Depuis plus de dix ans qu’il travaille dans l’enseignement, Pascal L., 42 ans, n’avait jamais été confronté à une décision si brutale. Ni jamais été traité de « raciste ». Aujourd’hui encore, plusieurs mois après les faits, il s’interroge sur ces évènements, non sans une certaine crainte vis-à-vis des conséquences qu’ils pourraient avoir. Lorsque nous le rencontrons, courant avril, dans un café parisien, il semble à la fois résigné sur son sort et déterminé à faire connaître l’injustice dont il dit avoir été victime. Il a bien consulté un avocat, mais celui-ci lui a déconseillé d’enclencher une procédure. La justice ne peut rien pour lui. Les médias pourraient-ils faire quelque chose ? Il s’interroge.
L’affaire débute en octobre 2021, au centre de formation d’apprentis (CFA) Enfances et Compétences, structure parisienne privée appartenant au réseau de crèches La Maison Kangourou. Plusieurs classes d’adultes, essentiellement de jeunes femmes, sont formés chaque année dans ce CFA pour apprendre les métiers de « la petite enfance » (employée de crèche, assistante maternelle, garde d’enfant…) et obtenir un CAP. Pascal L. y est enseignant depuis 2018, via un « CDD d’usage », renouvelé chaque année. Vendredi 15 octobre 2021, jour de la rentrée pour le CFA, il donne son premier cours d’histoire-géographie (matière qui comprend l’éducation civique et donc la laïcité) et découvre qu’une de ses élèves est couverte d’un « tchador », un ample voile islamique qui couvre la tête, le cou et les épaules.
En plus de dix ans d’enseignement, affirme le professeur, c’est la première fois qu’il est confronté à un signe religieux ostentatoire. Il est d’ailleurs convaincu que ces signes sont interdits par le règlement du CFA, à l’instar des écoles publiques, comme le montre les SMS échangés par la suite avec la directrice. Coïncidence, ce 15 octobre est aussi le jour d’hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie assassiné par un musulman radicalisé après un cours d’enseignement civique.