montlosier
2021-11-18 21:56:28
Le 18 novembre 2021 à 21:40:54 :
Le népotisme est vraiment un cancer
Alexis SUCHET « Napoléon et le management » :
"Napoléon a aussi été critiqué pour avoir appliqué son népotisme à l'armée. L'Empereur confie en effet à son frère Jérôme, qui n'a jamais combattu, le commandement en Russie de trois corps d'infanterie et d'un de cavalerie. Il ne peut s'en prendre qu'à lui-même quand il écrit à Berthier, un mois après le début de la campagne :« Vous direz au roi de Westphalie qu'il est impossible de manœuvrer plus mal qu'il ne l'a fait. » De même, s'il reconnaîtra à Sainte- Hélène qu'il « n'y avait pas, je crois, deux officiers dans le monde pareils à Murat pour la cavalerie », on peut se demander pour quelles raisons, si ce n'est les supplications de sa sœur Caroline, il a nommé ce beau-frère grand amiral de France. C'est avec Jérôme, intronisé roi de Westphalie à 23 ans, que Napoléon a été le plus excessif dans son népotisme, au point de s'en exaspérer lui-même : « J'ai vu peu d'hommes qui aient si peu de mesure que vous. Vous ignorez tout et vous vous conduisez que d'après votre tête, rien chez vous ne se décide par la raison, mais tout par l'impétuosité et la passion. » L'Empereur ajoute même en post-scriptum : « Mon ami, je vous aime, mais vous êtes furieusement jeune. » Et durant la campagne de Prusse de 1806, les grognards chanteront : « Nous allons chercher un royaume pour le petit frère Jérôme. » Napoléon Ier a dû logiquement faire face à des accusations de népotisme. Une caricature intitulée « La ruine du fabricant de cire » a, entre autres, fait allusion aux trônes créés pour ses frères et sœurs. Le caricaturiste joue ici sur les mots sire et cire. Ces souverains sont représentés dans une baraque foraine en train de fondre comme des bougies. Face à cette accusation, Napoléon se défendra maladroitement en remarquant que « s'il fait un défaut dans ma personne et mon élévation, c'était d'avoir surgi tout à coup de la foule [...] Quels appuis plus naturels que mes proches ? » On peut remarquer que Napoléon III agira de même, sans pouvoir se prévaloir de cette excuse."
Thierry LENTZ « Le grand Consulat » :
"Autour de Napoléon, la famille Bonaparte continuait son ascension et prenait place aux premiers rangs de la société consulaire. On a souvent raillé ce « népotisme » - le mot fit d'ailleurs son apparition dans la littérature politique sous le Consulat. Le comte de Lille utilisa, nous l'avons dit, le terme de « clan » pour désigner la famille du Premier consul. C'est oublier que, sous l'Ancien Régime, les hommes au pouvoir n'hésitaient pas à placer leurs familiers aux postes de choix et à créer ainsi des réseaux qui maîtrisaient, en les rendant hermétiques, des pans entiers de l'Etat ou de l'administration. Ce fut le cas, sous Louis XIV, de Colbert ou de Fouquet. En plaçant ses parents, Bonaparte ne créa donc pas un système nouveau, prétendument importé de Corse. Il ressuscita à son profit les pratiques de l'Ancien Régime. Et il y eut à faire. Le Premier consul avait quatre frères (Joseph, Lucien, Louis, Jérôme), trois sœurs (Élisa, Pauline et Caroline), une famille corse (parmi laquelle l'oncle Fesch) et des amis venus de son île natale. Il lui fallut aussi placer le clan Beauharnais, des enfants de Joséphine aux neveux ou nièces issus de son premier mariage, en passant par les Tascher de La Pagerie."
Jacques Olivier BOUDON « Histoire du Consulat et de l’Empire » :
"Les principaux dirigeants sont invités à faire connaître leurs préférences. Portalis et son équipe d'un côté, l'abbé Bernier de l'autre, font des propositions, puis Bonaparte tranche, non sans avoir reçu des recommandations diverses émanant notamment de son entourage militaire. Son principe est simple ; il souhaite amalgamer les deux anciens épiscopats et leur adjoindre une moitié de nouveaux venus. De ce fait, le nouvel épiscopat comprend seize évêques d'Ancien Régime, douze évêques constitutionnels et trente-deux prêtres venus, à quatre exceptions près, de l'Église réfractaire. Bonaparte a privilégié les prélats tôt rentrés en France, écarté les trop fortes personnalités, à l'image de Grégoire, et favorisé un certain népotisme, censé lui assurer le soutien de ces nouveaux évêques. Ainsi, son oncle Fesch est nommé archevêque de Lyon et primat des Gaules, tandis que le frère du second consul, l'abbé Cambacérès, est envoyé à Rouen. Des prêtres parents des généraux Miollis, Dessoles, Savary, Caffarelli parviennent également à l'épiscopat. Ces nominations sont importantes, car Bonaparte compte beaucoup sur ces évêques pour contribuer à la paix civile dans le pays."