Le congé paternité, vous en pensez quoi ?
Alain Finkielkraut lui, a donné son avis dessus il y'a 20 ans quand la loi venait d'être promulguée :
Il aura donc fallu attendre la disparition des monopoles et l'accession des citoyens, sans distinction de classe ou de statut, au forum mondial du Web, pour que nous vivions heureux sous la monarchie absolue de la vérité définitive. C'est au moment où la technique libère le discours des procédures de contrôle, de contrainte et de raréfaction qui pesaient sur lui qu'on dit partout la même chose.
L'émergence du parti unique coincïde avec l'apothéose numérique du droit à la parole. Depuis la fin des grands combats idéologiques, en effet, la dynamique du Bien mobilise les énergies et recueille tous les suffrages.
La révolution démocratique se célèbre d'une seule voix comme le montre l'assentiment donné par les experts, les journalistes et les auditeurs interactifs à la récente décision du gouvernement français d'instaurer un congé de paternité de deux semaines. (Le 1er juillet 2021 nous sommes passés à 28 jours, soit le double.)La France comble ainsi une grande partie de son retard sur la Suède, ce pays d'avant-garde où les luttes féministes ont changés la société et où les hommes disposent, depuis plusieurs années, de quarante jours de congé de paternité, ainsi que du droit d'y ajouter un congé parental d'un an pendant lequel ils perçoivent quatre-vingts pour cent de leur salaire. Il est vrai que ces mesures généreuses n'ont pas encore eu l'effet escompté et que les bénéficiaires de l'innovation se font bizarrement tirer l'oreille. Au nord de l'Europe aussi, le progrès patine :"En dépit des incitations financières et de l'évolution des comportements, les femmes restent encore beaucoup plus nombreuses que les hommes à assurer provisoirement le rôle de parent au foyer." Diagnostic des sociologues : les vieilles représentations sociales ont la vie dure. Les schémas anciens ne s'extirpent pas en un jour.
Même les admirables scandinaves, partis en éclaireur sur le chemin de l'égalité, continuent, malgré la découverte des chercheurs, à prendre leur héritage culturel pour un fait de nature et ils s'obstinent à déduire la différence des fonctions de la différence des sexes, alors que la démocratie conclut de l'identité des personnes à la réversibilité des rôles.Que faire de ces récalcitrans ? Comment traiter ces vestiges, ces fossiles, ces reliques de la famille patriarcale sourds encore à la bonne nouvelle du temps partagé ? La démocratie est une bonne fille.
Ayant gagné sur la bataille, elle se penche miséricordieusement sur les vaincus, elle tend la main aux survivants de l'Atlantide et s'efforce, par une patiente rééducation, de les soustraire à l'inhumanité où les plonge encore la force de l'habitude. Il faudra, pour cette opération de longue haleine, mettre à l'index ou en tout cas déconstruire massivement une littérature allergique au message de l'indifférenciation, enrôler les téléfilms au service de la vie nouvelle, refondre les programmes scolaires et remplacer Perrault ou Andersen par des contes pour enfants militants.Le jeu en vaut très largement la chandelle. N'est-ce pas l'assignation des hommes à la virilité qui voue l'humanité à la violence ? Plus les pères pouponneront, moins ils auront envie de faire la guerre. A chaque nouveau papa, la violence reculera. La cité domestique pacifiera la cité politique : c'en sera fini des caïds et des rapports de domination lorsque le chef de famille aura, dans tous les ménages, cédé la place à une figure paternelle résolument tournée vers l'enfance. Les couches et les biberons réussiront là où la musique a échoué. Le miracle que le monde a vainement attendu de la lyre d'Orphée sera réalisé par les vagissements de bébé : on verra les moeurs s'adoucir et la tendresse se répandre sur notre terre recrue d'épreuves
et d'iniquités quand les hommes plongeront à l'égalité avec les femmes dans la réalité quotidienne des soins aux enfants. Aragon voyait juste, mais flou : ce n'est pas la femme en général, c'est la maman qui est l'avenir de l'homme.
Vous trouvez qu'il en fait trop ? 
Alain Finkielkraut > all 
Les hommes, go chasser du gibier et étaler son sang sur vous, ok ? 
Débat clôt pour ma part
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