MagnesiumB7
2022-05-29 01:20:31
J’avais pas encore quinze ans, c’était pendant l’été 2009. J’étais dans un TER qui filait en pleine campagne, je ne me rappelle même plus où j’allais. Le TER était quasiment vide ; dans mon wagon il y avait juste un vieux Noir qui dormait quelques sièges plus loin. Il faisait très chaud. C’était en fin d’après-midi, le soleil tapait fort, mais avec une lumière orangée. Par les fenêtres je ne voyais que des étendues de champs, et de temps en temps deux-trois maisons. Aucun bruit à part celui du train.
J’ai eu envie de pisser, je me suis levé pour chercher les toilettes. J’ai longé le wagon, et en ouvrant la porte au bout du wagon j’ai assisté à un étrange spectacle : quatre flics, des colosses, en uniforme d’été - pantalon bleu marine, chemisette blanche avec l’écusson de la police nationale -, crâne rasé, des lunettes de soleil, flingue à la hanche, tous très grands. Ils ne disaient pas un mot, ils étaient juste postés là, debout.
J’ai un peu hésité, et l’un d’entre eux m’a dit : « Salut. » J’ai répondu : « Euh… salut », et j’ai passé mon chemin. J’ai cherché des chiottes dans les autres wagons, je n’en ai pas trouvé – apparemment il n’y a pas de toilettes dans les TER. J’ai voulu donc retourner à ma place (ce qui était con, j’aurais pu m’asseoir n’importe où vu que j’avais pris mon sac avec moi).
Je suis repassé entre les flics, un peu mal-à-l’aise – c’étaient vraiment des géants. L’un d’eux m’adresse la parole, je m’arrête direct. « Vous cherchez quelques chose ? » – « Oui, les toilettes. » Là le flic me demande, sur le même ton que s’il m’ordonnait de sortir mes papiers : « C’est pour pipi ou caca ? » Il n’a même pas souri, ni ses collègues d’ailleurs, ils étaient tous totalement inexpressifs. On aurait dit des robots.
« Euh… juste pour pisser », j’ai répondu – je vous avoue que je commençais à suer du cul, je trouvais la situation de plus en plus étrange. – « Y aura des toilettes à la prochaine gare », a répondu le keuf. J’ai dit merci, et j’ai passé mon chemin, un peu soulagé, et je me demandais en même temps : qu’est-ce qu’ils foutent ici, tous les quatre, dans un TER vide en pleine cambrousse ?
Finalement, je suis descendu à la gare suivante, une minuscule gare déserte, posée entre les champs, j’étais quelque peu désorienté.