SDFtoElysium
2023-11-15 20:58:05
Origine de l'agresseur ?
Heu, j'en sais rien, je l’ai pas vu.
C'était dans les escalators en sortant du métro.
Il a ouvert et pioché dans la poche arrière de mon sac sans que je ne sente rien.
Résultat ?
Il m’a volé ma liseuse Kindle !
Fini donc de lire les récits de la guerre d'Indochine dans mon hamac au clair de lune...
https://image.noelshack.com/fichiers/2023/43/7/1698596873-img-20230906-074922-min-copie.jpg
Évidemment, ça m’a filé des idées noires.
En progressant dans la forêt de nuit sans lumière pour rejoindre mon campement après une journée humide à 40°C…
J’ai hésité à faire un petit détour pour me défouler en prenant d’assaut un avant-poste Viêt Minh à 1 contre 100.
Mais la guerre est finie depuis 70 ans à ce que l’on dit.
Et ça fait plus d’un mois que ce vol a eu lieu en réalité.
Je vous en parle maintenant parce que ça fait une bonne intro pour vous dévoiler la face cachée de l’ermitage.
Sur les 9 derniers mois, j’ai vécu 3 mois dans la forêt (2 mois à côté de Lyon et 1 mois dans les Pyrénées en plein hiver).
En fait, depuis que je suis gamin, je fantasmais sur la vie en ermite…
Il y a 2 ans, je comptais même acheter un bout de forêt et y construire une cabane pour y vivre loin du monde.
Mais avec le temps et les expériences, j’ai fini par découvrir l’envers du décor :
Les ermites sont des cas sociaux ou des hypocrites.
Quand je marchais 2h par jour en vivant dans les Pyrénées, à quoi je pensais à votre avis ?
Je rêvais, tout simplement.
Plus jeune, la solitude m’a permis d’explorer 1000 idées philosophiques.
Mais il arrive un moment où l’on a fait le tour de la pensée humaine.
Et il ne reste alors plus que la rêverie (daydream) pour s’occuper l’esprit.
Ouais, les ermites passent leur temps à rêver une vie qu’ils sont incapables de concrétiser dans la réalité.
Les ermites sont des êtres faibles qui préfèrent fuir les souffrances de la vie en société plutôt que de les affronter pour profiter des richesses de cette même société.
Exactement comme les alcooliques sont souvent des gens timides ou anxieux socialement (contrairement à ce que l’on pourrait penser).
Fondamentalement, prendre son duvet et aller se poser dans la forêt, c’est 100 fois plus facile que de transcender sa classe sociale ou de séduire la femme de ses rêves.
Oui, c’est plus facile de se détacher de son égo en acceptant une vie misérable que de lutter des mois ou des années pour parvenir au niveau de ses ambitions.
Être ermite, ça permet d’incarner une identité archétypale logée au plus profond de la psyché humaine.
Quand je dis aux gens que je vis dans la forêt, ça fait toujours son petit effet (“Stylé !!!” m'ont dit des étudiants bourrés dans le métro).
Sauf qu’un véritable ermite ne peut dire à personne qu’il vit en ermite, vu que le principe de la vie en ermite, c’est d’être seul et isolé du monde.
Un ermite qui se laisse voir, c’est de l’érotisme (comme une pute qui soulève sa jupe pour attirer le client).
Autrement dit, tout ermite connu (même seulement à travers ses textes) est fondamentalement hypocrite.
Exactement comme les “solitaires” qui n’ont jamais passé plus d’un week-end sans parler à quelqu’un.
Non, les mots ont un sens… mais c’est bien parce qu’ils ont un sens que l’on peut l’usurper.
Ce qui nous amène au point suivant :
Si vous rencontrez un ermite archétypal (ou n’importe quel archétype), vous pouvez être sûr que la personne en face joue un rôle.
Et quand je dis “joue un rôle”, je veux dire que l’autre fait un effort conscient pour avoir l’air d’un ermite.
J’ai rencontré de “vrais” ermites (en tombant sur leur cabane par hasard dans les montagnes).
À aucun moment, ils ne se sont pris pour des ermites.
Ils m’ont fait visiter leur campement et on a discuté d’égal à égal sur la société et le sens de la vie.
Là, vous vous dites peut-être :
“Il y a le gentil ermite qui ne se prend pas au sérieux et le méchant ermite qui se prend au sérieux”.
Sauf que vous oubliez que le gentil ermite qui ne se prend pas au sérieux vit comme un clochard seul dans la forêt (grâce au RSA et/ou en fouillant dans les poubelles).
Alors que le méchant ermite écrit des bestsellers et baisent des mannequins en vivant comme un roi dans une villa avec piscine dans les montagnes.
Ce n’est pas une caricature, à quelques km de la cabane d’un ermite que j’ai rencontré, il y avait des villas avec piscine totalement isolées et même le bunker d’un millionnaire.
Donc, posez-vous les bonnes questions : vous préférez faire la manche à l’entrée du Lidl ou hébergez de jeunes Ukrainiennes en organisant des pool party tous les soirs ?
La deuxième option vous semble peut-être impossible à atteindre (et puis moi non plus c’est pas trop mon truc les pool party).
Mais là où je veux en venir, c’est que l’hypocrisie est une fonction vitale en société.
Pour le comprendre, il faut revenir à l’ontologie primordiale : c’est en se prenant au sérieux que l’on crée la réalité.
Celui qui ne se prend pas au sérieux doit adhérer à la réalité d’un autre (comme un parasite).
Ainsi, quand l’ermite de luxe dit :
“Ma vie est géniale, donnez-moi de l’argent (ou votre cul) pour m’écouter (et assurer mon train de vie).”
L’ermite clochard (qui a déjà acheté les livres et les formations du 1e) lui répond :
“Mec, ta vie est géniale, t’aurais pas une petite pièce ou un ticket resto à me dépanner, ou à la limite, est-ce que je peux fouiller tes poubelles ?”
Cette différence peut sembler un peu extrême à première vue, mais elle illustre le cœur de la réalité sociale.
Il y a ceux qui se prennent au sérieux et les spectateurs.
Ken Wilber, gourou parmi d’autres, s’est vanté de n’avoir jamais rien planifié dans son Integral Institute (institut de formation en spiritualité / développement personnel).
Autrement dit, il était paumé, comme les fidèles qui venaient chercher des réponses en l’écoutant.
La seule différence entre lui et ses disciples, c’est qu’il se prenait au sérieux (et que se prendre au sérieux lui rapportait assez pour vivre très confortablement et ne pas avoir à se soucier de l’avenir).
Mais pouvait-il vraiment se prendre au sérieux ? (sachant qu’il avait un physique de mannequin)
Peut-être, et c’est toute la problématique.
Il n’y a pas de Dieu sur Terre qui distribue les rôles.
Vous êtes donc libres de choisir d’être un clochard des bois ou un ermite de luxe.
Perso, j’ai choisi : je serai un ermite de luxe, sinon rien.
PS :Si vous voulez de la lecture, je vous déconseille Walden de Thoreau (ça ne plait qu’aux étudiants qui se prennent pour des aventuriers en partant en Erasmus dans les pays nordiques).
Par contre, vous pouvez lire Le dernier ermite (ça raconte l’histoire d’un clochard qui a vécu 27 ans dans la forêt avant d’être jeté en prison).
