LaPaxENT
2021-07-22 20:00:38
En rupture avec les thèses issues du positivisme et de l'empirisme Husserl s'intéresse à la manière dont chaque objet se constitue dans notre regard. Le mode de constitution des essences de choses le conduit dès le début à considérer la possibilité d'une « science éidétique », note Jean-François Lyotard56. Dans la pensée de Husserl, « l'essence n'est pas définie seulement comme « quiddité », ce que la chose est (son quid), mais comme la condition nécessaire de possibilité de certaines déterminations : c'est ce sans quoi tels contenus disparaîtraient. Tout ce qui appartient à l'essence d'un individu, un autre individu peut le posséder » écrit Renaud Babaras57. La notion d'essence est à distinguer de généralités purement inductives telles que lion, chaise, étoile selon les exemples qu'en donne Emmanuel Levinas58.
La véritable connaissance est la connaissance des « essences », c'est-à-dire de ce qui demeure invariant dans les modifications de perspectives que l'esprit a sur les choses. En effet, tout objet a ses déterminations d'après la perspective de la conscience ; l'objet vécu ne sera donc donné en totalité que par la synthèse totale des points de vue. Ainsi, pour décrire la structure des phénomènes, encore faut-il que la conscience perçoive, par l'intuition, ces essences.
Avec la « réduction éidétique », la phénoménologie devient une science des « essences », note Emmanuel Housset59. Ce n'est plus l'expérience seule qui donne la chose même, celle-ci pense Husserl, demande la mise en œuvre de connaissances a priori qui ne sont pas seulement antérieures à l'expérience mais qui sont, comme chez Kant, indépendantes de l'expérience. Cet a priori est ancré dans ce que Husserl appelle une intuition ou, « éidétique » spécifique qui nous met en présence d'essences universelles (par exemple le coq, le nombre deux, l'objet en général), de la même façon que l'intuition sensible nous met en présence d'objets individuels (comme une chose jaune particulière, une paire d'objets particuliers)N 5. « La connaissance a priori n'est plus une connaissance déterminée par son antériorité vi-à-vis de toute connaissance d'objet, mais est une connaissance de l'être même des choses » écrit Emmanuel Housset60. L'intuition de l'essence sera au même titre que l'intuition de l'individu conscience de quelque chose qui est donné en personne dans cette intuition57.
Ainsi conçue, la « science éidétique » est d'abord une « description qui vise à rendre raison de l'essence d'un phénomène à partir de la série des variations dont est susceptible son appréhension »61. Husserl aspire ensuite à construire une science des essences par quoi l'être des choses, et de toutes les choses, nous serait donné. Il découvre « les lois éidétiques qui guident toute connaissance empirique [...] Il distinguera hiérarchiquement et en partant de l'empirique 1/ les essences matérielles (celles de vêtement par exemple) étudiées par des ontologies ou sciences éidétiques matérielles-2/ les essences régionales (objet culturel) coiffant les précédentes- 3/ enfin l'essence d'objet en général »56. Or, l'intuition de l'essence est au même titre que l'intuition de l'individu conscience de quelque chose qui est donné en personne dans cette intuition57.
Jean-François Lyotard62 résume ainsi les conclusions importantes de cette première étape : « À chaque science empirique correspond une science éidétique concernant l'« eidos » régional des objets étudiés par elle, la phénoménologie elle-même est à cette étape définie comme science éidétique de la région conscience ; en d'autres termes dans toutes sciences empiriques de l'homme se trouve impliquée nécessairement une essence de la conscience »