Foxyorki8
2021-11-21 21:38:53
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/christophe-guilluy-on-nous-fait-craindre-depuis-trente-ans-le-retour-du-fascisme-c-est-du-theatre-20211121
La pandémie a-t-elle bouleversé le clivage que vous décrivez? Le «monde d’après» sera-t-il caractérisé par un exode urbain?
En effet, le marché immobilier des villes moyennes, près des grandes métropoles, frémit un peu. Cela n’est cependant pas synonyme de rupture totale avec les grandes métropoles. Ces personnes mobiles sont majoritairement des CSP+ qui investissent dans des territoires déjà convoités. Quand on voit les marchés immobiliers qui frémissent, ce sont les zones déjà gentrifiées, notamment les littoraux atlantiques, les beaux villages, etc.
Ce qui me fascine autour de cette interrogation sur l’exode urbain, c’est le biais qu’il révèle. On se fiche de savoir ce qu’est le devenir de ceux qui vivent déjà dans la France périphérique (entre 60 % et 70 % des Français). Les élites pensent que l’avenir de ces territoires dépend de l’arrivée du bobo parisien, bordelais ou lyonnais. En réalité, l’arrivée de CSP+ par exemple sur les littoraux et dans les beaux villages de France fait qu’aujourd’hui les jeunes issus de milieux populaires ne pourront pas vivre là où ils sont nés. Ils sont obligés de se délocaliser le plus loin possible du littoral dans ce qu’on nomme le rétro-littoral, voire plus loin encore. Propriétaire à la mer, c’est fini pour les classes populaires. La vue sur la mer sera demain réservée aux catégories supérieures qui se seront rendues propriétaires de l’ensemble des littoraux. Cette violence invisible, cette appropriation, rappelle celle qu’ont connue les grandes villes hier et il n’y aura pas de retour en arrière.
On organise une société avec un modèle économique ultra-inégalitaire qui ne bénéficie qu’aux 20 % les plus aisés. On laisse filer les logiques de marché et, logiquement, les gens achètent leur résidence secondaire là où c’est beau et on se fiche du destin des jeunes issus des catégories populaires, nés sur ce territoire et qui vont devoir déménager. On tiendra des grands discours, on organisera des assises du territoire, des élus locaux diront que c’est scandaleux, mais, comme on ne veut pas bouger sur le fond, on renforcera un ressentiment énorme des catégories populaires. Ce ressentiment alimente in fine le mouvement existentiel et social des classes populaires et moyennes occidentales. Et puisque les élites ne veulent ou ne peuvent pas y répondre, elles tiendront les populations par la peur. La gestion par la peur consiste à promettre l’apocalypse, qu’elle soit démocratique, écologique ou sanitaire. L’apocalypse démocratique consiste par exemple à nous faire croire depuis trente ans à l’arrivée du fascisme. C’est du théâtre et cela permet de rabattre éternellement les indécis ou le gros bloc des retraités vers les partisans du modèle globalisé. Les citoyens auront peur du fascisme, de l’apocalypse sanitaire ou encore de l’apocalypse écologique. Toutes ces peurs permettent à des gouvernements impuissants de rabattre vers eux des citoyens qui ne votent plus par adhésion mais par crainte de l’apocalypse. Il n’y a aucune adhésion au macronisme. Seulement un vote de peur. S’il est réélu, le lendemain il s’effondrera dans les sondages.