sanek_
2020-03-24 14:15:32
Partie 12 :
Il aurait dû courir remplir des bassines et leurs bouteilles vides. Il aurait dû retourner auprès de l’inconnue.
Julien n’en était pas capable. Il tira au moins la chasse puis il rampa dans la douche. L’eau froide lui anesthésiait le cerveau, chassant le monde et son horreur, lui offrant une quiétude qu’il n’avait plus connu depuis l’enfance.
Il ne grelotait pas, son corps acceptait l’étreinte de glace comme le plus beaux des présents : la promesse d’une paix éternelle.
Ses paupières se firent lourdes et sa respiration intermittente. L’hypothermie le délivrerait de ses tourments.
- Sale con !
Une punition trop douce pour un lâche.
Louise coupa l’eau et le sortit sans ménagement de la cabine. Elle déchira la chemise trempée, défit la ceinture en s’écorchant les doigts sur H d’Hermès et lui ôta le pantalon avec brutalité. Elle termina par le caleçon sans que cela ne l’émeuve.
Julien n’avait plus la volonté de se battre.
- T’es le pire des idiots ! A quoi tu jouais !
Elle le traina jusqu’à sa propre chambre et Julien se cogna contre l’ensemble des obstacles possibles. Il jurerait que Louise le malmenait pour le plaisir.
- Pousse sur tes jambes ! Pousse ! J’y arriverai pas !
Les femmes étaient capables de mobiliser une force insoupçonnée lorsque l’urgence l’imposait. Julien le découvrit quand il fut propulsé sur le lit.
Louise l’emballa alors dans sa couette puis elle disparut.
Son absence lui fit plus mal qu’un coup de poignard. Julien tenta vainement de l’appeler mais ses lèvres bleutées ne frémirent même pas. Il ne parvint pas non plus à se relever.
L’avait-elle abandonné, ecoeuré par sa lâcheté ?
Un bras qui n’était pas le sien couvrait son torse. Il tourna délicatement la tête et la vision de sa colocataire, seulement vêtue d’un sage soutien-gorge marron et d’une culotte assortie le laissa stupéfait. Elle dormait, plaquée contre lui, ses cheveux bruns en cascade sur l’oreiller.
Il n’eut pas à se demander longtemps quelles circonstances l’avaient glissé dans le lit de Louise. Les souvenirs de la veille affluèrent et il les bloqua en se concentrant sur la douleur qui agitait chaque partie de son anatomie.
Il rougit soudainement. Lui était nu. Pire, il sentait plutôt bon et reconnut vite l’odeur : son gel douche sec à l’eucalyptus. Louise avait dû le badigeonner dans son sommeil !
Julien déglutit. Qu’esperait-il en se laissant geler sous la douche ? La paix ? Il récoltait le mépris et la honte !
Le salaire des lâches.
- T’es vivant ? grommela Louise en pinçant ses côtes endolories.
- Je…
- Ne parle pas ou je te mords.
- Lou… Aï !
Alors il se tût et Louise l’attira plus fort contre elle, passant une jambe au dessus des siennes. Elle le mordit, moins fort, au bas du cou puis elle le couvrit de petits baisers. Julien en aurait ronronné de plaisir.
- J’avais peur que tu meurs de froid, que tu me laisses seule. Non, ne parle pas !
- Aï, j’avais pas parl… Aï, stop !
- C’était préventif.
Son omoplate le brûlait. Julien n’osa pas vérifier s’il lui manquait un bout de chair.
- Tu ne m’abandonneras jamais, toi ? lui murmura-t-elle à l’oreille. Jamais ? Même quand tu auras eu ce que tu veux ?
Ce qu’il voulait ? Julien n’était pas sûr de comprendre.
- Jamais. Et toi ?
- Jamais.
- Même si tout rentre dans l’ordre ?
La réponse lui faisait peur. Redeviendrait-elle cette garce prétentieuse et lui ce type inintéressant et tellement banal ?
Reprendraient-ils chacun le cours de leur vie en se croisant chaque matin dans la cuisine, gênés ? Le fuirait-elle pour oublier cette période traumatisante ?
- Jamais, conclut-elle en grimpant sur lui.
Elle souriait, radieuse, et une petite fossette se creusa dans sa joue droite. Il l’embrassa sans hésitation. Ses mains se firent conquérantes, parcourant son dos nu, ses hanches puis ses fesses. Elle grimpa davantage et son érection buta contre le tissu humide de sa culotte. Ils gémirent tous les deux. Julien vivait un rêve auquel il ne croyait plus depuis longtemps.
Elle dégrafa son soutien-gorge, libérant des seins ronds aux petits tétons bruns orgueilleusement dressés. Hypnotisé, le jeune homme en saisit un et colla sa bouche contre l’autre, faisant frissonner Louise.
Leur bassins se lancèrent une danse ancestrale, rythmée par les soupirs et les baisers qu’ils s’échangeaient.
Julien glissait contre la vulve trempée de Louise, mal défendue par cette culotte qui s’écartait progressivement. La tension monta d’un cran quand elle se redressa, à califourchon sur lui, plus belle que jamais.
Louise passa une main dans sa chevelure brune, les yeux clos, et son bassin se remit en mouvement, d’avant en arrière, avec une lenteur insupportable. Il prit ses deux seins, lourds et fermes, et l’accompagna dans cette chorégraphie du plaisir.
Les lèvres intimes, libérées, frottaient directement contre son sexe. C’était à mille lieux de tout ce qu’il aurait imaginé. Puissant, trop puissant. Il paniqua. Il risquait de perdre rapidement le contrôle.
Louise s’arrêta juste avant qu’il ne franchisse le point de non retour. Son visage avait changé. Des larmes coulèrent de ses yeux bleus et elle se laissa tomber sur le côté, dos à lui.
- Louise ?
- Laisse moi…
Un véritable obus explosa dans son esprit brouillé. Qu’avait-il raté ?! Pourquoi rien ne se passait jamais comme il le souhaitait ? Le Karma, peut-être ? Qui essaye de se dépuceler quand une pauvre femme est mourante dans la chambre voisine ? Surtout quand il était directement responsable de la gravité de son état ?
Il se leva, les jambes lourdes, son sexe toujours bien dressé.
- Non, reviens… Reste avec moi…
- Ok...
Julien se mit à l'extrémité du lit avant de les couvrir avec la couette. Louise pleurait toujours et il ne savait pas pourquoi. Ni ce qu’il devait faire. Attendre ?
Il attendit, assailli par des questions sans réponses : regrettait-elle déjà ? C’était prévisible. Le poison du doute se répandit dans ses veines. Physique banal, pénis banal, aucune originalité, aucune personnalité, pas d’humour, pas de charisme.
Oui, Louise avait bien fait de le repousser.
- Je… je ne veux pas être ce genre de filles… celles qu’on baise et qu’on jette... je suis… je suis désolé Julien, mais je t’en prie... ne m’abandonne pas… bredouilla-t-elle en se reculant vers lui.
Il la prit dans ses bras et ses larmes redoublèrent.
Les deux colocataires restèrent dans la même position sans échanger un mot jusqu’à ce que le ventre de Louise gargouille.
Il dégagea ses doigts des siens et l’embrassa dans le cou.
- Je te laisse allumer le gaz et faire bouillir de l’eau, je vais voir dans la chambre de Cédric.
- Les femmes à la cuisine, c’est ça ?! Eh, reviens, je ne sais même pas comment marche ton truc ! D’accord, tant pis pour toi si je mets le feu !
Il rit tout en s’habillant dans sa chambre après avoir récupéré des ustensiles de la cuisine. C’était tout à fait probable qu’elle déclenche un incendie. Il enfila un simple jean et l’un de ses deux derniers hoodies propres.
- Bon, ça c’est fait, se dit-il en allumant lui-même le réchaud. Il posa la casserole et la remplit avec qui restait d’une bouteille déjà ouverte.
Julien se prépara mentalement au pire et il rejoignit la chambre de Cédric. Première surprise : le sol était impeccablement propre. Une odeur de lilas flottait dans la pièce. Louise avait tout nettoyé !
Quant à l’inconnue… elle respirait encore, les paupières fermées. Une hideuse croûte s’était constituée sur son crâne à droite tandis qu’une bosse déformait la plaie toujours ouverte à gauche. Elle ne lui parut pas profonde. Quelques strips suffiraient.
Consciencieux, il prit sa pression artérielle, 170/110. Trop haut. C’était mauvais signe.
Julien changea la perfusion presque vide et la raccrocha tans bien que mal à la poignée du placard.
Il lui ouvrit les yeux, éclairant les pupilles avec sa lampe torche restée sur le lit. Symétriques ! Elles étaient symétriques !
Julien n’en revenait pas. Les chances étaient infimes mais la médecine est un art souvent surprenant.
Il trouvait néanmoins son front trop chaud et le thermomètre auriculaire confirma la fièvre : 38.2°C.
- Tu en pense quoi ? l’interrogea Louise. Elle va se réveiller ?
Elle portait SON jogging bleu et SON dernier hoodie noir !
- T’as pas assez de fringues que pour piller les miens ? bougonna Julien, faussement fâché.
- Blablabla, réponds !
Elle souriait et il remarqua encore la petite fossette creusée dans sa joue. Leur relation était indéfinissable, façonnée par les circonstances difficiles qu'ils traversaient, mais elle était de plus en plus profonde.
- Probablement pas maintenant, elle s’infecte… Si c’est une méningite, elle est fichue… Je veux bien essayer un antibiotique au hasard…
- Essaye !
Il hocha la tête. Julien avait droit à son nouveau départ. Il serait un homme différent, un homme bien.
Il injecta une dose complète de Ceftriaxone dans le bras inerte et fit signe à Louise de partir.
- On reviendra après mangé. Tu as mis le riz à cuire ?
- J’ai surtout éteint ton truc, le courant fonctionne ! La Maison vous propose son riz aux légumes de conserve.
Julien se gratta la tête. Son instinct s’était réveillé. Quelque chose ne collait pas. Pourquoi maintenir l’eau courante et l’électricité si tout le monde avait été évacué ? Il récupéra son portable dans sa chambre. Deux barres de réseau.
Quelque chose ne collait vraiment pas.
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