Papermayte
2024-05-20 16:38:39
Canapoïde (le maître rsaïste)
Dans la mansarde d'un immeuble croulant de Limoges, sur un canapé en velours blanc jauni par la nicotine, se prélasse un homme dans la trentaine. Ce canapé, qui avait perdu de sa splendeur, était une relique familiale. Creusé à l'endroit où se posent les fesses lorsqu'on s'allonge dessus, et noirci par endroit à cause de mégots de cigarettes, il ressemble un peu à son propriétaire. Adrien, 32 ans et les dents jaunes, grassouillet, le teint légèrement halé, de grands yeux bruns qui pétillent, un nez discrètement aquilin, des lèvres charnues et tendres et surtout, une montagne de cheveux bouclés en bataille, referme sa lecture journalière avec contentement. Il a terminé "La Vouivre" de Marcel Aymé, un bouquin qu'il avait trouvé dans une des cabines à livres de la ville. Ces cabines, il les connait bien, c'est même une de ses premières sources de lecture, avec les bouquins chinés en brocante. Comme chaque fois qu'il repose un ouvrage, Adrien scrute sa chambre, d'un air rêveur. Son studio de 18m² tenait en peu de chose. Une salle de douche avec des toilettes et un lavabo en 2x2, une kitchenette avec deux brûleurs, un combiné four micro-ondes et un évier, et la pièce pièce à vivre avec ses étagères jonchées de livres et de magazines, une vieille commode pour ses frusques, son fidèle canapé qui fait office de lit bien qu'il ne soit pas convertible, et sa guitare. Après cet instant de contemplation, il se questionne sur le reste de sa journée. Il est midi, et le frigo est vide, mais ce n'est pas un problème pour lui. Dans le placard sous l'évier trône un sac de pommes de terre encore plein au tiers, de la farine et une huile neutre. Des gnocchis ce sera parfait. Alors il fait cuire les patates, les pèle, les écrase en purée à l'aide une fourchette, les farine, forme les gnocchis, les cuirs à l'eau puis les fait dorer dans une poêle avec un peu d'huile et le tour est joué. Il mange dignement son plat et se sent repu.
"Comment vais-je occuper mon après-midi ?" Se dit-il sur un ton bourgeois. Le mois de juillet battait son plein et il allait bientôt tomber à cours de rachacha de laitue vireuse. Il enfile un short et un t-shirt, chausse ses grolles et s'arme d'un sac poubelle et d'une boîte en plastique. "À la cueillette !" S'exclama-t-il. Il sort de chez lui, descend un à un les 4 étages de l'immeuble vétuste, foule la rue et s'éloigne à pied en périphérie de la ville dans la direction qui mène à la forêt de Vaseix. Il lève patiemment le pouce au bord de la route et un conducteur l'amène jusqu'au bord de la forêt. Après un bref remerciement envers le conducteur, il s'enfonce dans la fraicheur des bois jusqu'à atteindre une petite clairière où il savait qu'il trouverait son bonheur. En cette saison, le latex contenu dans les tiges des plantes atteint son pic de concentration en lactucine. En taillant la tige d'une laitue vireuse à sa base on peut voir s'en échapper un liquide brunâtre et épais. En le laissant sécher au soleil, mélangé avec les parties aériennes de la plante finement hachées on obtient rapidement une résine semblable à du haschich,en plus sombre et huileux. Une drogue de pauvre, très douce, au pouvoir sédatif. Adrien a l'habitude d'en gober de petites boulettes par simple plaisir. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une drogue tant ses effets sont subtils, et la dépendance y est inexistante. C'est plutôt un hobby de pacha pour Adrien. Après avoir passé 3 heures à récolter ce qui le provisionnerait 3 mois durant (il fait sa cuieillete annuelle en 4 sorties) il trouve un brave pour le ramener à Limoges, à qui il explique toutes les vertues de cette plante et la jurisprudence dont elle bénéficie sur le territoire, c'est un secret d'initié. De retour en ville, on le dépose proche de son immeuble et il rentre jusque chez lui avec son sac poubelle sur le dos. Il entame le séchage de la mixture puis il ressort pour s'acheter du bain et un lot de 3 boîtes de sardines à la tomate. Après avoir mangé son gros sandwich, il gobe deux boulettes du reste de son rachacha, allume son ordinateur portable et passe la soirée à rêvasser devant des films en noir et blanc, jusqu'à s'endormir profondément.