Bien que Nietzsche critique avec verve la superficialité et la vacuité de la "place publique", son texte souffre de plusieurs faiblesses :
1. Généralisation abusive : Nietzsche dresse un portrait à charge des "grands hommes" populaires et des foules, en les présentant comme uniformément manipulables et dénuées de discernement. C'est une vision réductrice qui nie la diversité et la complexité du corps social.
2. Élitisme et mépris du peuple : Le texte est empreint d'un élitisme qui frise le mépris pour les masses populaires, décrites comme grégaires et influençables. Cette posture hautaine est problématique et moralement discutable.
3. Romantisation de la solitude : En opposant la profondeur solitaire au tumulte de la place publique, Nietzsche verse dans une romantisation excessive de l'isolement du génie méconnu. Il néglige le fait que le dialogue et la confrontation des idées sont aussi des sources d'enrichissement.
4. Style polémique : Le style très affirmatif et imagé, s'il est puissant, tend à masquer le manque de nuances et d'arguments rationnels. Nietzsche procède plus par affirmations péremptoires que par démonstration rigoureuse.
5. Simplisme dans l'analyse des mécanismes sociaux : La description des ressorts de la popularité et de l'influence est quelque peu simpliste et conspiratoriale (manipulation des foules par des "comédiens"). Une analyse plus fine et étayée serait nécessaire.
Finalement, si la charge de Nietzsche contre les travers de la société moderne est percutante sur le plan littéraire, elle pèche par excès de généralisation, de mépris et de simplification. Le rejet radical de la "place publique" apparaît davantage comme une posture élitiste que comme une analyse philosophique nuancée et constructive de la vie sociale.