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2024-05-08 15:59:09
Ils ont 18 et 19 ans. Leurs parents sont dans la salle, catastrophés. Depuis deux mois, le plus jeune ne va plus au lycée. « J’ai décroché, ça ne m’intéresse plus. Mais je me suis inscrit à la Mission locale et je veux commencer une formation d’éducateur sportif », expose-t-il devant ses juges. « Avez-vous conscience qu’avec un casier judiciaire, vos projets risquent d’être compromis ? », intervient le premier vice-procureur, Benoît Bernard. « Oui », bafouille le jeune prévenu. À ses côtés, son copain fixe ses pieds. Lui rêve « d’entrer dans l’armée »…
Vendredi 3 mai, ces deux garçons originaires de Bassens, dans l’agglomération bordelaise, étaient renvoyés en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour une nouvelle affaire de guet-apens via le site de tchat en ligne Coco.gg. Un phénomène en expansion. Plusieurs agressions ont récemment défrayé la chronique. Lundi 6 mai, lors de l’assemblée générale de l’association LGBT + « Flag ! », le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a d’ailleurs annoncé avoir saisi la justice contre le site « Coco ».
Appâter des pédophiles
Le principe est souvent le même : un piège est tendu à la victime qui n’est pas toujours une oie blanche. Dans le cas des deux jeunes de Bassens, le traquenard aurait été fomenté par un troisième larron, un mystérieux « Moïse » qui n’a pas été retrouvé. Celui-ci s’est créé un faux compte sur le site Coco.gg et s’est fait passer pour une adolescente en recherche de relations sexuelles tarifées, dans l’idée d’appâter des pédophiles. Un poisson a vite mordu à l’hameçon : un trentenaire de Mérignac, sur le point de se marier. Les échanges de messages ont débouché sur un rendez-vous, fixé au 29 avril, à Bassens. Le trentenaire affirmera par la suite, devant les enquêteurs, qu’il souhaitait « aider l’adolescente et la dissuader de se prostituer »…
Ce n’est pas une jeune fille qui l’attend mais trois hommes. Conduit dans un hall d’immeuble, le Mérignacais est frappé et dépouillé. Il réussit à s’enfuir et la police est alertée. Son téléphone volé est géolocalisé : il est découvert dans une voiture, à Bassens, dans laquelle papotent les deux prévenus qui sont interpellés.
Le vrai mobile est crapuleux »
Face au tribunal, ils se défaussent. « Moïse m’a dit qu’un Monsieur voulait coucher avec une petite de 15 ans et qu’il lui avait tendu un piège pour lui voler de l’argent. Quand le gars est arrivé, il l’a attrapé et frappé. Moi, je n’ai rien fait. J’ai aidé le Monsieur à se relever », jure le premier. « Vous êtes venu pour aider votre ami et vous avez aidé la victime. C’est ça ? Vous comprendrez qu’on n’est pas obligés de vous croire », intervient le président, Vincent Raffray. « On ne lui a pas volé son téléphone, il est tombé », ajoute le second prévenu, sur qui la carte Vitale d’un adolescent, agressé quelques jours plus tôt, a également été retrouvée.
« Vous rendez-vous compte de la nature et de la gravité des faits ? », s’enquiert le magistrat. « On regrette énormément, ça ne se reproduira plus jamais », répondent de concert les amis d’enfance.
« On ne se fait pas justice soi-même, sinon en moins de six mois, la ville devient une jungle ! Il y a des policiers, des gendarmes, des associations qui luttent légalement contre la pédophilie sur Internet », tonne le procureur pour qui « le vrai mobile dans cette affaire est crapuleux ». « Ils ont trouvé un filon, un alibi qu’ils essayent de construire et ils ne sont pas les seuls : le coup s’échange sur les réseaux. Personne n’est dupe », poursuit Benoît Bernard.
« On a un problème avec la multiplication des dossiers dits « Coco », enchaîne en défense Me Berrada. Mais ce n’est pas parce qu’on a un problème qu’on doit le traiter n’importe comment. Pourquoi ne pas avoir choisi une comparution à délai différé pour tenter de retrouver le fameux Moïse ? »
Le tribunal a suivi les réquisitions : 18 mois de prison, dont six mois ferme pour l’un et huit mois ferme pour l’autre, aménagés sous bracelet électronique. Les deux devront verser 1 500 euros au Mérignacais, partie civile, et effectuer un stage de citoyenneté.
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