées de groupes électrogènes à gaz, ont vaillamment repris leurs émissions seulement respectivement 25 et 88 minutes après le black-out.
Mais c’est dans les rues que la situation dégénère…
L’occasion faisant les larrons, des pillards d’un soir s’en prennent aux magasins et aux commerces laissés sans surveillance ni système d’alarme.
Les grilles des magasins sont arrachées à l’aide de cordes attachées à des voitures amenées là exprès, puis les vitres sont brisées et les voleurs dévastent les rayons, emportant tout ce qu’ils peuvent. Brooklyn et, spécialement, les quartiers de Crown Heights et de Bushwick sont le théâtre de pillages massifs : 134 magasins sont dévalisés dont 75 dans les seuls deux derniers quartiers. Des grappes de personnes de tous âges s’engouffrent dans les vitrines éventrées et en ressortent avec, sur les épaules, qui un téléviseur, qui un matelas, un canapé, une chaine hi-fi… Dans le quartier du Bronx, ce sont carrément 50 Pontiac qui sont volées dans la concession locale !
Au total, plus de 1600 magasins vont être victimes de pillages !
Simultanément, pour ajouter au chaos, des incendies criminels sont allumés par des émeutiers à de nombreux endroits, certains directement après le pillage du magasin (on compte 45 incendies de ce type à Brooklyn !) Des brasiers aux lueurs apocalyptiques, qui éclairent la nuit de halos fantomatiques, dévastent des blocs entiers tandis que les sirènes des pompiers, débordés, hurlent au loin dans la nuit.
On dénombre au total plus de 1000 incendies dans la ville !
La police s’organise peu à peu et certains citoyens descendent alors dans la rue, armes de toutes sortes à la main, pour défendre leurs commerces, pour arrêter sur le fait les malfrats et éloigner le reste des maraudeurs. Des rixes opposent les bandes de voyous aux policiers qui comptent 550 blessés à la fin de la nuit.
La canicule passée, les New Yorkais de 1977 vont maintenant pouvoir continuer à avoir chaud mais dans une ambiance plus conviviale. Car si le New York des années 70, vous l’avez compris, est la ville de la sacre bleuence, de la saleté et de la peur, c’est aussi la ville du… disco !
Lieu emblématique du New York underground, branché et d’une décadence jubilatoire, la discothèque va acquérir rapidement la réputation d’être la plus grande boîte de nuit de tous les temps avec 5000 danseurs en même temps sur la piste. Des foules innombrables se massent à l’entrée chaque soir, dans l'espoir de pouvoir y entrer pour se déhancher au son de la musique emblématique des années 70 : le disco.
Et le studio 54, c’est le lieu de tous les excès.
Si les décibels s’y déversent jusqu’à épuisement des danseurs, la cocaïne et toutes les drogues y circulent ouvertement pour y être consommées sur place. Et quand, sur la piste, les corps en ont assez de s’adonner aux rythmes psychédéliques ou aux produits stupéfiants dans le carré VIP, ils montent alors au dernier balcon pour plonger sans retenue dans une frénésie sexuelle sans frein ni tabou. Et cela va durer 9 ans, jusqu’en mars 1986…
Pour le reste, la ville de New York va continuer à connaitre un destin chaotique pendant encore quelques années encore. L’amélioration sera lente, jusqu’à l’arrivée à la mairie de Rudolph Giuliani en 1994, l’homme qui nettoiera la ville comme jamais, allant même jusqu’à louer à la Royal Navy britanaime des navires-hôpitaux inutilisées et stationnés au Iles Malouines (large de l’Argentine) afin d’y loger en urgence les malfrats arrêtés par milliers et que la prison de Rikers Island, surpeuplée, a du mal à accueillir...
Les touristes qui visitent New York de nos jours bénéficient donc des fruits de la (vraie) politique de « tolérance zéro ». Rappelons qu’en 1975, 2000 meurtres étaient commis par an à New York, dont 1000 autour ou dans Central Park. En 1990, ce chiffre avait été atteint dès le mois de novembre et on avait même, de guerre lasse, cessé de recenser les simples vols. En 2015, le nombre de meurtres à New York atteignait seulement 348… Quant à Central Park, la « criminalité » s’y limite désormais à environ 100... simples vols / an (pour 48 millions de promeneurs).
Ha oué c'était quelque chose les dégaines des cailléras de l'époque
https://scontent.fcdg3-1.fna.fbcdn.net/v/t1.18169-9/1045201_294086407403380_959237504_n.jpg?_nc_cat=106&ccb=1-5&_nc_sid=e3f864&_nc_ohc=-UL2g4y8oA8AX_9Nhcj&_nc_ht=scontent.fcdg3-1.fna&oh=00_AT-OrK50uw75y3JhQgXFr-64bq6hIydDeWwURWqtiaFuDg&oe=6216E57A
Le 27 janvier 2022 à 16:17:36 MoustacheLibre a écrit :
Topic intéressant ! Continue l'auteur !
Je tiens à dire que ce topax a déjà été fait en 2020, c'est juste que j'adore ce sujet donc je le remets d'actualité
Le 27 janvier 2022 à 16:17:36 :
Topic intéressant ! Continue l'auteur !
http://laplumeetlerouleau.over-blog.com/2017/06/1977-new-york-un-ete-en-enfer.html
Tu trouveras la suite sur l'accueil igo
Intéressant, pour les gens qui ont la flemme de connaître, lire et se renseigner,
Batman ça ne vient pas de nulle part.
Times Square c'était mieux avant par contre,
Aujourd'hui ça rassemble plus à rien, entre les locaux vide par dizaines, les bâtiments en construction depuis des années, aucun marquage au sol sur la route, et j'en passent...
Votre altesse sérénissime
Le 27 janvier 2022 à 16:13:43 :
Ha oué c'était quelque chose les dégaines des cailléras de l'époque
https://scontent.fcdg3-1.fna.fbcdn.net/v/t1.18169-9/1045201_294086407403380_959237504_n.jpg?_nc_cat=106&ccb=1-5&_nc_sid=e3f864&_nc_ohc=-UL2g4y8oA8AX_9Nhcj&_nc_ht=scontent.fcdg3-1.fna&oh=00_AT-OrK50uw75y3JhQgXFr-64bq6hIydDeWwURWqtiaFuDg&oe=6216E57A
Starsky et Hutch tabadabadabadada Starsky et Hutch les nouveaux chevaliers au grand coeur et qui n'ont jamais peur de rien
C'est marrant car maintenant c'est la Californie et en partuculier Los Angeles qui devient comme ca
" mais les boomers ils ont tout eu"
" tout leur est du "
Bin ouais, la vie des boomers, c'était ça, l'op
Le 27 janvier 2022 à 16:24:41 :
C'est marrant car maintenant c'est la Californie et en partuculier Los Angeles qui devient comme ca
La conquête de l'Oued Ouest
Pour le métro c'était pareil à Paris fut un temps
Si vous avez jamais maté, The Warriors capte bien l'ambiance de l'époque.