Face aux nouvelles exigences des femmes ou par soif de liberté : le boom des hommes célibataires
DÉCRYPTAGE - Ils n'ont jamais été aussi nombreux à choisir - ou à subir - la vie en solo au long cours. Confusion face aux nouvelles aspirations féminines, envie de vivre pour soi… Loin des stéréotypes, se dessine une mutation des rapports amoureux
Un nouveau profil surgit chez les hommes : les célibataires longue durée. Paul compte parmi ces derniers. 37 ans, architecte, passionné par son travail, il aime aussi la voile, la cuisine et les films de Pedro Almodóvar. Avec ses faux airs d'Adam Driver, il est plutôt beau garçon et franchement sympathique. Depuis plusieurs années, il enchaîne les histoires. Quand on lui demande pourquoi il ne veut pas s'engager, il sourit : «Le couple, j'ai essayé il y a longtemps. J'avais le sentiment de beaucoup sacrifier et pourtant de constamment décevoir ma partenaire. J'étais déstabilisé. Aujourd'hui, je préfère être seul. J'ai mes amis, mes aventures sexuelles, cela me suffit.»
Faut payer khey
Misère voulue en fait
C'est cette génération qui s'autosabote et qui va regretter une fois seul sur son lit de mort à 70 ans.
Moi je regarde la misère des pères séparés qui sont contents de voir leurs gosses justes le weekend. C'est trop marrant dans les grandes villes, les mecs seuls avec les gosses, tu vois tout de suite que c'est le couple classique avec garde alternée ou un week end sur deux. Les mecs sont des ratés au niveau familial mais ils sont contents. C'est beau.
Ils n'ont jamais été aussi nombreux à choisir - ou à subir - la vie en solo au long cours. Confusion face aux nouvelles aspirations féminines, envie de vivre pour soi… Loin des stéréotypes, se dessine une mutation des rapports amoureux.
Un nouveau profil surgit chez les hommes : les célibataires longue durée. Paul compte parmi ces derniers. 37 ans, architecte, passionné par son travail, il aime aussi la voile, la cuisine et les films de Pedro Almodóvar. Avec ses faux airs d'Adam Driver, il est plutôt beau garçon et franchement sympathique. Depuis plusieurs années, il enchaîne les histoires. Quand on lui demande pourquoi il ne veut pas s'engager, il sourit : «Le couple, j'ai essayé il y a longtemps. J'avais le sentiment de beaucoup sacrifier et pourtant de constamment décevoir ma partenaire. J'étais déstabilisé. Aujourd'hui, je préfère être seul. J'ai mes amis, mes aventures sexuelles, cela me suffit.»
Pas un sacerdoce, mais un épisode
Le cas de Paul intéresserait le psychologue Greg Matos. Dans un article (1) qui a fait parler aux États-Unis et jusqu’en Angleterre, celui-ci affirme que les hommes hétérosexuels et célibataires longue durée sont beaucoup plus nombreux dans le monde occidental qu’il y a trente ans. Il s’appuie sur le fait que ceux-ci représentent 62 % des utilisateurs des applications de rencontres (2).
« Si les hommes y sont plus présents, c’est parce qu’une partie des femmes qui cherchent une stabilité associent souvent ces applis à des relations sexuelles éphémères et non à un moyen de trouver un bon partenaire », décrypte le sociologue Christophe Giraud. En bref, les femmes ne s’y connectent pas ou peu. Ne s’intéresser qu’aux chiffres des sites de rencontre est donc réducteur. D’autres statistiques montrent d’ailleurs une vraie parité dans le célibat, toutes tranches d’âge confondues. Mais si la méthode de Greg Matos peut prêter à débat, son analyse soulève des questions intéressantes et permet de s’interroger sur le célibat masculin contemporain.
En trois décennies, le sens même du célibat a changé. Avec l’allongement de la durée de vie, il n’est pas un sacerdoce, mais un épisode. Fini aussi la stigmatisation à outrance de ceux que l’on a longtemps appelés les « vieux garçons » : « Le célibat masculin longue durée n’est plus non plus synonyme de misère sexuelle, ajoute Christophe Giraud. On peut être célibataire et avoir des aventures. C’est une liberté désirée.
Il existe bien sûr des personnes qui ont du mal à rencontrer des gens. On peut citer l’exemple extrême des “incels”, des groupes d’hommes qui déversent sur Internet leur haine des femmes qu’ils tiennent responsables de leur absence de vie sexuelle. Ils vivent frustrés dans une société qui leur promet, notamment via les applis, des rencontres faciles, qui n’arrivent pas. Cependant, ils restent minoritaires. »
Une communication à repenser
Pour expliquer la hausse des hommes célibataires longue durée, le psychologue Greg Matos pointe deux raisons : l’augmentation des standards d’exigence des femmes en termes de relation, mais aussi une incapacité des hommes à communiquer. Nous lui avons demandé de préciser sa pensée : « Le message principal que je veux faire passer, c’est le manque d’outils de connexion émotionnelle chez les hommes. Les célibataires d’aujourd’hui vivent à un moment pivot. On est en pleine transformation des valeurs de masculinité en même temps que d’une redéfinition des rôles entre les genres. »
En effet, les nouveaux courants féministes, les mouvements comme MeToo et toute une jeune génération à l’esprit décloisonné ont contribué à changer les perceptions des normes de genre… et les exigences des femmes. Consentement, égalité, écoute, partage des tâches : au-delà des concepts médiatiques, elles formulent de nouvelles demandes concrètes. « Elles attendent aussi des hommes plus d’autonomie mentale. Elles ne veulent pas jouer à la maman, à la psychologue ou à l’infirmière », confirme la sexologue Dominique Lefèvre, coauteure de Libido Land’s Map. Les cartes d’amour du sexe (Éditions Complicités). Ces changements peuvent dérouter certains hommes, comme Paul, qui trouve que les « relations actuelles mettent trop de pression ».
Quant au manque de communication pointé par l’Américain Greg Matos, il s’explique, selon lui, par le fait que les hommes trentenaires, quarantenaires et au-delà, ont été élevés dans l’idée que leur réussite ne se plaçait pas sur le terrain personnel, intime. « Les femmes ont plus d’attentes concernant le couple, alors que les hommes sont plus exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes sur la place sociale. Donc, ils s’investissent moins dans la réussite affective », analyse la psychologue Véronique Kohn, auteure de Quand la peur de perdre l’autre… me fait le perdre ! (Éditions Tchou). Karim, 35 ans, se reconnaît dans cette description : « Je n’ai jamais connu de relation longue. Je suis habitué à ma liberté, les filles me reprochent souvent mon manque d’investissement, d’attention. »
Beaucoup d’hommes ont appris qu’il fallait intérioriser une certaine partie de leurs émotions, comme si leur expression relevait d’une forme de vulnérabilité, de faiblesse même. Cette idée a été propagée entre les générations à travers l’éducation, mais aussi à travers la pop culture. Les films et les séries télé martèlent depuis des décennies l’idée qu’un homme, « un vrai », ne devait pas s’étendre sur ses sentiments, que rentrer dans les moindres détails de ses émois serait quelque chose de féminin et donc de négatif. Sauf que cette perception rétrograde ne colle plus avec les désirs des femmes.
Le bonheur, une quête individuelle
Selon l’Insee, 40 % des Français sont célibataires (3). Autrement dit, une personne sur cinq entre 26 et 65 ans. Les hommes sont plus nombreux à ne jamais avoir été en couple : 30 % contre 13 % des femmes. En cause ? « La définition du bonheur évolue en même temps que la perception de la vie conjugale », constate Véronique Kohn. Sa quête devient plus personnelle. Résultat ? « On se plie moins aux difficultés du couple, parce que l’on ne veut pas que cela interfère dans notre recherche d’une joie individuelle », poursuit-elle. La liberté est un mot qui revient souvent dans la bouche des célibataires. Pour la sacrifier, il faut que le ou la partenaire coche un certain nombre de critères. Formatage des applications de rencontre sur lesquelles on peut littéralement cocher les cases qui nous intéressent ? Époque qui pousse à l’individualisme ?
Quelle que soit la cause, le constat est implacable : 50 % des hommes sont seuls pour « garder leur liberté, ne pas avoir de comptes à rendre », nous apprend l’étude La vie hors couple, une vie hors norme ? Expériences du célibat dans la France contemporaine (4). Cette dernière montre aussi que les hommes envisagent le couple comme un frein à une forme de fantaisie et de spontanéité du quotidien. « La société a changé, on n’est plus obligé d’être à deux pour vivre, on peut tout faire tout seul, affirme Hugo, 27 ans. Mon célibat est un choix. J’ai déjà eu une très belle relation, mais là je veux vivre ma vie à moi, ne pas me sentir obligé de faire des compromis. » En pleine ascension professionnelle, il veut travailler et faire la fête sans devoir se justifier auprès de qui que ce soit.
Ensemble, séparément
Car la vie à deux, si elle reste un but, ne fait plus autant rêver. Surtout ceux qui l’ont expérimentée. « Il y a un désenchantement du couple romantique qui peut pousser à rester célibataire, estime la psychologue Véronique Kohn. On anticipe la contrainte, les exigences. » Karim, célibataire longue durée, trouve que les couples qui l’entourent ne « font pas rêver ». Il s’amuse des mises en garde de ses copains qui lui conseillent de bien réfléchir avant de s’engager. Lui espère un jour réussir à trouver l’amour tout en conservant des moments juste pour lui : « Peut-être que je suis bizarre, mais je sais que j’aurai alors besoin d’une pièce, d’un endroit rien qu’à moi. »
Ce désir de préservation d’un espace à soi, littéral ou non, se fait souvent sentir. 67 % des célibataires sont des personnes séparées, dépacsées ou divorcées. Quand elles se remettent en ménage, surtout au cours de la quarantaine, beaucoup choisissent de ne pas habiter à deux. Elles préfèrent partager des moments de qualité plutôt que de construire ensemble. « Une partie de la demande d’égalité des femmes se manifeste dans cette idée de la non-cohabitation ; chacun son domaine, chacun garde le contrôle sur ses possessions, développe le sociologue Christophe Giraud. Il n’y a pas de division des rôles ou des tâches communes. Et quand il y en a, chacun gère ses enfants. Cela peut décevoir certains hommes qui voudraient cohabiter pour retrouver une forme de confort. Car, même s’ils disent qu’ils vont faire des efforts, les femmes continuent à assurer quatre heures de tâches ménagères quotidiennes, contre deux heures pour les hommes. »
Quant à la génération Z (les vingtenaires), qui aime bousculer les vieux concepts, elle réfléchit à des modèles alternatifs, questionne des thèmes comme l’exclusivité. « Les hommes de la Gen Z sont à un stade de leur parcours de vie qui est très spécifique, avance Christophe Giraud. Ils sont plus à l’aise que leurs parents avec des schémas moins conservateurs. Ils tentent, par exemple, le polyamour, le fait d’avoir plusieurs relations amoureuses en même temps de façon honnête. » Quels que soient l’âge et la génération, le revers de cette quête de liberté sur le long terme est le risque de solitude pour les célibataires les plus chevronnés.
(1) « What’s Behind the Rise of Lonely, Single Men » dans « Psychology Today ».
(2) Étude réalisée par la firme GlobalWebIndex dans 32 pays.
(3) Étude des parcours individuels et conjugaux menée en 2013-2014 en France métropolitaine par l’Ined et l’Insee.
(4) Marie Bergström, Françoise Courtel et Géraldine Vivier, Institut national d’études démographiques.
Encore un article de merde qui élude complètement la question des 20% d'hommes qui n'ont pas de décendence et pour qui ce n'est pas un choix mais c'est forcé.
C'est une minorité d'hommes célibataires qui est décrite par l'article.