Un ptit texte que j'ai écrit, non biographique, il m'a été inspiré en regardant un poivrot dans un bar...
Quel jour on est, mardi ?
Bah oui, mardi ! Y a que le mardi que je viens au bar,
Donc je pouvais arriver là qu'un mardi !
Les autres jours, je manque d'aplomb.
Ce bar là, il m'a toujours plu.
J'aimais bien y venir, je m'ennuyais le reste du temps.
Si j'avais pu, j'y serais venu tous les jours !
Mais quand on bosse le lendemain, on vient pas la veille !
C'est ma femme qui disait ça.
Je bossais pas le mercredi.
Ma femme, ça lui disait rien de venir, elle comprenait pas.
Elle trouvait ça vulgaire comme endroit.
Que c'est pour les "ratés", elle disait.
Pour elle, être mélancolique c'était plus digne.
En tout cas, moi, c'est comme ça que je le comprenais.
Elle voyait que je m'ennuyais à la maison ; et elle savait pas que quand je venais ici ça allait mieux.
Mais elle pouvait pas le savoir, elle venait pas. C'est pour ça, je lui en veux pas.
Du coup, on se voyait qu'à la maison, là où j'étais malheureux.
Mais on s'entendait pas pour autant : je restais pour elle, ça lui permettait de m'engueuler.
Elle m'en voulait d'être triste avec elle. Ca la rendait folle !
Elle voulait bien que ne je sois malheureux que quand j'étais pas avec elle.
En fait elle voulait que je sois malheureux quand j'étais pas avec elle.
Alors elle a trouvé la solution : elle m'a quitté.
Ca a bien marché !
Si on y réfléchit bien, c'est logique. Moi ça m'a fait rire, c'était rare qu'elle fasse preuve d'esprit.
Enfin bon, ça faisait longtemps que je le voyais venir.
Tous les jours, en rentrant du boulot, j'avais peur qu'elle ait fait ses valises et qu'elle soit plus là ; et encore plus quand je rentrais du bar, le mardi.
Elle voulait partir depuis longtemps, j'ai jamais vraiment su pourquoi.
Mais un jour... Elle est partie.
C'était dans l'ordre des choses : on vivait une sale époque. Y avait tout qui filait !
Alors moi je venais ici, pour finir, plus souvent que les mardis.
Je buvais un peu et j'oubliais mes problèmes en parlant avec ces mecs.
Je faisais comme eux. Je pensais à rien.
Et tout a filé, comme prévu.
Dès lors, j'avais toute les raisons de venir ici !
J'étais devenu un peu comme eux tous, aussi ni malheureux ni heureux, juste un peu ailleurs.
Mais le mardi, j'ai toujours eu plus d'aplomb.
Et un mardi, il a fini par arriver que j'avais plus assez de sous pour venir au bar. Et je pouvais pas supporter d'être malheureux un mardi. Ca s'était jamais vu.
Alors je suis descendu dans mon garage, prendre une corde, et j'ai fait un noeud.
C'était pas un vrai noeud de potence ; ça, j'ai pas réussi à le faire.
Je me trouvais un peu ridicule, ça avait pas ce côté... Je sais pas comment vous dire, mais c'était pas terrible.
Et surtout je me demandais comment je redescendrais si ça marchait pas.
Je me suis vraiment mal pendu.
Mais bon, ça a dû marcher puisque je suis arrivé ici.
Après coup, je me dis que j'ai pas eu tord :
On est mardi, et comme tous les mardis, je suis de bonne humeur.