Pendant plus de deux mois, un vent de démence va souffler sur le Guangxi. Le cannibalisme révolutionnaire se répand comme une traînée de poudre. Village après village, les "sessions de lutte" se terminent par le sacrifice rituel d’un "indésirable".
Les victimes sont presque toujours des jeunes hommes, parfois des fratries, ou encore un père et ses enfants, même en bas âge. Tous ont le malheur d’appartenir aux "cinq catégories noires" ou aux "rebelles de la petite faction". Ces derniers se battent depuis un an contre les "rebelles de la grande faction". Les deux camps, qui se réclament l’un et l’autre de la "pensée Mao Zedong", sont soutenus par des dirigeants rivaux manipulés au plus haut niveau de l’Etat.
Grâce à leur armement lourd, les miliciens de la grande faction achèvent d’écraser les lycéens du camp opposé, en les exterminant lors d’une ultime bataille. Mais la grande faction a perdu un dirigeant. L’affront mérite punition. Lors des funérailles du martyr, deux lycéens capturés sont suspendus à un arbre et découpés. Leur chair sera distribuée aux compagnons d’armes du défunt.
Dès lors, une frénésie meurtrière s’abat sur Wuxuan. Des lycéens qui veulent prouver leur fidélité à Mao battent à mort une prof et se partagent sa chair. Jambes entravées, des victimes sont "paradées" dans le marché, avant d’être achevées à coups de bâton ou de couteau. Puis elles sont traînées jusqu’aux berges du fleuve Qian. On prélève le cœur, le foie, le pénis, pièces de choix réservées aux maîtres de la milice ou du comité révolutionnaire. La foule se partage les restes, après quoi le squelette est rejeté à la rivière. Il n’est pas rare que les victimes soient éventrées et émasculées vivantes.
En 1968, 38 personnes du comté de Wuxuan (dans le Guangxi) ont été dévorées et 113 fonctionnaires du comté ont participé à la consommation de chair, de cœur et de foie humains. Chen Guorong, un paysan du comté de Guigang qui passait par Wuxuan, a été attrapé et tué par la milice locale parce qu'il était gros ; son cœur et son foie ont été prélevés tandis que sa chair a été distribuée à 20 personnes. Une femme chef de milice a mangé 6 foies humains au total et a coupé les organes génitaux de 5 hommes et les a fait tremper dans de l'alcool qu'elle a bu plus tard, affirmant que ces organes étaient bénéfiques pour sa santé. Le comportement consistant à manger de la chair, des coeurs et des foies humains s'est produit dans de nombreux comtés du Guangxi, notamment à Wuxuan, Wuming, Shangsi, Guigang, Qinzhou, Guiping et Lingyun ... Après l'établissement du comité révolutionnaire dans le comté de Shangsi, une "conférence de mise à mort" s'est tenue sur la place Pingshan, le 1er septembre 1968, au cours de laquelle plus de 10 fonctionnaires et civils ont été battus à mort. Après la conférence, un membre du comité, Li Hao , a prélevé les cœurs et les foies des cadavres, les a fait sauter et les a préparés comme plats pour d'autres représentants qui assistaient à la conférence.
Le compte rendu officiel indique un nombre de morts estimé entre 100 000 et 150 000. Dans certaines régions, y compris le Xian de Wuxuan et le Xian de Wuming, un cannibalisme massif s'est produit même s'il n'existait aucune famine ;