kabutovsitachi
2021-12-02 18:26:41
Lorsqu'un forumeur vous qualifie de "taré" sur l'un de vos topics, vous savez qu'il vous classe dans la catégorie des véritables élites de la galaxie forum. Cette sombre communauté de névrosés, paranoïaques, aigris et perfusés au ressentiment, qui anime les lieux d’une façon si peu commune qu’elle intrigue.
C'est un pacte que le taré signe dès l’origine, dans lequel il s’engage à recevoir la misère de la vie pour parvenir à l’inspiration, l’amoncèlement de l’expérience - mème si elle est mauvaise - fonctionne à la manière d’une jauge contenue dans une fiole, la cassure est vue comme l’éclosion produite par l’achèvement des sacrifices. La rupture du verre est donc nécessaire pour l’épanouissement du taré, parce que subir la pression du liquide sans le faire éclabousser sur d’autres regards que le sien rend son dessein inaccessible.
Et si ce besoin suggère l'impulsion paraphrénique des derniers joyaux qu'il lui reste - lassé du statisme imposé par sa propre folie - son oeuvre finale doit être vue comme l'aboutissement de sa rêverie, l'expression de ses mémoriels, peut-être même le plein éclatement du calice. Mais l'hôte d'une telle entropie créatrice n'a jamais été promis de la libérer sans débâcle, puisque nous avons toujours su que le dévoilement du fou entraîne l'effondrement de son ombrage. Les gens, en réalité, ne veulent pas savoir pourquoi il se différencie d'eux, tant qu'ils considèrent que l'inconnu est distrayant et que sa dernière oeuvre ne leur a pas laissé assez d'indices pour l'avoir compris.
Finalement, ce forumeur - qui vous a qualifié de taré on le rappelle - ne s’est pas rendu compte qu’il vous a couronné du plus beau laurier, parce que l’addition de ces sacrifices - ainsi que la privation de tonner vos arts - vous antagonise au vulgaire olibrius, ou au déraisonné Chrysippus. Il vous érige à son insu à la haute stature, et l’ignorance de ce résultat l’amène tout justement à devenir, ironiquement, l’autre extrémité - par rapport à votre position - de cet antagonisme. Et il en est de même, évidemment, pour ceux qui disent boucle.
En disant Boucle, ce forumeur admet qu’il vous place en haute estime, puisque les gens qui bouclent appartiennent à l’espèce peu connue de ceux qui - grâce à leur rationalité largement plus élevée que la moyenne - ont fini par accepter l’abîme de l’abandon de la vie, ils sont les seuls à avoir le courage d’accorder au précipice leur plus grand élancement, et ils sont heureux dans leur chute, parce que ce manque de stabilité qu’offre le vide concorde davantage avec leur âme en constante mutation.
C’est sûrement grâce à cette noirceur intérieure et cette morosité corrosive accumulées par les boucleurs depuis des années, que débute ce mécanisme de créativité marginale, ce comique de répétition mêlé à l’absurde déteint par l’esprit du malade, qui trace une ligne épaisse entre le monde physique des cerveaux normés et la fantaisie indéchiffrable de votre imaginaire trop avancé pour eux. Alors ils finissent par comprendre que le véritable fou, le sous-développé et le méprisable, c’est ce forumeur. Ce gars qui, ayant voulu vous déprécier en disant Boucle, réalise que son intervention était appauvrie de toute analyse, et, finalement, s’est simplement enchevêtré dans votre jeu.
Quelque part ce forumeur - qui a dit Boucle on le rappelle - est fasciné par vous, il vous croise souvent, vous connaît, vous regarde faire, il se pose des questions sur vous, il s’inquiète. Il se demande sûrement quel bouleversement a-t-il pu vous traverser pour que vous deveniez ce maudit clown triste qui se tient devant lui, le pantin de foire aux articulations bientôt rouillées par la répétition excessive de ses gestes, mais qui, d’une certaine manière, l’inspire et lui donne envie.
Sachez, chers forumeurs qui disent « taré » ou « boucle », que votre petit manège a fini par s'éculer, et que vous ne trompez plus personne.