La tendance au révisionnisme historique existe à tous les égards chez la Jeune Fille mais elle n’est jamais aussi forte que quand elle repense à ses relations passées. Quand la flamme s’éteint, quand, comme le chantait Rutebeuf, l’amour est morte, l’idée qu’elle ait pu, autrefois, être dans un autre état d’esprit que celui dans lequel elle se trouve aujourd’hui lui devient absurde, impensable, impossible. Il est impossible qu’elle ait aimé ce mec, qu’aujourd’hui elle méprise : donc elle a seulement cru l’aimer. Si elle a cru l’aimer, c’est qu’il a tout fait pour qu’elle y croie. S’il a tout fait pour qu’elle y croie, c’est qu’elle a été manipulée. Si elle a été manipulée, c’est presque comme si elle avait été violée. Par voie de conséquence, elle est, d’abord et avant tout et surtout à ses propres yeux, une victime. Et leur ex compagnon, forcément un manipulateur, un pervers narcissique, un sadique, un sale type, etc.
Le statut de victime est un statut merveilleux, et que la Jeune Fille recherche par-dessus tout. En effet :
Une victime est avant tout à plaindre, non à juger.
Une victime n’a pas à remettre en question ses actes : elle n’a rien fait de mal, elle a seulement subi.
Une victime n’a pas à se demander quelle part elle a pris à son propre malheur : elle est pure et vierge de tout reproche.
Grâce à ce merveilleux statut, la Jeune Fille est donc capable d’aller d’homme en homme et d’histoire en histoire sans jamais rien apprendre et sans jamais remettre en question ses propres méthodes, ni sa propre façon d’être.