CharlesTombeur4
2020-08-26 17:26:07
Cette affirmation est fausse, la monarchie reposait sur des bases solides. En effet les tensions internes entre les nationalités et les tumultes de la vie parlementaire ne doivent pas masquer les facteurs d’intégration qui faisaient contrepoids aux forces centrifuges.
Les éléments de cohésion
- L’Empereur était évidement le principal pilier sur lequel reposait la monarchie. Sa personne constituait le lien qui permettait d’unir toutes les parties de l’Empire. Ce lien était d'autant plus fort que François-Joseph, qui régnait depuis 1848, était unanimement respecté pour son sens du devoir et la bienveillance égale qu'il témoignait à tous ses sujets.
- L'autre grand pilier de la monarchie c’était l’armée impériale et royale. C’était un élément de brassage social et en même temps une force dévouée au souverain et à l'État (l’armée était directement sous l’autorité de l’Empereur). Le corps des officiers était ouvert à toutes les nationalités et les postes élevés de commandement n’étaient pas uniquement réservés aux Allemands ou aux Hongrois : le gouverneur de Bosnie-Herzégovine en 1914 – Potiorek – était un tchèque, les généraux Sikorski et Rozwadowski étaient polonais, le célèbre Feld-maréchal Boroevic (qui commandait sur le front italien pendant la première guerre mondiale) était croate, etc.
- L'administration aussi jouait un rôle important comme creuset national et élément unificateur. Depuis Joseph II la bureaucratie autrichienne était célèbre pour sa compétence, son honnêteté et sa loyauté vis-à-vis de l'état et du souverain. Et de même que l’armée, elle était ouverte à toutes les nationalités – en 1914 les Tchèques occupent un tiers des emplois des ministères communs par exemple – et les administrations locales et régionales appartenaient aux nationalités dominantes localement.
- Bien entendu il ne faut pas oublier l’église catholique qui agissait aussi dans le sens de l’unité de l’Empire. La monarchie danubienne a été durablement marquée par la civilisation baroque issue de la Contre Réforme.
C'est pourquoi même des opposants – comme Masaryk – avaient conscience de la force du système. En 1913 encore, il proclamait au parlement de Vienne: « Justement parce que je ne me suis jamais laissé entraîner à des rêves sur la chute de l'Autriche, parce que je sais que, bonne ou mauvaise, cette Autriche doit durer, il me semble que c'est mon devoir d'en faire quelque chose. Nos projets de droit public ou de réforme administrative ne doivent pas tendre à affaiblir les autres, mais à fortifier l'ensemble ».
Les extrémistes favorables à un démantèlement de l’Empire étaient tout à fait minoritaires, pratiquement personne n’y songeait sérieusement – outre que beaucoup de nationalités considéraient l’Empire comme une protection contre les impérialismes allemand et russe.
L'Autriche, une prison des peuples?
Il convient d’ailleurs de rappeler que l’Autriche-Hongrie n’était pas une « prison des peuples ». Si ce qualificatif peut éventuellement être appliqué à la Hongrie, il est tout à fait hors de propos en ce qui concerne la Cisleithanie (la partie occidentale de la Monarchie). En effet l’Autriche était – depuis 1867 – un état constitutionnel qui garantissait l’égalité de tous les citoyens et de toutes les nationalités. Les grandes libertés individuelles – notamment le droit pour chaque nationalité d’utiliser sa langue et de cultiver sa culture nationale – étaient garanties. Deux exemples permettent de l'illustrer:
- L’exemple des Polonais est particulièrement éclairait. En effet le contraste est saisissant entre les Polonais d’Autriche et leurs homologues d’Allemagne et de Russie. Ces derniers sont soumis à des politiques agressives de germanisation et de russification (couplées avec des expropriations). En Autriche la situation est très différente, les Polonais obtiennent la polonisation de l’administration et de la justice en Galicie dés 1869. La même année l'université de Cracovie est polonisée, même chose pour celle de Lemberg en 1871. De plus les Polonais avaient une grande influence sur la politique autrichienne grâce au Polenklub –le groupe polonais au Reichsrat – qui était un des piliers de la vie parlementaire. Un ministre au sein du gouvernement était même spécialement chargé de défendre les intérêts polonais et il n’était pas rare que des Polonais occupent les plus hautes fonctions au sein de l’état.
- il faut aussi mentionner les Tchèques. Malgré l’échec du Compromis avec la Bohême préparé au début des années 1870, les Tchèques obtiennent de nombreuses avancées sous le ministère Taaffe (1879-1893). Les ordonnances linguistiques de 1880 consacrent l’usage du tchèque dans l’administration et la justice et en 1882 une université tchèque est créée à Prague. La diète de Bohême devient majoritairement tchèque, tandis que Tchèques prennent le contrôle des administration municipales des villes où ils sont majoritaires. La période est faste pour la culture tchèque et l’historien Pekar pourra célébrer le règne de François-Joseph comme une phase d’essor du peuple tchèque.
Les tensions entre nationalités pendant la Belle Epoque
Le problème des nationalités était en fait loin de se limiter aux rapports entre Vienne et les différents peuples de l’Empire. La plupart des conflits en Autriche opposaient les nationalités entre elles (Allemands contre Tchèques, Polonais contre Ruthènes, etc). Les plaintes pour violation de l’article 19 de la Constitution (qui garantissait l’égalité entre les nationalités) concernaient le plus souvent des autorités communales et provinciales et rarement des agents de l’état. C’est donc au niveau local que les conflits sont les plus durs. L’administration autrichienne tente le plus souvent, avec plus ou moins de bonheur, de jouer le rôle d’arbitre.
Les conflits nationaux n’étaient toutefois pas une fatalité. Dans les années 1900-1910 des compromis se mettent en place pour régler les conflits locaux et régionaux dans plusieurs provinces:
- En Moravie ; Allemands et Tchèques se mettent d’accord en 1905 pour régler leur cohabitation. La Diète est séparée en deux curies – l’une tchèque, l’autre allemande – et les électeurs s’inscrivent sur le cadastre correspondant à leur appartenance nationale pour voter. Ce système permet à chaque peuple de gérer ses propres affaires séparément, notamment dans le domaine culturel qui est toujours le plus sensible. Cette division est étendue aux autorités en charge des affaires scolaires. Conçu pour réduire les frictions entre Tchèques et Allemands, le compromis fonctionne et les tensions entre les deux peuples s’apaisent dans les dernières années de la Belle Époque.
- L’exemple morave ne reste pas isolé. En effet en Galicie les Polonais et les Ruthènes s’inspirent de cet exemple pour mettre en place une entente, alors que le conflit entre Polonais et Ruthènes était particulièrement dur. De même en 1906 les Allemands, Polonais, Ruthènes et Roumains de Bukovine trouvent un accord pour régler leur vie commune.
On peut donc conclure qu’à la vieille de la première guerre mondiale la monarchie est loin d’être condamnée. Outre ses bases traditionnelle (la solidarité autour de la couronne, l’armée, l’administration, l’église), la monarchie peut compter sur la méfiance des nationalités vis à vis de l’Allemagne et de la Russie et sur l’attachement au principe d’intégrité territoriale de l’Empire. De plus il apparaît, avec les compromis régionaux mis en place à partir de 1905 – en Moravie, Galicie et Bukovine – que les luttes entre nationalités n'étaient pas une fatalité et que l’apaisement était possible. L’Autriche, dans un contexte où les épurations ethniques et les déportations de masse ne sont pas encore envisagées, apparaît comme la meilleure des solutions pour faire vivre ensemble les peuples d’Europe centrale.
Sources:
Histoire de l’Empire des Habsbourg : 1273-1918, Jean Bérenger
François-Joseph, Jean-Paul Bled
L’Europe au 19e siècle : des nations aux nationalismes, Jean-Claude Caron et Michel Vernus
CharlesTombeur4
2020-08-26 17:40:16
Ça dégouté d'asséner ça. On en sait rien et le problème de la Transylvanie, de la Serbie et des terres irrédentes italiennes aurait déclenché une guerre. Guerre qui à l'époque était forcément terrible et aurait exacerbée les tensions déjà existantes. L'Empire ne pouvait pas survivre à une grande guerre. Et il portait la guerre dans son ADN. Guerre qui mettrait fin à l'empire.
Je n'assène rien: j'argumente.
Les tensions nationalistes en Hongrie étaient en effet le principal problème de la monarchie. Mais était-il insurmontable? Je ne pense pas.
Le reste c'est de la téléologie, la première guerre mondiale n'était pas une fatalité.
J'ai aussi l'attrait des vieux empires voués à la défaite mais ton complexe est beaucoup trop important pour avoir un avis objectif d'historien
Merde j'ai feed
Pourtant la recherche récente s'accorde sur le caractère non-inéluctable de la chute de la monarchie; si tu as d'autres références (récentes) qui disent le contraire, je suis preneur.
Et il me semble que mon argumentaire va un peu plus loin qu'un simple "complexe".