SonicIssou
2023-01-19 16:31:47
CELUI QUI EST PARTOUT : PERKUNAS (PERKONS/ PERGRUBIUS)
C’est l’un des dieux majeurs du panthéon letton (près de 40 lieux portent le nom de Perkons en Lettonie) et, plus encore, lituanien. Surtout, c’est celui pour lequel on dispose des informations les plus anciennes, démontrant son existence à l’époque médiévale.
Sa domination des éléments naturels couvre le large éventail des forces vitales. Il est d’abord le maître du feu sous toutes ses formes, dieu du tonnerre et de la foudre et dieu forgeron, celui qui, à l’aube du monde, a trempé dans sa forge le Soleil et que l’on décrit portant une épée, un marteau ou une hache. Dans les dainas, il exerce ses talents au service des dieux : il forge une ceinture d’or et un anneau pour la fille de Saulé, des éperons en or pour l’un des fils de Dievs, etc. Les hommes eux-mêmes ont reçu de lui l’art de la forge. Ce maître des orages traverse le ciel sur son char, déclenche à volonté les tempêtes. Malecki rapporte :
« Près de la Samogitie se trouve une colline le long du Niémen, au sommet de laquelle un feu perpétuel est gardé par un prêtre en l’honneur de Pargnus (déformation évidente de Perkunas), que ce peuple superstitieux croit encore être maître du tonnerre et des tempêtes. » Les météorites, pierres enflammées tombées du ciel, sont appelées « pierres de Perkunas ».
Il exerce également son empire sur l’eau, indispensable aux travaux de la forge comme à ceux des champs. Le maître du feu est donc aussi le maître de la pluie et, par conséquent, celui qui dispense la fertilité :
« Perkons allait par la mer / la pluie tombait sur la mer / le laboureur priait Perkons / Viens, Perkons, en cette terre / Dans l’orge se sont flêtris les germes. »
Il est aussi le maître des métaux :
« Perkons a des chevaux noirs / Nourris de pierre / Ils boivent de l’eau d’argent / Dans des abreuvoirs en acier. » Il détient le pouvoir de transformer le minerai caché dans la pierre en métal utile à l’agriculture comme à la guerre. C’est donc un dieu frappeur et guerrier, qui trancha de son épée la tête de Velnias : ce mythe, avec celui de la forge du Soleil, atteste sa fonction cosmogonique. Plusieurs dainas l’évoquent en train de frapper un arbre sec, écho évident des dégâts provoqués par la foudre.
Une daina d’une longueur exceptionnelle rassemble plusieurs éléments mythologiques, associant la forge céleste, la lutte contre le Diable et le fleuve aux eaux purificatrices :
« Le forgeron forge dans le ciel / Les charbons tombèrent dans la Daugava / J’étendis mon châle / De l’argent tomba pour moi / Je forgeai une épée à neuf lames / Je tranchai la tête du Diable / en neuf morceaux / Mes habits bruns furent aspergés / du sang du Diable / Je demandai à ma mère / Où il fallait les laver / Cherche un bras de fleuve / avec neuf sources. »
Résumons : dieu créateur, transformateur par excellence, maître du feu et de l’eau, il est le garant de la fertilité et le patron de la métallurgie. Sa puissance se déploie au quotidien. Les hommes le vénèrent et le craignent. Il n’est pas difficile de reconnaître en lui un dieu souverain sans doute d’origine indo-européenne.
Des auteurs tardifs comme Erasmus Stella ou Grunau l’ont associé au chêne, souvent frappé par la foudre. Si Marija Gimbutas l’apparentait à Thor, on voit plutôt en lui l’équivalent du Perun slave, tant ils sont proches par leurs actions comme par le nom.
Perun est une divinité souveraine, peut-être la plus importante chez les Rus’. Dieu de l’orage et du tonnerre, il faisait l’objet d’un culte vivace au Xe siècle à Kiev et dans la région de Novgorod. Il est tout à fait possible qu’il ait été commun aux Slaves et aux Baltes qui vivaient dans une étroite proximité avant les grandes migrations de ces derniers. Sa puissance se manifeste par sa longue résistance au christianisme.
Perkunas est le dieu que l’on rencontre le plus souvent dans les libelles des hommes d’Église et des pasteurs chassant les débris du paganisme. Tous se heurtent à son culte, parfois mal dissimulé sous un vernis chrétien.