Caca---AKB48
2023-08-30 07:27:38
L'odeur est plus forte c'est sur. Et puis ça s'affaisse, ça dégouline. Ca se ratatine.
Vous allez surement me prendre pour un fou, mais ce que j'ai dans le frigo, je ne le mange pas. Jamais, ça serait un sacrilège.
Je veux dire, j'achète des produits frais, j'attends qu'ils pourrissent et enfin je reste parfois des heures à contempler ce spectacle.
C'est comme un décor qui se renouvelle constemment. A chaque fois surprenant. Et puis les mélanges, les odeurs sont infinis.
Je me considère comme un artiste. Un artiste du vrai. Qui vit son art. Le peintre peint une toile, l'écrivain écrit une histoire, mais tout est fictif. Les sens sont absents de leur art. Moi je refais vivre nos sens, nos émotions. Les produits ont une histoire. Une constitution, une évolution, je m'insère dans notre monde à travers une petite lucarne réfrigérée et pour le reproduire en miniature, à ma manière.
Personnellement, j'adore l'odeur du chou pourri. Et puis le potiron, oh le potiron ! Sa couleur est exceptionnelle, j'en tapisse souvent plusieurs étages de mon frigo.
J'aimerais vous inviter tous chez moi, cependant les dernières expériences ont été amères, depuis, je garde tout ça pour moi. Et s'il n'y avait que ça. Tant d'actes, de pensées que je ne peux partager, tant d'incompréhensions qui me font souffrir et m'isole des autres.
Mais je m'égare.
Juste, sachez que lorsque je me lève, je me dirige toujours vers le frigidaire. C'est mon premier geste matinal.
Je regarde si tout va bien. Et je suis rassuré.
Je pars travailler, et une fois rentré chez moi, je sais que mon frigo m'attend, jusqu'à ce qu'il finisse par me trahir.
Jusqu'à ce que la nature en décomposition devienne nature morte. Nature rongée par les omnivores, les insectes ces barbares qui rongent tout. Nous sommes ces insectes. Et ces insectes me rappelle à chaque fois, à mon intolérable condition humaine.
Alors je nettoie, je purifie, j'expurge tout frénétiquement, plus c'est toxique, plus c'est propre, et mieux je me sens.
Ils me volent mon monde, mon intemporalité. Ils me rappellent celui que je ne veux pas être. Je regarde mon frigo comme un miroir de ce que je ne suis pas. Une innocence délavée par la cruauté de mes crocs.
Je bois du jus de légume comme du sang. Je maudis ce monde qui ne réfléchit pas, parce que pour la première fois, j'ai vu mon ombre planer là-bas, l'image de celui que je suis et qui m'a, pour toujours ému, la-bas, dans mon frigohttps://image.noelshack.com/fichiers/2017/38/4/1506026140-remiliacum4.png