Nietzsche affirme que les mots sont des illusions dont nous avons oublié qu'elles sont des illusions. C'est le mode de pensée apollonien. Cette manière de penser qui consiste à insister sans cesse pour ordonner le monde et diviser les choses en catégories bien définies. Bref, une vision du monde qui est fondamentalement représentative et qui nie la nature chaotique du monde.
Ainsi, l'apollinien reste perpétuellement prisonnier de son état de rêve, rempli d'illusions allant jusqu'à anéantir même le principe de l'individualité, comme s'il se réjouissait de sa propre destruction.
"Qu’est-ce que donc que la vérité ? Une multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d’anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées, et qui, après un long usage, semblent à un peuple fermes, canoniales et contraignantes : les vérités sont des illusions dont on a oublié qu’elles le sont, des métaphores qui ont été usées et qui ont perdu leur force sensible, des pièces de monnaie qui ont perdu leur empreinte et qui entrent dès lors en considération, non plus comme pièces de monnaie, mais comme métal.
Nous ne savons toujours pas encore d'où vient l'instinct de vérité : car jusqu'à présent nous n’avons entendu parler que de l'obligation qu’impose la société pour exister : être véridique, c’est-à-dire employer les métaphores usuelles ; donc, en termes de moral, nous avons entendu parler de l’obligation de mentir selon une convention ferme, de mentir grégairement dans un style contraignant pour tous. L’homme oublie assurément qu’il en est ainsi en ce qui le concerne ; il ment donc inconsciemment de la manière désignée et selon des coutumes centenaires - et, précisément grâce à cette inconscience et à cet oubli, il parvient au sentiment de la vérité."
- Friedrich Nietzsche, Le livre du philosophe, p. 123-124.