Le 31 décembre 2021 à 10:11:31 :
Avant de commencer, mon père m'a eu à l'âge de 47ans.
Quand j'étais petit, mon père travaillait beaucoup, parfois pendant certaines périodes à la semaine avant qu'on déménage
Ma mère était au foyer.
Au final je le voyais peu et le peu que je le voyais j'avais pas vraiment de liens avec lui.
C'était quelqu'un d'assez dur. Disons exigeant. Il fallait bien travailler à l'école etc...
Ma mère faisait des câlins, alors que lui faisaient plutôt des cadeaux.
Au final il était surtout très pudique je suppose.
Ca se passait de plus en plus mal avec les parents et un jour ils se séparent. Quasiment dans la même période, mon père apprend qu'il a un cancer. J'ai dans les 16ans à ce moment, j'en ai 31 aujourd'hui.
Autant dire que l'enfer commence pour lui... j'ai perdu la chronologie mais ma mère est partie un peu en live, elle s'était mise à travailler, à vouloir son indépendance, trouver vite quelqu'un d'autre.
Je me suis retrouvé à vivre beaucoup avec mon père et même si certains moments était horribles (il était devenu dépressif) ça nous a énormément rapproché.
Les soins ont été durs mais petit à petit, il était "guéri". Même si évidemment il était du genre à tout nous cacher.
Il aurait pu être ruiné, on ne l'aurait jamais su. Il a toujours voulu nous offrir le meilleur à moi, ma mère et ma soeur.
Je vais le comprendre que plus tard.
On a de gros clash entre mes 17-20ans.
J'ai eu mon bac de justesse, je débute des études qui me plaisent pas, je rencontre ma copine (avec laquelle je suis toujours depuis 12ans) et je décide d'arrêter. Autant dire qu'il était furieux.
Mais je finis par trouver un taf et me former dans une voix totalement improbable qui me plaît et dans laquelle je suis encore aujourd'hui.
Mon père avait trouvé quelqu'un avec qui vivre.
Il n'a jamais divorcé de ma mère. Et lui avait même laissé la maison où elle continuait de vivre avec son compagnon !
Sa compagne est l'opposée de ma mère.
Lui avait beaucoup de caractère, était quelqu'un de dominant, surtout avec ma mère, de très intelligent. Ma mère était trés soumise, ne travaillait pas mais était la femme au foyer parfaite.
Alors que sa nouvelle compagne travaillait beaucoup, savait à peine faire à manger (alors que mon père était passionné de cuisine) et elle sait lui rentrer dedans, et ça lui a fait du bien.
Mon père commence à se faire âgé, la maladie revient.
Il m'a aidé à me former pour le travail, m'a acheté une voiture, m'a aidé à trouver une location, puis à faire construire ma maison... pareil pour ma soeur.
On l'a remarqué plus la maladie avançait, mais en fait il ne vivait que pour nous ses enfants, et ses futurs petits-enfants.
Forcément plus son état déclinait, moins il ne pouvait faire des choses. Il lui restait juste à s'assurer de notre bonheur.
Je l'ai vu dépérir petit à petit. On espère que ça ira mieux mais hélas, ça ne va jamais en s'améliorant.
Il arrive de moins en moins à se déplacer.
Ils ont vécu séparé 10ans avec ma mère.
Mon père finit par se retrouver alité vu son état.
Ma mère s'était séparé de son compagnon 1 ou 2ans plutôt.
La maison de la compagne à mon père est pas du tout adapté, et elle n'est pas faite pour s'occuper de quelqu'un de malade.
Alors ma mère décide d'accueillir mon père chez elle (la maison de mon père en fait) et prendra soins de lui h24 7/7.
Le destin.
Mon père n'avait jamais voulu divorcé car ma mère était la femme de sa vie, et il voulait la protéger.
Il a eu tellement raison.
En fait c'était le genre de personnage à toujours avoir raison ou vouloir avoir raison.
Forcément ça pouvait être énervant. Je vous passe des anecdotes familiales, des faits où j'ai été furax contre lui.
Mais avec les années qui ont passé, je me dis bon sang, il était toujours juste.
Son état empirant, on a pas eu le choix que de le mettre dans une USLD (unité de soins longue durée)
Et c'est tombé en même temps que le premier confinement, bref une vraie catastrophe.
Mon père se retrouve dans un hôpital, entouré de gens jamais assez compétents, on lui donne de la bouffe qui est toujours dégueulasse, bref un véritable enfer.
Mais son corps étant de plus en plus rongé par les métastases, ma mère ayant elle aussi son âge, on avait pas eu d'autres solutions... il avait été hospitalisé le jour où ma mère avait été reveillée en pleine nuit par ses hurlements de douleurs.
Elle ne pouvait même pas le toucher tellement les douleurs étaient intenses.
Et pourtant.
Un an avant j'ai bien cru qu'on allait le perdre... je l'ai vu hospitalisé dans un état si terrible... il cumulait les problèmes.
Le cancer, les effets de la chimio, il se coltinait aussi des ulcères aux jambes très durs à soigner.
Mais il s'en remettait toujours.
C'est cliché de dire ça, mais il a été un putain de combattant, les médecins en étaient surpris.
Et pourquoi vouloir continuer à vivre dans de telles conditions ?
Mon père ne voulait pas nous abandonner, on était tout pour lui, sa raison de vivre, et c'était amplement suffisant pour lui.
Il a toujours été notre ancre, notre repère. La personne a qui on demandait conseil.
Cette merde de covid et de confinements n'a pas aidé... imaginez vous retrouver pendant des mois dans un lit d'hôpital et ne même pas avoir droit à de la visite. Son état physique se stabilise mais ça devient de plus en plus dur mentalement.
Ma mère aimerait le récupérer à la maison mais c'est trop compliqué.
Je pense que mon père avait toujours cet espoir de rentrer à la maison.
On en sait rien mais, on se dit toujours qu'il a du se laissait aller quand il a réalisé qu'il ne rentrerait pas.
J'habite à 250km de là où il est, ma mère et ma soeur habitent la bas heureusement.
Un jour ma mère m'appelle me dire que ça ne va vraiment pas. On avait déjà eu des frayeurs mais là... quand quelqu'un ne s'alimente plus, je sais que c'est pas bon signe.
Je viens en urgence, je vais le voir.
Il dort, encore et encore.
Je me souviens qu'il a ouvert les yeux à un moment. Ma soeur lui a dit "ne t'inquiètes pas tout va bien. Tu n'a plus à te faire de soucis pour nous." et moi j'étais comme paralysé. Je voulais lui dire que je l'aimais et plein d'autres choses, mais je sais plus si j'ai réussi. Je voulais pas fondre en larmes devant lui à ce moment là.
Il se rendort et on fini par quitter la chambre.
Ma soeur travaillant à côté de l'hôpital reviendra le voir un moment, restera toute la soirée avec lui.
Elle voulait être là lors de son dernier souffle, moi ce n'est pas quelque chose qui me paraissait indispensable.
Le lendemain, on décide d'aller le voir après déjeuner. Ma soeur avait pris un peu d'avance.
Je suis dans l'ascenseur avec ma mère, ma soeur l'appelle, et je comprend que c'est terminé.
Ce moment qu'on avait tant redouté, qu'on imaginait pas arriver un jour tellement mon père semblait immortel.
Je savais qu'il était malade, qu'il était pas bien, mais il aurait déjà pu partir 5ans avant.
Des fois je me disais dans ma tête "bah ça sert à rien de s'inquiéter, si ça se trouve il va vivre encore 10ans !"
Le passé a pas toujours été facile. Mais je regrette tellement de pas avoir passer plus de temps avec lui, même si on s'était bien rattrapé.
Il avait ses défauts, mais il a toujours pris ses décisions pour la famille.
Car c'était tout ce qui comptait pour lui.
J'ai eu cette chance d'avoir ce père. Un soutien infini, quelqu'un sur qui m'appuyer tout le temps.
Et maintenant on est seuls, on est grands et on doit avancer sans lui.
J'ai 31ans et même si maintenant au quotidien j'arrive à vivre avec, parfois je me dis que j'ai encore toute ma vie à faire sans sa présence et j'ai du mal à l'imaginer...
J'avais pas prévu un tel pavé, je suppose que j'en avais besoin.
Je me doute que vous n'avez pas tous le père dont vous rêvez, mais ce n'était pas mon cas non plus.
Mais le temps passe, la vie avance, et on peut se rendre compte de la chance qu'on a d'avoir un père.
Très touchant, je te souhaite de trouver le bonheur et la réussite clé.
