Et je fais de l'art engagé avec mon trou du cul. C'est non sans une certaine émotion que j'ai le plaisir de vous soumettre ma dernière œuvre, sobrement baptisée
« Tragedy of Mediterannea - Fosse commune ou fosse septique ? »
et je ne doute pas un seul instant que les fins esprits que vous êtes sauront apprécier comme il se doit cette composition tout juste sortie du four, si je puis me permettre de le dire d'une façon quelque peu franchouillarde :
https://image.noelshack.com/fichiers/2021/31/3/1628053373-ev35cdka34.jpg
Les plus avisés d'entre vous auront bien évidemment compris qu'il s'agit d'une critique acerbe de l'aveuglement de la société face aux drames de la migration. La sculpture au centre de l'image – travaillée avec alliage de mon invention à base de flammekuch crue, de noix de cajou et de force café – représente la masse de ces martyrs anonymes qui chaque jour se débattent dans les remous céruléens de la Mare Nostrum (couleur obtenue grâce à du détartrant pour chiottes) sous les yeux indifférents de citoyens-consommateurs occidentaux blasés pour qui la souffrance, autrement dit l'essence même de la condition humaine, n'est rien d'autre qu'un vulgaire divertissement. Est-ce à dire que l'homme blanc, par son incapacité manifeste à se saisir de la substantifique moelle de l'existence, devient par là même un cadavre qui s'ignore ? C'est une question à laquelle l'artiste que je suis se refuse de répondre ; à chacuns et chacunes le soin de s'interroger sur son rapport à la vie, au vivant et au phénomène vitale.
Quoiqu'il en soit, vous noterez que la statue est un assemblage de trois formes qui, bien qu'entremêlées en un lemniscate déstructuré dont il est inutile de préciser la signification, conservent leurs identités propres : à gauche une boucle, une rondeur au centre évidée par la cruauté patriarcale symbolisant la Femme ; à droite, l'expression érectile du mâle, légèrement brisée en son milieu (malveillance d'Européens angoissés d'être supplantés par la virilité de l'Homme Noir ? Mmh ?) ; et enfin, au milieu, une toute petite crotte, enfant du soleil qui ne sera jamais étranger à autre chose que la folie des « grands. »
Le tout repose sur une frêle esquif immergé, un mouchoir imbibé de sperme représentant la force vitale qui porte les réfugiés au devant des pires épreuves dans l'espoir de trouver une vie meilleure. Mais au-delà de ça, c'est l'antagonisme du processus créatif propre aux deux éléments principaux (l'un obtenu dans un bref moment de plaisir, l'autre dans des douleurs dignes d'une parturiente) qui donne à l'œuvre sa pleine portée.
Je pourrais poursuivre ici mon analyse sur d'autres points, comme l'évidente référence à l'urinoir de Duchamp ou la porcelaine immaculée considérée en tant que praxis hétéro-normative, mais là n'est pas la question, pas plus qu'il n'est nécessaire de mesurer l'étendue de mon génie. Le monde change, les choses évoluent, une guerre culturelle fait rage, alors... Euh... Je fais le job, tout simplement.
