OwenSolerc
2022-01-26 11:16:18
Parmi les invités du meeting de Villepinte, des responsables identitaires, des anciens d’Ordre nouveau et du Gud et des royalistes côtoient les cathos tradis de La Manif pour tous et les transfuges du RN et de LR. La mouvance identitaire s’apprête à jouer un rôle majeur dans la campagne.
La liste des invités « VIP » du meeting d’Éric Zemmour à Villepinte, obtenue par Mediapart, permet au contraire d’affirmer que la frange la plus radicale de l’extrême droite s’est rangée derrière le polémiste.
Un mois et demi après le rassemblement, qui s’est tenu le 5 décembre, ces éléments occupent déjà ici et là des postes clés de son nouveau parti Reconquête! aux côtés d’élus ou de responsables locaux ou régionaux débauchés du Rassemblement national (RN) et de chez Les Républicains (LR). La liste de Villepinte montre la prédominance d’un courant identitaire qui s’apprête à jouer un rôle décisif dans l’organisation du mouvement et, surtout, des législatives.
Invité VIP à Villepinte, Jérémie Piano, porte-parole de Génération identitaire (GI) lors de sa dissolution, en mars 2021, a 27 ans. Le journal La Provence l’a repéré sur une photo de sympathisants prise quelques jours avant, lors de la visite de Zemmour à Aix-en-Provence.
Le 20 janvier 2022, un porte-parole de GI, Damien Rieu, a lui aussi rallié Zemmour, et a été nommé vice-président de Reconquête.
Présent sur la liste des « VIP » de Villepinte, Philippe Milliau, ancien dirigeant du Bloc identitaire (BI) et fondateur de la Web TV d’extrême droite TV Libertés, a été propulsé depuis coordonnateur régional de la campagne de Zemmour en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire. TV Libertés s’est aussi ouverte à la frange la plus radicale de l’extrême droite en accueillant Roland Hélie, l’animateur de la revue Synthèse nationale, qui en décembre 2021 a réuni sur un plateau Jean-Gilles Malliarakis, l’ancienne gloire des skins d’extrême droite français, ex-chef du groupe Troisième Voie, et le néofasciste italien Gabriele Adinolfi… Roland Hélie ne figure pas sur les listes de Villepinte mais il a été invité à la réunion de lancement de la section quimpéroise de Reconquête!.
Un collaborateur de Synthèse nationale, inscrit sur la liste des VIP de Villepinte, Franck Buleux, a d’ailleurs été nommé référent régional de Reconquête! en Normandie.
Dernier ouvrage en date paru sous la direction de Buleux : Pourquoi Éric Zemmour ?, toujours chez Synthèse nationale, contient un article signé par Bruno Hirout, secrétaire général du micro-parti Parti de la France (PDF), dont des photos publiées par la revue antifasciste La Horde l’ont montré posant devant une bouteille de gaz taguée Zyklon B, ou déguisé en soldat de la Wehrmacht. À Villepinte, le président du Parti de la France, Thomas Joly, et plusieurs activistes présents dans le public ont par ailleurs déployé le drapeau de leur groupuscule.
L’écrivain antisémite multi condamné Hervé Ryssen était aussi présent, justifiant son soutien sur sa boucle Telegram : "Le maréchal Pétain faisait confiance a un ex J pour lui écrire ses discours. nous n'avons plus de temps à perdre. Il nous faut mettre un coup d'arrêt à la déferlante du gauchisme culturel et à l'invasion migratoire, c'est le premier point. À partir de là, tout pourra se jouer."
Jean-Yves Le Gallou, était présent à Villepinte, ainsi que deux cadres de l’Institut Iliade dont il est le fondateur, son délégué général Grégoire Dupont-Tingaud, ancien du MNR et du GRECE, et Anne Sicard, chargée des formations à Iliade. Dupont-Tingaud apparaissait déjà comme responsable du maillage territorial de l’équipe de campagne d’Éric Zemmour, sur un listing interne obtenu par Mediapart, courant octobre.
Un premier bataillon venu de l’ex-Parti démocrate avait ses places réservées sur les listes de Villepinte : Jean-Frédéric Poisson, l’ancien député des Yvelines, son successeur à la présidence de Via, Charles-Henri Jamin, le directeur de cabinet de Poisson, délégué général de Via.
Candidat malheureux à la mairie de Carpentras avec le soutien du RN, intervenant à l’Issep de Marion Maréchal, le général Bertrand de La Chesnais figurait à Villepinte. Ayant une parfaite connaissance bureaucratique de l’administration de la Défense, il est nommé directeur de campagne par Éric Zemmour.
Xavier Caïtucoli et Philippe Schleiter, des proches de Le Gallou, qui ont participé à la création de sa fondation Polémia « pour l'identité, la sécurité et les libertés européennes », figurent sur la liste de Villepinte.
Caïtucoli, polytechnicien, est devenu un important dirigeant d’entreprise (à travers Direct Énergie, rachetée par Total en 2018) et il fait partie des donateurs de la campagne. Philippe Schleiter, conseiller en management (et par ailleurs neveu du négationniste Robert Faurisson), a été choisi par l’équipe Zemmour pour s’atteler à la délicate préparation des élections législatives.
Les noms d’autres « historiques » de la sphère nationaliste apparaissent aussi parmi les grands invités de Villepinte. C’est le cas d’Alain Robert, membre d’Occident, puis président du Groupe union défense (GUD), et fondateur et secrétaire général d’Ordre nouveau. Inscrit lui aussi, Philippe Cuignache a été le premier président du GUD à déclarer le groupe en préfecture dans les années 1970, puis le délégué jeunes du PFN en 1979, avant de rejoindre Chirac et de soutenir le RPR puis l’UMP.
Membre du GUD dans les années 1980, Sylvio Valente, lui, a rallié le mouvement et a été choisi pour animer Reconquête! en Seine-Saint-Denis.
Plusieurs réseaux qui ont discrètement accompagné la mise en orbite du candidat apparaissent aussi dans la liste de Villepinte. Celui des Éveilleurs d’espérance de Versailles, une association représentée à Villepinte par Nicolas Sévillia, qui a ainsi organisé quatre rencontres avec Zemmour, au théâtre Montansier de Versailles. Le 20 octobre dernier, Geoffroy Lejeune, le directeur de Valeurs actuelles (invité VIP à Versailles), y présentait son livre, Zemmour président, de la fiction à la réalité (éditions Ring), avant l’arrivée du presque candidat.
À Villepinte, Jean-Marie Le Pen, le fondateur du Front national, était aussi représenté sans le dire par son conseiller et ancien attaché parlementaire, Lorrain de Saint Affrique, pour qui la question du ralliement du vieux chef à Zemmour plutôt qu’à sa fille n’est pas tranchée.
Un second bataillon est venu de la frange LR du mouvement. Intégrés aux LR, sous la bannière Sens commun, supporters de François Fillon, créateurs et co-présidents du Mouvement conservateur (MC), Laurence Trochu et Sébastien Pilard avaient leurs places réservées à Villepinte, ainsi que Philippe de Gestas, secrétaire général du MC.
Emmanuel Crenne était présent à Villepinte. Le candidat Zemmour l’a nommé coordinateur régional pour l’Occitanie, place qu’il partage désormais avec Chantal Dounot, une figure de la droite (RPR/UMP) toulousaine, longtemps adjointe au maire de Toulouse Dominique Baudis, passée au RN en 2015, après son engagement dans La Manif pour tous.
Présent à Villepinte, l’un de ses proches, ancien élu et responsable départemental du RN (pour l’Isère), Thibaut Monnier, cofondateur avec elle en 2018 de son Institut des sciences sociales économiques et politiques (Issep), est nommé, dès le 10 décembre, coordinateur adjoint de Reconquête! en Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi des fédérations départementales du mouvement.
Agnès Marion a entraîné chez Zemmour d’autres figures locales, inscrites à Villepinte : Olivier Pirra, de l’ex-Parti chrétien-démocrate (aujourd’hui, la Voie du peuple, Via), et Antoine Mellies, ancien de l’Action française, délégué du RN dans le Rhône, suspendu du parti pour un an.
La Fondation du Pont-Neuf, était représenté sur la liste de Villepinte par son délégué général, Frédéric Rouvillois, professeur agrégé de droit public à la faculté Paris-Descartes. Jadis contributeur de la revue royaliste Réaction, puis au trimestriel monarchiste Les Épées, Rouvillois a collaboré à Causeur, à l’Incorrect, et reste l’une des figures intellectuelles du site de l’Action française. Co-auteur d’un récent dictionnaire du conservatisme (2017, Cerf), il a revendiqué dans Le Monde sa volonté de réhabiliter l’écrivain antisémite Charles Maurras.
https://www.mediapart.fr/journal/france/250122/les-vip-de-zemmour-l-extreme-droite-et-la-droite-dure-en-rangs-serres?utm_source=20220125&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-%5BQUOTIDIENNE%5D-20220125&M_BT=4292023695873