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2022-08-14 19:34:47
Le grand mérite de Rousseau, c’est d’avoir inventé l’enfance, d’en avoir compris le caractère essentiel dans la formation morale, culturelle et libidinale. De lui découle l’attention que nous portons en France aux tout-petits, depuis Pauline Kergomard (1838-1925).
Mais c'est à peu près tout.
Rousseau, contre Pascal et contre Voltaire, voit l’enfant comme un être bon par principe, tant qu’on ne le gâche pas. Tout part de ce postulat, qui n’a d’autre évidence que d’aller à l’encontre du principe classique selon lequel le petit homme est un être de chaos, d’instincts et d’appétits auxquels l’éducation justement donne forme en les bornant sévèrement.
Le précepteur rousseauiste, lui, accompagne, veillant à ce que le monde des adultes, forcément corrompu, ne vienne pas gâcher sa bonne nature. C’est, explicitement, une pédagogie négative, visant à bloquer les influences néfastes, à instruire par les choses plutôt que par les livres (qui, comme les spectacles, ne sont bons que pour les peuples corrompus - un pavé dans le jardin de l’Encyclopédie)
Nos « pédagos » modernes sont de mauvais lecteurs de Rousseau. Ils ont importé au xxe siècle des concepts du xviii.
La vraie pédagogie, celle des Lumières, part d’un postulat dégagé des vapeurs passionnelles et promeut une instruction parfois rude, à base de « par cœur » quand il le faut et de savoirs rigoureusement transmis. Elle ne vit pas dans l’espérance que des « ateliers philo » de maternelle jaillira, dans les crânes embués des enfants, une lumière entraperçue dans quelque grotte platonicienne.
Le pédagogisme est un idéalisme obsessionnel qui convient bien à notre époque de religiosité diffuse et de déconstruction postmoderne. C’est une secte, avec des réflexes de secte, quelques gourous et une propension à maudire et à persécuter ceux qui ne pensent pas comme eux. C’est la victoire du protestantisme sur les philosophes des Lumières.