HortyUnderscore
2022-05-16 13:39:06
Ainsi donc, c’était la fin. L’armée de MVD-, après avoir parcouru la moitié du Globe, avait été stoppée là.
« Là », c’est-à-dire en plein cœur de Sèvre, citée jadis entrée dans la grande Histoire pour ses fabriques de porcelaine, puis en raison de la bataille décisive qu’y avaient livrée les armées en déroute certes, mais héroïques pourtant, de l’imperator directrice générale et pro consul en chef MVD-.
Il y régnait une atmosphère de fin du Monde. Les arbres frissonnaient sur les trottoirs, agitant leurs cimes comme autant de vieux sénateurs qu’on eût extirpés brutalement de leur lit après la noce. L’univers était grandieusement grandiose, ce soir. Là, autour d’elle, le dernier carré des fidèles était assemblé.
Il y avait Roman, tout d’abord, sexagénaire cul-de-jatte que notre héroïne avait arraché à la mendicité et dont les vues militaires avaient permis le renversement de six batailles à travers le Globe. Hercules aussi, fonctionnaire minable, et dont la petite taille avait été éclipsée par un maniement du lance missile Javelin si exceptionnel qu’il en avait anéanti six divisions blindées à lui seul. Rubiot ensuite, bateleur, et qui avait jadis tenu un cirque. Et enfin, Fernanda, prostituée, laquelle sous le gouvernement de MVD- avait été bombardée Ministre « de toutes les écoles ».
Là, sur le tertre, il régnait une atmosphère de grandeur folle. MVD- vaincue... ! Ce n’était pas simplement la fin d’un règne. MVD- vaincue, c’était la fin d’un mythe. Aussi cette enfant, n’ayant pas oublié d’où elle venait, ni ce qu’elle devait, avait-elle convié ses troupes restantes sous un frêne, arbre poétique entre tous. Et c’était sous ce frêne que les trois cents hommes accueillirent MVD-, dont la dignité et la robe stylisée aurait fait crever d’envie le tout Paris, ainsi que n’importe quelle personne de goût ou tout du moins digne de ce titre.
Chose notable, durant ces quatre années de conquêtes, hormis un pansement appliqué de travers sur son nez busqué, MVD- n’avait pas été blessée.
« Mes amis... » Commença MVD-, après être montée sur une chaise.
(La rumeur mourut)
– Mes amis, vous tous ici, qui m’avez suivie, vous tous, aussi, qui m’avez portée, vous savez ce qui va se passer. Les adultes ayant gagné la guerre, et ne pouvant nous résoudre à leur abandonner cette petite Planète, notre haut conseil a opté pour l’extermination par le feu nucléaire de l’ensemble de la civilisation (j’ai déjà donné l’ordre). Aussi, pendant que nos missiles de croisières gagnent paresseusement leur orbite, je voudrais, à tous et à toutes, vous rappeler une chose. Et cette chose, c’est la nécessité d’aimer.
Certes, il vous semblera peut-être étrange qu’une enfant, à vous adulte, vous harangue sur la nécessité de l’amour en temps de guerre, et surtout, après avoir déclenché sur tous le feu atomique. Et pourtant je le dis : aimer, tout est là. Tout, ici-bas, invite à l’amour. Tout y exhorte. L’araignée tissant sa toile aime. La machine à laver tournant centrifugeusement aime. Il n’est rien, dans la création, qui ne demande à aimer. La Création tout entière n’est-elle pas issue d’un acte d’amour ? Et en vérité je vous le dis, moi qui vous ai tant combattu, moi, la petite MVD-, moi qui suis pourtant bien géniale, je vous aime. Et j’espère que durant ces trois années de carnage, vous aussi, vous aurez su m’aimer.
Tous pleurèrent. C’était chose merveilleuse de voir tant de larmes d’attendrissement couler le long des visages de ces brutes sanguinaires, et qu’une politique aventureuse avait réduite à deux pour cent de leur effectif. Ce ramassis d’incapables avait été soudé dans la guerre... à présent, ils allaient être vitrifiés dans la fraternité.
– Il suffit. Exhorta MVD-. Maintenant embrassez-vous.
Là-haut, très haut l’atmosphère, les missiles volaient, vagues anges exterminateurs zig-zaguant dans le ciel comme autant d’Aston Martin BDX.
Leur but, c’était la Terre ! Tout de même, on s’était bien marré, dans cette guerre... à présent, il était tant de raccrocher.