Vitre_en_bronze
2024-06-19 21:07:02
L'article pour ceux qui voudrait le lire :
Dans un désir de « s’adresser à tous les Français », Marc Olivier Fogiel, le patron de BFMTV, a demandé aux programmateurs de « veiller à l’équilibre des plateaux ». Une liste d’éditorialistes réactionnaires a ensuite été envoyée aux journalistes chargés de sélectionner les invités, comprenant un ancien communiquant du RN et plusieurs journalistes de « Valeurs actuelles » et du « JDD ».
Depuis l’annonce de la dissolution et le début de la campagne pour les législatives, l’apparition de nouveaux visages à l’antenne n’aura pas échappé aux téléspectateurs les plus assidus de BFMTV. Un journaliste de Valeurs actuelles contestant la désignation du RN comme parti d’extrême droite. Un autre du même journal qualifiant de « grotesque » la manifestation parisienne contre l’extrême droite. Un ancien communicant du RN fustigeant « les éléments gauchistes » au sein du Nouveau Front populaire, qui « veulent en découdre » et ne connaissent « que la tension et le rapport de force ».
Mise sous pression par CNews, passée chaîne d’info numéro un pour la première fois en mai, BFMTV tente de résister tant bien que mal à la compétition féroce de sa concurrente ultra réactionnaire. Engagée dans une course effrénée à l’audience, la chaîne dirigée par Marc Olivier Fogiel ne se contente plus de reprendre les thématiques de prédilection des antennes de Vincent Bolloré, immigration et faits divers en tête, mais leur pique désormais aussi leurs éditorialistes politiques bien à droite.
Un mail interne, consulté par Mediapart, vient illustrer l’ouverture accélérée des plateaux de BFMTV à des journalistes et commentateurs classés à l’extrême droite. Lundi 10 juin, alors que l’extrême droite vient de remporter une victoire électorale historique, Marc Olivier Fogiel adresse une consigne aux programmateurs de la chaîne. « J’attire votre attention sur l’équilibre de nos plateaux… s’adresser à tous les Français… que nos éditorialistes représentent bien l’ensemble de l’échiquier politique… on parle à TOUT LE MONDE à chaque fois… », insiste-t-il auprès des journalistes chargés de composer les plateaux des différentes tranches d’informations.
L’ancien matinalier d’Europe 1 précise dans un second message sa directive : « Nous sommes très contents de nos éditorialistes historiques, mais on les programme par “facilité”, ils sont là et dispo au détriment d’autres profils utiles… Merci de votre vigilance. »
Que veut dire Marc-Olivier Fogiel lorsqu’il demande à ses équipes de veiller à l’équilibre entre les différents invités, afin de « s’adresser à tous les Français » ? La consigne se fait plus explicite lorsqu’une rédactrice en chef adresse une heure plus tard aux programmateurs de la chaîne une liste « d’éditos droite et droite + ».
Y figurent en bonne place des journalistes de Valeurs actuelles (VA), l’hebdomadaire d’extrême droite condamné en novembre 2022 des faits d’injure publique à caractère raciste envers la députée noire de La France insoumise, Danièle Obono, pour l’avoir dépeinte en esclave. « C’est très rare qu’on nous envoie des listes, ça montre bien que BFM flippe de la concurrence de CNews », confirme un programmateur de la chaîne. Contacté par nos soins, Marc-Olivier Fogiel s’est contenté d’une réponse laconique : « Rien de neuf sous le soleil... même consigne depuis cinq ans... »
Arnaud Stephan omniprésent
On y retrouve ainsi un habitué des plateaux de BFMTV comme Tugdual Denis, passé par Le Point et L’Express, et désormais directeur de la rédaction de VA après le licenciement de Geoffroy Lejeune l’année passée. Mais surtout de nouvelles têtes brunes : Sébastien Lignier et Victor Eyraud, journalistes politiques à VA, tous deux familiers des téléspectateurs de CNews. Ils ont, au cours de la semaine écoulée, été invités à commenter l’actualité politique plusieurs jours d’affilée et parfois plusieurs fois par jour : les psychodrames à droite entre Éric Ciotti et les Républicains, entre Marion Maréchal et Éric Zemmour, ainsi que les négociations à gauche en vue de la constitution du Nouveau Front populaire.
Victor Eyraud, journaliste politique en charge du suivi de l’exécutif à VA, s’est même vu opposé à Ian Brossat, sénateur communiste, dans un dispositif assez inédit, où le journaliste campait le rôle du débatteur adverse. « En quoi le Rassemblement national est-il d’extrême droite ? », a fait mine de s’interroger l’éditorialiste de VA face à l’élu communiste. « Le souci, ici, c’est qu’on a un débat entre deux personnes qui défendent chacun un camp politique, le temps de parole de l’un est décompté, mais pas celui de l’autre au prétexte qu’il est journaliste », s’agace un programmateur de BFMTV.
Sur cette liste d’« éditos droite et droite + », on retrouve également Aziliz Le Corre, récemment débauchée du très réac FigaroVox par Geoffroy Lejeune pour prendre la tête de la rubrique « Opinions et controverses » au Journal du dimanche, sauce Vincent Bolloré.
Pierre Valentin, auteur de Comprendre la révolution woke, a aussi bénéficié de cette exposition renforcée dont profitent les concepts de droite radicale sur la chaîne en cours de rachat par le milliardaire Rodolphe Saadé. Il est notamment intervenu pour tancer les prises de position d’artistes et de footballeurs de l’équipe de France en défaveur du RN. Julie Graziani, éditorialiste conservatrice et traditionaliste, et ancienne militante de La Manif pour tous, figure aussi sur la liste.
Enfin, la palme de la présence revient à Arnaud Stephan, ancien communicant de Marion Maréchal puis de sa tante, Marine Le Pen. En 2021, celui qui traîne généralement sur les plateaux de LCI, conseillait encore l’ex-candidate aux élections présidentielles, rédigeait pour elle des notes et échangeait avec son entourage, selon RTL.
D’abord présenté dans le bandeau de BFMTV comme « ex-communicant pour le RN », la mention de ses liens avec le parti d’extrême droite disparaît progressivement et il n’est plus présenté que comme simple « conseiller en communication ». Le proche de la famille Le Pen fait désormais partie des meubles à BFMTV, où il est présent presque tous les jours depuis le lundi 10 juin, parfois pendant quatre heures d’affilée, quand la chaise d’à côté a été occupée par six personnes différentes dans le même temps.
« L’avantage de ces gens, c’est qu’ils sont toujours disponibles. Quand il faut remplir un plateau et mettre cinq ou six personnes autour de la table, on peut toujours compter sur eux », détaille un fin connaisseur du fonctionnement des chaînes d’info. Selon une source interne, la direction de BFMTV est en quête de profils de droite radicale pour changer de « ses éditorialistes maison », trop souvent d’accord entre eux. « Ils se disent qu’il faut des gens qui s’opposent sur le plateau pour que l’émission soit clivante et donc plus vivante. C’est difficile à obtenir avec Anna Cabana, Christophe Barbier ou Alain Duhamel, qui pensent, à quelques nuances près, souvent la même chose », estime la même source.
Selon un autre journaliste de la chaîne, cette ouverture à des éditorialistes d’extrême droite témoigne d’une volonté de la direction d’épouser les tendances électorales de la société. « L’électeur de Bardella n’a pas envie d’entendre que son candidat est nul, qu’il n’a pas de programme ou qu’il est raciste. Il faut parler à ces gens-là pour qu’ils ne se détournent pas de BFM. »
Certains y voient un infléchissement dangereux, qui risque d’amplifier encore la banalisation de l’extrême droite. « Plutôt que de se remettre en question et de s’interroger sur notre part de responsabilité, la direction se dit :“L’extrême droite fait 40 % aux européennes, alors on doit les représenter à hauteur de 40 %” », enrage un journaliste.
Les sphères identitaires se félicitent d’ailleurs de l’hospitalité qui leur est réservée en dehors de l’empire médiatique de Vincent Bolloré CNews, C8, Europe 1 et le JDD. « On est contents de voir que les médias mainstream s’ouvrent à nous, commente un journaliste de Valeurs actuelles, qui a requis l’anonymat. On fait aussi partie des journaux les plus légitimes à commenter l’actualité du RN, de Reconquête et de l’aile ciottiste chez les LR car on est bien informés sur eux. »
En réalité, ce n’est pas la première fois que la percée de l’extrême droite sur les plateaux de BFMTV suscite l’émoi en interne. L’hiver dernier déjà, CNews avait pour la première fois détrôné BFMTV sur une semaine. En réaction, la chaîne du groupe Altice, dans une mortifère course à l’échalote, avait tenté d’empiéter sur le terrain de CNews, celui des opinions les plus rances.
Ainsi, Laurent Obertone, auteur racialiste de La France Orange mécanique et théoricien de « l’ensauvagement » du pays, avait été invité en novembre dernier pour commenter le drame de Crépol. Un mois plus tard, c’était Thaïs d’Escufon, influenceuse d’extrême droite, qui était invitée pour discourir sur l’immigration, « principal danger pour les femmes en France », et plus directement sur « les hommes immigrés, noirs et arabes ».
À l’époque, nombre de journalistes de la chaîne s’étaient scandalisés de cette invitation, au point que les syndicats SNJ et CGT d’Altice Media s’étaient fendus d’un communiqué pour « dire non au racisme en direct » et rappeler que « la course à l’audience ne fera que des perdants parmi ses téléspectateurs ».
L’original et la copie
Plus récemment, face au risque d’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, les mêmes syndicats ont publié un communiqué conjoint appelant les travailleurs des médias à « rejoindre le sursaut populaire de la jeunesse en cours » et à ne pas « feindre l’indifférence derrière une neutralité de confort ». Une prise de position pas du goût de tous. Selon nos informations, des journalistes syndiqués se sont vu reprocher par des membres de la direction le contenu du communiqué, qui, selon eux, « engage l’image de la chaîne et menace son impartialité ».
La stratégie de la direction ne fonctionnera pas, car les gens préféreront toujours l’original CNews à la copie, déplore un représentant de la CGT Altice Media. Surtout, c’est dangereux, on sait que BFM donne le ton de l’actualité et que les JT des grandes chaînes s’inspirent de notre couverture. Or, si notre couverture est dictée par l’extrême droite, ça pourrait avoir une influence terrible. »
Signe d’un malaise en interne, la société des journalistes (SDJ) de BFMTV a, dans ses échanges réguliers avec la direction de la chaîne, plusieurs fois signalé le déséquilibre des plateaux, selon nos informations. Un déséquilibre qui ne risque pas de s’arranger. À la rentrée, la grille des programmes de BFMTV risque de connaître plusieurs chamboulements et d’enregistrer l’arrivée de nouveaux éditorialistes de droite.
Éric Brunet, ancien de la maison, quitte LCI pour reprendre la tranche 20 heures22 heures la saison prochaine. Il devrait être rejoint par Yves Thréard, éditorialiste du Figaro, à la tête de sa propre émission à partir de la rentrée, comme révélé par le journaliste spécialisé Clément Garin, et confirmé par nos sources. Thréard, 64 ans, s’est notamment signalé récemment pour avoir qualifié Rachida Dati de « petite beurette qui a réussi » ou pour avoir déclaré en 2019 « je déteste la religion musulmane » et d’autres sorties racistes sur le voile « il m’est arrivé, en France, de prendre le bus ou un bateau où il y avait quelqu’un avec un voile, et je suis descendu ». Comme une réponse de BFMTV à Pascal Praud ?
et la gauche dans sa plus grande "detresse" fait tous pour flinguer l'avis des français.