Mutation en avril, coup de foudre en mai. La surveillante de la maison d’arrêt de Chambéry a confirmé, jeudi 24 novembre lors de sa comparution immédiate, qu’elle était « tombée amoureuse » du prisonnier placé sous sa garde peu de temps après sa prise de fonction, au printemps de cette année 2022.
Elle envoyait au détenu des photos d’elle dénudée
« Vous étiez la chérie de la grosse tête de la détention » a résumé la vice-procureure Mélanie Callec, au ministère public. La jeune femme, âgée de 32 ans, l’a reconnu en murmurant, mal à l’aise de devoir s’expliquer en public, avec ses collègues et son directeur assis derrière elle dans la salle d’audience. Son amoureux trafiquant de drogue n’était effectivement pas un petit poisson et elle lui accordait, à tout point de vue, un traitement de faveur. SMS, conversations téléphoniques, photos coquines, relation sexuelle en prison… Jusqu’à la fin du mois d’août le couple avait pu entretenir sa liaison clandestine, sans tabou ni limite, derrière les barreaux. Mais comme le dit la chanson, les histoires d’amour finissent mal, en général.
La surveillante amoureuse a fini par être dénoncée deux fois, en juillet par un coup de fil anonyme, et en août par une accusation en bonne et due forme à la hiérarchie, lancée par un codétenu. Car tout se sait très vite dans une prison.
« Elle a violé toutes les règles déontologiques et professionnelles »
Le 29 août, une fouille de la cellule du « dealer joli cœur », comme l’a surnommé l’avocate de la surveillante, Me Anne Padzunass, devait livrer quelques grammes de haschisch sans intérêt et un téléphone. Par ailleurs, dans les conversations de messagerie interceptées, la surveillante rassurait son « bébé » en lui promettant que le délateur serait transféré dans une autre prison. Elle venait de déposer plainte en riposte contre lui, outrée qu’il ait insinué qu’elle livrait des marchandises en douce à son amant.
« L’équilibre en détention tient à un fil et elle l’a mis en péril. Elle a violé toutes les règles déontologiques et professionnelles » a constaté le ministère public. Mise sur écoute, ciblée par une enquête, la surveillante a été placée en garde à vue le 23 septembre et suspendue sans traitement, dès le 24. « Elle est tombée en amour, elle est tombée dans le panneau, parce qu’elle était fragilisée par une situation personnelle difficile » a plaidé son avocate.
Elle risquait jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende
Divorcée, mère d’une fillette, elle était entrée dans l’administration pénitentiaire à l’âge de 23 ans et, malgré toute cette histoire, ce jeudi encore, elle ne se voyait pas faire un autre métier. Le ministère public a insisté pour que soit prononcée une interdiction de tout poste dans la fonction publique pendant cinq ans. « Elle est dans la nostalgie : cette délinquance qu’elle a touchée, ça lui a plu. » La défense s’est élevée contre cette demande en estimant qu’elle pourrait remplir un emploi administratif, qu’elle n’avait jamais fauté jusque-là et que la justice n’avait jamais entendu parler d’elle.
Dix mois de prison avec sursis avaient été requis. Poursuivie pour « communication non autorisée avec un détenu par une personne chargée de la surveillance », elle risquait jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. La présidente Solène Simonot lui a infligé six mois de prison avec sursis simple et elle lui a interdit d’exercer dans l’administration pénitentiaire pour une durée de cinq ans. À cause de la gravité du dérapage et parce que « ces contacts-là étaient dangereux ». Elle lui a accordé, en revanche, que cette condamnation ne soit pas inscrite au feuillet communicable de son casier judiciaire.