Bravo l'op et merci.
Le ghostfag que je suis fait une exception pour saluer ce travail de qualité
En l'attente d'autres histoires tout aussi captivantes j'espère
Le 10 avril 2019 à 17:52:24 Kelemorph a écrit :
Salut les « kheys », c’est Lise. Comme prévu Kelemorph m’a prêté son compte pour que partage mon point de vue et témoignage, gardez à l’esprit que je ne suis qu’une sourde et que mon histoire personnelle n’est en rien identique à celles d’autres personnes avec ce handicap.
Je suis très contente que le sujet vous ait intéressé, j’ai vu que certains avaient envie d’apprendre un peu de langue des signes et vous avez tout mon soutien bien entendu. C’est pareil pour tous les handicapés qui ont témoigné sur l’un des topics, on se serre les coudes entre éclopés.
Je resterai un moment après avoir posté pour répondre à d’éventuelles questions même s’il n’y aura pas d’images rigolotes comme celles de Kel, je n’ai pas la patience pour les mettre.I) Ma surdité :
Je suis née sourde. Comme vous l’a expliqué Kelemorph il y a de nombreuses causes à la surdité qui est en fait le symptôme plutôt que la maladie. Dans mon cas c’est génétique, environ 1/2000 enfant né avec une des nombreuses mutations pouvant entrainer des troubles d’auditions, mais le nombre de complétement sourds comme moi est plus bas. Attention ce trouble n’est pas exactement héréditaire, je ne suis pas généticienne mais en gros la mutation étant « récessive » on peut la porter sans qu’elle s’exprime, ce qui était le cas d’un mes parents. Certes l’avoir augmente le risque d’avoir des enfants sourds mais les probabilités restent faibles, si ça se trouve vous êtes porteur de la mutation et un de vos enfants sera sourd tandis que les miens seront entendants.
Vous avez été plusieurs à parler des moyens de « corriger » la surdité comme les implants mais ils ne fonctionneraient pas sur moi, les implants corrigent les problèmes au niveau de l’oreille mais ma mutation fait que mon problème est cérébral. Ma surdité ne peut être corrigé, et si elle peut l’être un jour ce ne sera surement pas de mon vivant.
Je suis donc totalement sourde, je n’entends rien de rien, pour reprendre un exemple de Kel : un avion pour décoller à côté de moi je ne l’entendrais pas, mais mes oreilles subiraient des dommages évidemment.II) Ma vie :
Les médecins de la maternité on vite compris que quelque chose n’allait pas avec moi lorsqu’ils ont vu que je ne réagissais pas aux stimuli auditifs. Le verdict est tombé pour mes parents ; leur fille était sourde. Moi je ne l’ai pas compris avant mes cinq ans environs, c’est difficile à expliquer mais j’étais trop jeune pour réaliser qu’il me « manquait » un sens, ne pas avoir le son était normal. Je ne me souviens mal de cette époque à cause de mon âge si ce n’est une grande impression de silence et de calme. Encore une fois vous êtes peut-être étonnés d’apprendre qu’une sourde ait des niveaux de silence mais c’est le cas, dès que j’ai compris que je n’entendais pas j’ai été en permanence sur le qui-vive pour essayer de glaner le plus d’informations possibles, avant le silence était la norme et je n’y prêtais pas attention.
La période suivant cette réalisation, de mes cinq à mes sept ans environ a été très difficile pour moi et mes parents. J’étais en colère, je trouvais ma condition injuste. Je pouvais entrer dans des crises de rage qui duraient pendant des heures où je m’époumonais de ma voix de sourde en jetant tout ce qui me tombait sous la main et il était impossible de me calmer. Mes parents ne savaient pas comment réagir, il se sentait incapable de me punir dans ce contexte, ils faisaient de leur mieux pour limiter la casse le temps que ça passe.
Heureusement pour moi j’ai eu beaucoup de chance avec mes parents qui ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour que j’ai une enfance normale, et vu qu’ils étaient assez aisés ils n’ont épargné aucune dépense. Certes il est possible de recevoir des aides de l’Etat, mais le travail à faire pour qu’un enfant sourd profond ait les même chances qu’un entendant est tellement énorme que c’est loin d’être suffisant. J’avais un voir plusieurs éducateurs spécialisés à la maison presque en permanence, j’allais dans un centre tous les week-ends et mes parents ont temporairement quitté leur place dans l’entreprise familiale à tour de rôle pour apprendre la langue des signes. Ils ont également abandonné leur projet d’avoir un deuxième enfant pour qu’ils puissent se focaliser sur mon éducation. Gardez à l’esprit que je suis l’exception et non pas la règle cependant, j’ai eu beaucoup de chance et j’en ai conscience.III) L’école
Ce travail fini par porter ses fruits, à mon huitième anniversaire je maîtrisais la langue des signes et j’avais presque accepté ma condition. J’ai pu partiellement entrer à l’école primaire avec l’aide d’AVS et en parallèle d’études à la maison, qui avaient été mes seules études jusque-là. J’ai plutôt un bon souvenir de l’école primaire, les autres enfants m’acceptaient bien et je m’étais fait des copines à qui j’avais montré quelques signes, on s’amusait même parfois à en inventer entre nous.
Le collège a été beaucoup plus difficile, déjà à cause de la carte scolaire j’ai été séparé de mes amies mais ce n’est pas spécialement un problème de sourd. J’ai été victime de harcèlement au collège, une bande de pestes m’avaient pris en grippe et rapidement au mieux on m’ignorait au pire on se moquait de moi. J’avais appris à « parler » à l’école selon les techniques que Kel avait expliqué mais les autres élèves se moquaient systémiquement de ma voix, ils m’avaient surnommé le Crapaud. Au total j’ai fait trois collèges différents, dont deux privés où mes parents m’avaient envoyé en apprenant que j’étais harcelée mais rien à faire, j’étais juste harcelée par d’autres élèves. C’est surement la période la plus triste de ma vie, au début je me défendais, je m’énervais contre mes harceleurs comme je l’avais fait avec mes parents mais entendre ma voix de sourde en colère ne les faisaient que rire encore plus fort. Au bout d’un moment j’ai abandonné la colère pour la tristesse, j’ai arrêté de parler à cette époque pour ne plus jamais recommencer. La pire année fut en troisième, jusque-là le harcèlement avait surtout été l’œuvre d’un groupe de filles qui entrainaient les autres derrière elles mais là c’était toute ma classe et les professeurs comme l’administration semblaient impuissants, j’en ai raté mon brevet et j’ai dû redoubler. La deuxième fois je l’ai eu mais de peu, et mes parents ont décidé de m’envoyer dans un lycée spécialisé pour sourds.
Je me suis reconstruite là-bas, j’ai eu des professeurs extras qui ont cru en moi et m’on donné envie de prouver à tous ceux qui se sont moqués de moi qu’ils avaient tords, que je pouvais réussir et être heureuse malgré mon handicap. C’est à cette époque que l’envi de devenir professeur de langue des signes est née, je voulais aider comme on m’avait aidé. J’ai fait une licence pro enseignement de la langue des signes françaises et un master de science du langage option lsf avant de trouver un poste au lycée où j’ai rencontré Kel.IV) Ma rencontre avec Kelemorph
Des garçons m’avaient tourné autour avant que je rencontre Kel mais mon handicap les avaient rapidement fait fuir lorsqu’ils ont compris que je n’étais ouverte qu’aux relations sérieuses, donc je n’avais aucune expérience amoureuse avant lui.
L’histoire donne un peu l’impression que je suis rapidement tombé dans ses bras, et j’ai été tenté de lui tirer les oreilles à cause de ça mais j’ai bien aimé la manière dont il me décrivait alors je lui ai pardonné.
Bonsoir,
Tout d'abord je souhaite vous remercier vous ainsi que Kelemorph de nous avoir conté de récit ainsi que pour le temps que vous avez consacré à cette tâche. J'écris très rarement sur ce forum car je n'en vois pas l'intérêt mais ici c'est différent.
Votre histoire est émouvante et intéressante ; elle se démarque clairement de tous les autres risitas et topics inutiles qu'on peut voir sur ce forum.
Cette histoire ainsi que votre vécu est la preuve vivante que le partage de l'information ainsi que la communication peuvent se reposer sur toute sorte de canaux différents, et qu'on peut toujours trouver des alternatives.
J'aurais si possible une simple question générale à vous deux, sur les deux thématiques qui ont été abordées dans cette histoire (cours en langue des signes & histoire) : Auriez vous des liens, documents, ou documentaires à recommander qui détaillent l'histoire des sourds/malentendants et des langues des signes ? (oui j'utilise le pluriel du coup, je savais pas qu'il y en avait plusieurs en fonction des pays)
Je vous souhaite d'être heureux, votre histoire est émouvante sous plusieurs plans.