rGutKaiser
2023-02-19 22:54:56
La Révolution couvre une assez large période marquée par l'affrontement, dans un climat de confusion et d'anarchie des plus totales, de mouvements, de figures, d'idées et de pensées aussi divers que variés. Le désordre, l'incompréhension et la division y étaient endémiques. Toute volonté de substituer à la royauté un ordre nouveau, fondé sur la base d'idées prédéfinies, était aussitôt balayée d'un revers.
En d'autres termes, le cours global des évènements a fini par échapper à toutes les parties prenantes sans qu'aucun de ces mouvements ne puisse dicter ni imposer sa vision des choses.
Comble de l'ironie : la franc-maçonnerie était, initialement, bel et bien royaliste (Louis XVI lui-même était à deux doigts de s'y joindre, Louis XVIII était franc-maçon et Charles X, pourtant loué par les cercles conservateurs, avait lui même hésité à s'y joindre). Cette franc-maçonnerie était principalement constituée de membres appartenant à la noblesse et ce, en dépit du doublement du Tiers-État aux états généraux de 1789.
Ce n'était pas, évidemment, un royalisme de type "conservateur" ; les francs-maçons militaient en effet - pour la majorité d'entre eux, du moins - à l'édification d'une monarchie réformée, inspirée du modèle en vigueur outre-Manche.
Les bourgeois, eux, avaient leurs propres structures, à leur façon (bien que certains d'entre eux aient été aussi membres de la FM, l'un n'empêchant pas l'autre) : club des Jacobins, des Feuillants, des Cordeliers etc...
En réalité, l’enthousiasme révolutionnaire manifesté par les loges resta purement verbal : le don patriotique de l’ordre à l’Assemblée nationale proposé par le Grand Orient en novembre 1789 ne put avoir lieu faute de contributions suffisantes. Le fait essentiel, aujourd’hui solidement établi, c’est la division des initiés devant la Révolution, leur « immense dispersion politique » (Daniel Ligou). Il n’y avait au sein de la maçonnerie ni doctrine uniforme, ni mots d’ordre uniques, ni discipline rigoureuse susceptible de déboucher sur une action concertée ; il n’y eut donc pas d’attitude commune, mais un éclatement de la fraternité maçonnique sous le choc révolutionnaire (Albert Soboul)
Les francs-maçons verront également s'abattre, sur eux-mêmes, les foudres du pouvoir républicain. Nous pouvons citer, à cet égard, l'immense reflux de francs-maçons vers l'étranger, l'émigration des frères, la fermeture des loges militaires ou encore l'exécution de Philippe-Égalité, grand-maître de l'Orient de France.
Pourtant, malgré leur ralliement au régime, la plupart des loges d’abord tolérées par le pouvoir révolutionnaire ont fini par être interdites. Dans plusieurs villes, ce sont les pressions des Jacobins locaux, s’exprimant au sein des sociétés populaires, des comités révolutionnaires ou des municipalités, qui ont entraîné la disparition des derniers ateliers : par exemple Laval, Tours, Blois, Dijon... Dans trois autres cas, ce sont des représentants en mission qui ont pris des mesures formelles d’interdiction : Le Carpentier à Dinan (26 avril 1794), Garnier de Saintes à Bordeaux (10 juillet) et Mallarmé à Toulouse (5 octobre, donc après Thermidor, mais alors que la ville était toujours contrôlée par les Jacobins). Leurs arrêtés indiquent les raisons de ces décisions. Ils reconnaissent le patriotisme et les bonnes intentions des francs-maçons, mais redoutent « la nature de l’association elle-même », estimant que ses réunions secrètes et fermées pouvaient devenir politiquement dangereuses en servant de refuge aux « malveillants » et de « repaire pour l’aristocratie et les conspirateurs »
La thèse selon laquelle la FM serait responsable de la Révolution française, on l'a doit à un seul homme : l'abbé Barruel. Ce sont ses idées qui seront reprises par les cercles royalistes conservateurs, dans le courant du XIXème siècle, adhérant à l'idée de l'existence d'un complot maçonnique concerté contre la royauté.
Cette idée repose pourtant sur un travestissement de la réalité, jusqu'à la caricature mensongère.