Les flics ont attendu mars 2020 pour 'infiltrer" un bukkake alors que le 18-25 était au courant depuis des années
Attends il y a un flic qui a participé à un bukkake pour coincer Pascal ?
Ah oui, pour ceux qui ne sont pas abonnés :
Ils ont tous les âges. Des casquettes, des bonnets, des barbes, des lunettes. Ils ne se cachent pas, se parlent pour certains, sourient pour d’autres. Quelques jours plus tard, un confinement total s’abattra sur la France, mais ce dimanche 8 mars 2020 à 13 heures, ils attendent devant un immeuble gris de la porte d’Italie, à Paris, puis finissent par entrer. A quelques mètres de là, des gendarmes en planque dans un véhicule banalisé les photographient un à un, trente-trois hommes au total. Tous sont là en réponse à un e-mail lapidaire reçu deux jours plus tôt : « BUKKAKE le dimanche 8 mars 13 heures, 11 avenue Léon-Bollée, 75013 Paris. 2 grosses éjacs + 1 semaine d’abonnement chez french-bukakke. Impératif : cagoule + carte d’identité. » Les enquêteurs de la section de recherches (SR) de Paris ont également reçu cette invitation : ils viennent d’infiltrer cette plate-forme pornographique avec un faux profil.
Ce dimanche de mars, les gendarmes n’ont pas besoin de franchir la grille ; ils savent déjà ce qui se joue derrière ces murs. « Pascal m’a dit qu’il y allait avoir beaucoup d’hommes, j’ai dit : “Non je ne veux pas faire ça, je ne peux pas le faire et j’ai peur.” », a témoigné Samira, l’une des victimes – tous les prénoms de celles-ci ont été modifiés –, lors d’une audition. « Tu vas le faire, tu vas être souriante, tu n’as pas le choix », lui aurait ordonné le Pascal en question. « Je rentre dans la pièce, ils avaient tous une cagoule ou un masque, avec des vêtements, mais tous le sexe à l’air », poursuit cette femme de 22 ans. Elle raconte avoir dû se mettre sur le coussin par terre et pratiquer une fellation à chacun des inconnus présents. Ensuite, ils ont éjaculé sur elle, alors qu’une caméra enregistrait ce « bukkake », du nom de cette pratique venue du Japon où une seule femme doit satisfaire plusieurs dizaines d’hommes. La victime, toujours : « J’avais plus aucune visibilité en fait, je pleurais mais les larmes ne coulaient pas, j’avais le visage rempli, les yeux remplis, mon corps tremblait, je n’avais plus aucun contrôle. Ça a duré une heure, j’avais l’impression que ça n’allait pas s’arrêter, c’était une torture. »
Cette scène n’est que l’une des centaines collectées par les gendarmes au cours de leurs deux années d’investigation sur ce qui s’annonce comme l’une des plus grandes affaires de violences sexuelles traitée par la justice française. Avec 53 victimes identifiées à ce jour, huit personnes mises en examen, trois juges d’instruction et des milliers de procès-verbaux, l’enquête, révélée en partie par Le Parisien, est ouverte pour « viols en réunion », « traite aggravée d’êtres humains », « proxénétisme aggravé », « blanchiment », « travail dissimulé » et « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne ». Selon nos informations, plus de 500 hommes ayant participé à des « bukkake » ont été identifiés par les gendarmes et pourraient faire l’objet de poursuites.
Ce dossier tentaculaire, auquel Le Monde consacre une série en quatre volets, implique les plus gros réseaux de diffusion de films X dans l’Hexagone et menace tout le milieu. En effet, il pourrait sortir pour la première fois la pornographie du flou juridique qui l’entoure en envisageant de la traiter comme du proxénétisme, c’est-à-dire le fait de s’enrichir en exploitant des rapports sexuels tarifés.
Parcours tourmentés
Cette affaire permet de décortiquer la fabrication d’une partie de ces vidéos faussement présentées comme du « porno amateur », exploitant le mythe d’une jeune ingénue avide de sensations fortes, qui mettrait en scène son refus de pratiques violentes finalement imposées par des professionnels. Ces images, dites « pro-am » (un homme professionnel et une jeune femme amatrice), très populaires sur les « tubes » – les sites comme PornHub, YouPorn, ou encore XVideos, ces plates-formes internationales qui agrègent et diffusent du contenu produit partout dans le monde et représentent près d’un tiers du trafic planétaire –, forgent l’imaginaire de millions de consommateurs, notamment adolescents.
En réalité, ces séquences sont le fruit d’une logique d’atteinte aux femmes très élaborée. Les hommes y sont des prédateurs, sous-payés, mais dont la gratification est tout autre. « C’étaient des viols déguisés sous prétexte de vidéos. Acteurs et producteurs avaient toutes les libertés », admet l’un des membres du réseau. Cette enquête documente surtout la façon dont cette industrie, qui génère beaucoup d’argent, entre les abonnements et les publicités, est prête à tout quand il s’agit de se procurer sa « matière première » : de très jeunes femmes – 23,5 ans de moyenne d’âge –, en situation de vulnérabilité et sexuellement inexpérimentées, qu’il s’agit d’exploiter au maximum, avant qu’elles soient, selon le terme de l’un des producteurs, « cramées ».
Les auditions menées par les gendarmes sont longues, précises et témoignent, chez les victimes, de parcours souvent tourmentés. Citons ainsi Emilie, qui a vu sa mère partir, puis son père se suicider en se jetant sous un camion. Placée en famille d’accueil, elle finit par obtenir un diplôme de secrétaire médicale à Reims. Héloïse, elle, vit une enfance paisible, entre Toulouse et la campagne, mais tout bascule à l’âge de 13 ans : « Je me suis fait violer par deux personnes de ma classe au cours d’une soirée. » Elle a obtenu un BTS assistant manageur et tente désormais de reconstruire sa vie à l’étranger. Soraya grandit en banlieue parisienne. Bonne élève jusqu’au départ brutal de son père au Maroc, qui plonge sa mère dans une grave dépression. L’adolescente ne passe pas son bac, mais le BAFA, et effectue des missions d’hôtesse d’accueil en intérim. Samira, elle, est la dernière d’une famille modeste et très nombreuse. Elle arrête l’école en 2de et décroche des petits boulots… Toutes cherchent à négocier au mieux ces virages difficiles que sont l’entrée dans l’âge adulte et l’accès à l’autonomie financière, mais leurs trajectoires vont se fracasser sur un seul et même récif…
Si certaines personnes ont une double vie, Julien D., lui, en a trois. Le versant officiel : il est marié à une jeune femme rencontrée lors d’une soirée chez des amis. Quelques échanges sur les réseaux sociaux plus tard, ils se sont revus. Elle a eu droit au mariage dont elle rêvait avec cet éducateur spécialisé, apprécié de ses collègues. Plus tard, ils ont eu des enfants. Pas d’ombre au tableau, à part peut-être pour Julien D., qui s’ennuie dans sa vie de père de famille et passe beaucoup de temps sur son portable. Depuis quelques années, le quadragénaire a une maîtresse, à laquelle il fait miroiter une rupture prochaine avec son épouse.
Lorsque son épouse part travailler, de nuit, une troisième femme l’accapare encore davantage, celle qu’il devient virtuellement sur l’écran de son ordinateur ou de son téléphone : Axelle Vercoutre, une mannequin aux profils Facebook et Instagram très actifs, la montrant dans des paysages féeriques et des fêtes luxueuses aux Etats-Unis. Axelle, en réalité, n’existe pas : ces images ont été volées à une influenceuse américaine, Angie Varona. Sous ce faux profil, Julien D. orchestre une chasse. Ses cibles : des centaines de jeunes femmes.
Faux profil et compliments
Face aux enquêteurs, il est incapable de se souvenir quand a commencé ce qu’il qualifie de « déviance sexuelle ». Sans doute en 2015, durant la grossesse de son épouse, justifie-t-il dans un premier temps, avant d’être confronté à des témoignages remontant à 2012. Il est tout aussi incapable d’expliquer l’engrenage qui l’a poussé à contacter sans relâche ces inconnues.
Même s’il a tout fait pour dissimuler ses traces numériques et faire effacer ses conversations par ses victimes, les gendarmes ont pu accéder à quelques extraits et décrypter sa stratégie. Avec patience et méthode, la fausse Axelle commence à échanger des compliments avec ses proies, elle les met en confiance, évoque sa vie de rêve entre la Belgique et Miami. Si elle a toujours un prétexte pour ne pas échanger de vive voix au téléphone, la mannequin se montre très à l’écoute des difficultés de ses interlocutrices, prêtes à lui confier leurs espoirs et leurs galères.
A la façon d’un bonimenteur, Julien D. modèle son discours en fonction de leurs failles et devient, sous les traits d’Axelle, une sorte de « meilleure amie » virtuelle. « On semblait avoir beaucoup de points communs, a témoigné Emilie. Cette personne avait réussi à collecter beaucoup d’informations sur moi pour me manipuler et que je ressente le fait qu’on est proches et à peu près pareilles. » Héloïse, elle, était préoccupée par la santé de sa sœur. « Au bout de deux mois, ce profil a réussi à m’avoir plus profondément en me disant : “Toi aussi, tu as une petite sœur, moi aussi j’en ai une, elle est à l’hôpital, on est très proches comme vous semblez l’être.” Et à partir de là, on a parlé tous les jours pendant six mois, comme deux jeunes filles normales qui ont des soucis mais qui partagent tout à distance. » Karine aussi se laisse approcher. « Elle [Axelle] me faisait des déclarations d’amour amical. A mon anniversaire, elle m’avait envoyé un pavé en me disant que j’étais unique, que c’était rare qu’elle ait des accroches avec quelqu’un sur Internet. On avait plein de points communs, mais, en fait, c’est elle qui s’adaptait à ce que je lui disais. »
Sur Internet, Julien D. ne se fait pas que de nouvelles amies. Il ingurgite aussi des heures de vidéos pornographiques. L’éducateur spécialisé a ses préférences : il visionne particulièrement les images réalisées par un certain « Pascal OP », patron, réalisateur et acteur vedette de French Bukkake, sa « franchise ». De son vrai nom Pascal Ollitrault, ce sexagénaire normand aux yeux cachés derrière des lunettes noires est une célébrité dans ce milieu. Ses tirades racistes et homophobes, sa misogynie et sa violence l’ont hissé au rang d’icône de la culture pornographique – adulée notamment par les ados et jeunes adultes du forum 18-25 du site Jeuxvideo.com – et d’objet de curiosité médiatique à une période où le porno est vu comme un produit culturel en vogue.
Sur son compte Twitter comme dans ses vidéos, « Pascal OP » insulte, gifle ou crache sur les femmes tournant pour lui. En 2013, il expliquait qu’« être gay c’est vraiment une maladie », proposait aux Syriennes réfugiées en France de rejoindre ses tournages ou arborait une « blackface », un maquillage noir sur la figure. Il appelle « Bamboula » ou « singe » les acteurs noirs de ses vidéos. Lors de ses auditions, il a eu beau assurer qu’il ne faut pas le confondre avec son « personnage » de méchant, et séparer l’homme de l’artiste, cette facette ne le quitte jamais.
Piège virtuel
A Reims, Julien D., sous son identité féminine d’Axelle Vercoutre, entre en contact avec « Pascal OP ». Ni l’un ni l’autre ne sauront dire aux enquêteurs à quel moment s’est noué cet étrange pacte entre « recruteur » et « producteur ». Ce dernier admet, du bout des lèvres, avoir compris qu’Axelle n’était pas une femme, mais tous deux nient s’être un jour rencontrés. Une certitude : ils entretiennent une correspondance régulière, car Axelle est devenue, au fil du temps, l’un des grands atouts de « Pascal OP » dans cette industrie du porno dit « amateur », qui repose sur cette main-d’œuvre difficile à enrôler : des jeunes femmes n’ayant jamais eu de rapport sexuel tarifé.
Le piège virtuel construit par Julien D. se referme. Face aux difficultés financières de ses « proies », il a une solution toute trouvée, qu’il met parfois plusieurs mois à amener dans la conversation, par l’intermédiaire d’Axelle, son double virtuel : le métier d’« escort » – prostituée de luxe –, dont elle fait un récit idyllique. Quelques passes avec de beaux et riches hommes lui suffisent, paraît-il, à engranger des milliers d’euros. Ainsi, alors qu’Héloïse s’enfonce dans la précarité, Axelle revient souvent à la charge. « Elle prend le contrôle de mon cerveau, elle me met dans la tête des choses, elle me manipule totalement. (…) Je commence à baisser la garde, je lui demande : “Est-ce que tu es sûre ?” Je commence à croire à ses solutions, et puis, directement, elle continue dans le fait que ça va être merveilleux, tout ce que je vais pouvoir ensuite faire pour ma sœur, lui payer le voyage de ses rêves… »
Les auditions de la cinquantaine de victimes donnent une idée des manœuvres de Julien D. pour faire sauter les digues mentales de ces jeunes filles, qui n’avaient jamais envisagé – toutes le martèlent – la prostitution comme une solution à leurs soucis. Axelle, l’amie à distance, présente cela comme une expérience agréable. « Elle m’a vendu le truc comme du plaisir : “Lâche-toi !” C’était de la manipulation positive au début », raconte Karine. Soraya : « Pendant très longtemps, je considère que ça n’est pas pour moi et je ne pense pas être capable de le faire. C’est elle qui prend contact avec moi quasiment tous les jours. Elle me dit fréquemment qu’elle a couché le jour même avec des hommes et qu’elle a gagné 2 000 et 3 000 euros. Elle n’omet jamais de me dire que c’est super facile, super cool, et que ça dure dix minutes. » A une jeune fille qui n’a plus de quoi payer son loyer, Axelle envoie des images de liasses de billets. Marianne n’arrive pas à assumer seule son enfant et s’en ouvre à Axelle, qui l’inonde bientôt de photos de Miami. « Je me suis dit : “Pourquoi pas, une fois, pour avoir de l’argent.” »
(Suite) Les proies sont mûres. Commence alors la deuxième phase du stratagème. Axelle transmet le contact d’un certain Sébastien Laurent, lequel est, en réalité, toujours Julien D., sous une autre identité, masculine cette fois. Il se présente comme le patron très professionnel d’une agence d’escorts. Au téléphone, il leur propose de rencontrer l’un de ses clients, très riche, installé à Reims. Le tarif promis est élevé, plusieurs milliers d’euros à chaque fois. A charge pour elles de se rendre sur place et de réserver, à leurs frais, une chambre d’hôtel parmi une liste d’établissements fournie. Elles seront payées a posteriori par un coursier.
« Je le trouvais répugnant »
Dans ces chambres d’hôtel de moyenne gamme, elles découvrent toutes le même client. Devant les gendarmes, Soraya le décrit ainsi : « Cet homme fait environ 1,80 mètre, blanc, assez pâle, de corpulence moyenne, brun les cheveux châtains courts. Il portait une barbe courte taillée brune. Il me semble qu’il était en jean. C’était quelqu’un de normal. » Julien D., évidemment. Ce premier rapport sexuel marque ce que les spécialistes de telles violences appellent le « viol d’abattage », commis par le recruteur sur la victime pour la faire entrer dans son réseau. Cette même étape se retrouve dans les affaires plus traditionnelles de proxénétisme impliquant les organisations criminelles albanaises ou nigérianes. « Le premier viol joue une fonction bien précise, celle de casser les défenses et les résistances des femmes, c’est une déflagration psychique pour les victimes, donc une soumission acquise pour les proxénètes », précise Me Lorraine Questiaux, avocate de plusieurs plaignantes.
Là encore, les dizaines de récits de ces femmes qui ne se connaissent pas convergent. Héloïse : « J’étais un peu paralysée. Ç’a été pire pour moi, parce que ça a rendu la chose encore plus violente. Il était très violent. J’avais des bleus partout à la fin. Avec sa force, il me serrait avec ses mains, j’avais la sensation qu’il essayait de détruire mon corps. » Soraya : « Embrasser, c’était la dernière chose que je pouvais garder pour moi, mais même ça, il a réussi à me l’enlever. »
« Il y a une phrase que je leur disais toujours quand j’arrivais en rendez-vous : “Ce n’est pas parce que j’ai payé que tu m’appartiens et que tu dois faire tout ce que je te dis” », s’est défendu Julien D. devant les juges d’instruction. Alors qu’il est mis en examen pour viol sur toutes ses victimes, il évoque des « relations consenties ». Au contraire, ses victimes certifient qu’aucune de leurs demandes n’a été respectée, notamment en ce qui concerne la sodomie, imposée presque à chaque fois, malgré des refus clairs. Lara : « Je lui ai demandé de se laver avant. II ne voulait pas. II me dégoûtait, je le trouvais répugnant. II a essayé de m’embrasser et là je ne me suis pas laissé faire. Je l’ai repoussé. » Les enquêteurs notent qu’elle se met à pleurer. « Je n’aime pas parler de ça. II y a eu pénétration, et il m’a prise par-derrière alors que ce n’était pas prévu, alors que moi je n’avais jamais fait ça. »
Recruteur, client, le père de famille semble n’avoir aucune limite et jongle avec ses différents personnages. Ainsi, alors qu’elle attend dans sa chambre d’hôtel rémoise, Emilie reçoit des messages de son amie mannequin. « Il y avait Axelle qui me rassurait par SMS et qui me disait de boire de l’alcool », dit-elle aux gendarmes. A la différence des autres, elle reçoit ce jour-là une consigne spéciale : se bander les yeux. Le client serait une célébrité, désireuse de préserver son identité. La réalité est plus triviale. Julien D. et Emilie se connaissent et sont amis. Après cette mauvaise expérience, c’est même vers lui qu’elle se retournera pour se confier, « parce qu’il avait toujours été adorable ».
La honte et la colère
Le rapport consommé, les draps chiffonnés, le faux client se rhabille et disparaît. La plupart des plaignantes s’effondrent, blessées. « Quand il est parti, j’ai pris une douche, je suis restée des heures et des heures sous la douche et je ne sentais même plus que l’eau était devenue froide, évoque Karine. Je me suis retrouvée assise sous la douche sous l’eau froide. Les lèvres bleues. Je me frottais pour me laver, j’avais des griffures partout, je me suis défoncé les dents avec mon dentifrice. » Devant les juges, Julien D. peine à se confronter à ces récits et à ce qu’ils signifient pénalement. « J’ai la naïveté de croire sur le moment que ça ne se passait pas de cette manière-là pour elle, sincèrement », répond-il quand le mot « viol » est posé. Contacté par Le Monde, son avocat n’a pas répondu.
Julien D. conteste le viol, mais ne nie pas l’arnaque. Sitôt le client parti, les femmes reçoivent un texto : le coursier, porteur du paiement, a soi-disant été interpellé par la police, il faut effacer tous les échanges et quitter immédiatement la chambre, elles ne verront jamais la couleur de l’argent. A la honte s’ajoute, pour les victimes, la crainte de la police. « J’ai pris peur, confie Soraya aux enquêteurs, j’ai cherché par tous les moyens à rentrer à la minute même chez moi. Je ne voulais absolument pas dormir dans cet hôtel où, aujourd’hui je peux le dire, j’ai été violée. Je n’ai pas dormi de la nuit. » La honte, donc, et aussi la colère. Celle de Marianne, qui était passée dans une boutique de Reims afin de faire mettre de côté des vêtements pour son fils qu’elle comptait acheter avec l’argent promis. Héloïse, elle, avait réservé un voyage pour sa sœur, qui venait de perdre son compagnon. « Je rentre complètement détruite, paniquée, vide de tout. Je suis détruite d’avoir fait ça pour ne même pas pouvoir finalement sauver ma sœur. »
Violées et escroquées, elles se tournent vers la seule personne à même de les comprendre, Axelle. « Suite à mon expérience de Reims, j’étais au fond du seau, encore plus isolée dans mon mal-être, et il n’y avait qu’elle pour me rassurer », indique Héloïse. Sous les traits de la mannequin, Julien D. assure en quelque sorte le service après-vente de ses agressions. « Le bourreau et la psy », selon la formule de Karine. Le voici maintenant dans le rôle de la confidente qui, à distance, s’enquiert des performances sexuelles du client, c’est-à-dire des siennes, puis feint de tomber des nues. « Je n’ai jamais reçu de truc comme ça », assure Axelle à Emilie, désespérée devant le faux message évoquant l’arrestation du coursier. « Puce, je ne sais pas quoi te dire, vraiment première fois que je reçois une telle nouvelle. » « On ne se lâche pas, je serais toujours là », écrit-elle à Fabienne, qui a creusé son découvert en déboursant 300 euros pour faire garder son enfant et payer son séjour à Reims.
Devant les juges, Julien D. a reconnu la quasi-totalité des faits, tout en assurant n’avoir jamais « forcé » aucune fille. « Qu’est-ce qu’un prédateur, pour vous ? », lui ont demandé les magistrats. « Je vois ça comme quelqu’un qui s’en fout de ses victimes, (…) qui n’a aucun remords, aucun scrupule, mais je ne me reconnais absolument pas là-dedans. C’est plus complexe. Bien évidemment, ce n’est pas ce qui ressurgit lorsqu’on lit toute cette histoire à froid, parce qu’il y a un caractère sexuel qui est là et qui est présent, mais j’étais plus dans une recherche d’affect, même si ça peut paraître surprenant (…), et j’ai vraiment de la culpabilité et de l’empathie pour ces jeunes femmes. »
Sidération
C’est également au nom de cette supposée empathie qu’il justifie la suite de son activité pour le réseau. Car Julien D. n’en a pas fini avec ses victimes. Elles se plaignent auprès d’Axelle et se disent encore plus endettées ? Cela tombe bien, cette dernière a une proposition, un autre « plan » : elle connaît un réalisateur de films pornographiques « très cool », qui travaille pour un site privé et sélect, réservé à quelques abonnés et basé au Canada. Moins bien rémunéré que la prostitution certes, mais 500 à 1 000 euros – un prix qu’il gonfle volontiers, les jeunes femmes touchant souvent moins – pour quelques scènes, c’est toujours ça de pris.
La confidentialité des vidéos devient un argument majeur, mais mensonger. Ainsi, cet échange en date d’octobre 2016, avec Marion : « Ça reste entre toi et moi, j’en parle jamais. C du x amateur anonyme. Pas du jacquie michel quoi mdr. C pour un site privee payant au canada mais c tourner à paris Totalement anonyme j’insiste aucune image visible sinon je ferais pas (…) Super ambiance à la cool. » Les plaignantes résistent, mais l’insistance et la sidération du viol de Reims les incitent à basculer. « Dès lors que j’ai subi un premier viol, on peut tout faire sur mon corps, ce n’est pas grave, c’est le ressenti que nous avons, aussi dissocié soit-il », décrit Soraya. « Avec le tournage, tu ne penseras plus à l’autre, à celui qui t’a violé à Reims », suggère encore Axelle à Karine.
Début octobre 2016, le recruteur crée, sous l’identité d’Axelle, une conversation Facebook à trois, avec le producteur « Pascal OP » et Soraya : « Coucou Pascal, je te présente Soraya dont je t’ai parlé. C’est elle ma petite sœur de cœur, comme elle comme pour moi en mode anonyme avec le meilleur du meilleur. C’est une petite perle. Je lui ai dit que vous savez y faire sans brusquer ou forcer. » Une fois qu’elles sont convaincues, Axelle envoie ses victimes à « Pascal OP », prêtes à tourner dans ses films X. Sa contribution au réseau est gratuite : les gendarmes n’ont pour l’instant retrouvé aucune trace de rétribution financière du producteur à son recruteur.
« Ça me déculpabilisait un petit peu qu’elles puissent au moins toucher de l’argent par ce biais-là » , argumente Julien D. L’empathie encore. Les échanges qu’il a eus avec « Pascal OP » racontent une autre histoire. Ce dernier a révélé la teneur de leurs conversations face aux enquêteurs lors de sa garde à vue, notamment le fait que Julien D. demandait que les vidéos soient toujours plus « hard » pour les victimes. Il avait même ordonné à « Pascal OP » d’arrêter de « filer » ses proies à l’un de ses associés, jugé trop gentil avec elles.
Le 15 décembre 2021 à 13:29:52 :
Attends il y a un flic qui a participé à un bukkake pour coincer Pascal ?https://image.noelshack.com/fichiers/2016/38/1474488555-jesus24.png
Non, il s'est juste "infiltré" dans les inscriptions pour avoir la date et le lieu
Ils sont pris le lieux et la date etc...
Et on photographié les va et vient.
les mecs qui ont participé dont le khey noir avec son sac à dos sont dans la merde, c'est pas que Pascal qui est arrêté pour viol mais les participants aussi
Ils étaient infiltré et on participé pendant des années pour avoir suffisamment de preuve
Le 15 décembre 2021 à 14:12:39 :
les mecs qui ont participé dont le khey noir avec son sac à dos sont dans la merde, c'est pas que Pascal qui est arrêté pour viol mais les participants aussi
Les prisons qui vont accueillir 40 détenus d'un coup.