Le journal Rivarol a publié un courrier envoyé par Vincent à la rédaction dont voici un extrait (la lettre complète est accessible sur la version papier) :
Chers Amis,
Je vous donne enfin de mes nouvelles. Après avoir échappé de justesse à une arrestation, je vais très bien. Je suis logé dans une petite chambre et, le soir, je travaille quelques heures dans un établissement.
Le 25 octobre, deux inspecteurs ont frappé à la porte de mon domicile pour « parler à Vincent Reynouard ». Des inspecteurs qui veulent vous parler, je connais. En juillet 2010, à Bruxelles, deux inspecteurs m’avaient demandé de les suivre pour me parler et signer un papier. Je les ai suivis, j’ai signé. Le soir, je dormais en prison… Le 25 octobre dernier, j’ai donc joué le tout pour le tout en niant être Vincent Reynouard. J’ai expliqué qu’il était en France et qu’il reviendrait dans deux ou trois jours. Les inspecteurs sont repartis. Mais dix minutes après, ils tambourinaient à la porte avant de l’ouvrir, je ne sais comment. J’ai juste eu le temps de prendre une paire de chaussures et un disque externe de secours que je tenais prêt en cas d’urgence, et j’ai fui par derrière. J’ai dévalé l’escalier, sauté par-dessus un vélo qui obstruait les dernières marches, puis j’ai couru jusqu’à un jardin public. Là, je me suis débarrassé de la veste que les inspecteurs avaient vue, j’ai récupéré un masque facial qui traînait au sol et je suis parti vers le village voisin. Jusqu’au soir, j’ai erré… Je vivais un véritable film !
Une amie anglaise m’a recueilli. Au bout de trois semaines, elle m’a trouvé un travail chez un ami patron informé (partiellement) de ma situation, donc qui me paye en numéraire. J’ai ainsi pu m’acheter le strict nécessaire pour vivre (des sous-vêtements, un manteau, un pantalon, du nécessaire de toilette, une bouilloire et un bol…). Matin, midi et soir, je mange des Weetabix (NDLR : céréales de blé complet) avec du lait en poudre, car cela ne nécessite ni réfrigérateur, ni préparation, et c’est compact.
Combien de temps cela va-t-il durer ? Je l’ignore. Dans ma situation, je vis au jour le jour. Des amis ont débarrassé l’appartement où je vivais et ont entreposé mes affaires dans un endroit sûr qui m’est inaccessible.
Malgré tout, je ne regrette rien. Cette vie, je l’ai choisie. Je savais à quoi je m’exposais. Je m’étais toujours demandé ce qu’avaient pu ressentir les vaincus qui, en 1945, fuyaient après avoir tout perdu. Bien que ma situation soit infiniment moins tragique, je le vis un peu. L’expérience m’enthousiasme. Car le fait de vivre au jour le jour et de m’en remettre totalement à la Providence me donne une sensation de liberté immense, quasi infinie. Pour me reposer, n’ayant que très peu de moyens de distraction, je médite. Ces deux dernières années, j’avais beaucoup lu à ce sujet, mais sans jamais pratiquer, car entre mes cours et mes vidéos, je vivais à cent à l’heure. Désormais, seul dans ma chambre, je pratique.
Bref, je suis très heureux et je comprends parfaitement l’enseignement traditionnel selon lequel la situation extérieure n’est rien, c’est la façon dont l’esprit réagit qui est tout. A 52 ans, sans famille et recherché, je vis comme un étudiant désargenté. Je passerai Noël seul dans ma chambre, avec mes trois Weetabix et mon bol de thé. Je pourrais vouloir me pendre. Je pourrais me consumer dans la haine de mes adversaires. Or, mes adversaires, je n’y pense jamais ; ils n’ont été et ne sont que des instruments de la Providence. Encore une fois, je savais à quoi je m’exposais.