cigarette2299
2021-04-25 22:02:13
Ma mère infusait des herbes napolitaines dans une petite tasse de porcelaine. Mon père lisait les caractères noirs de Valeurs actuelles ; la chronique d'André Bercoff, plus précisément, sur le malaise des banlieues.
J'entrai dans le salon à pas feutrés. Mon père leva la tête. Par-dessus la monture de ses lunettes il me jeta un regard inquisiteur. Je ne pu soutenir le bleu de ses yeux dont la plissure inquiète accompagnait, quand nous eûmes été plus jeunes, une pluie de coups. L'horloge en pied murmurait par ses entrailles un son régulier pareil à celui d'un métronome.
Je tonnai d'une voix d'airain qu'une annonce devait leur être faite. Ma mère trempa ses lèvres dans le thé comme pour se donner le courage. Mon père inspira lourdement par son nez droit. « Je t'écoute ». Une chaleur électrique du ventre irradia mon tronc. « J'aime les femmes en chair ». Je prononçai ces mots graves alors que le poids coupable quittât mon cœur serré.
Mon père bondit et colla presque son visage au mien. « Tu aimes les BBW ? » interrogea-t-il. À cet odieux spectacle ma mère sanglota. Ses larmes féminines coulèrent dans la tasse. « Oui. Je les aime, père. Comme je vous aimais quand vous ne fussiez pas fâché. Le temps ensommeille les corps. Père, vous ne m'effrayez plus. Adieu ». Je bondis hors du salon, les bras au vent, la redingote bâillante. Nous étions libres de nos passions.