balavol25
2021-09-09 19:13:15
«Oh, vous savez, tout cela, ce ne sont que des mots pour gagner la présidentielle. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Le seul point important: Sarko a annoncé qu’un minitraité institutionnel sur l’Europe sera adopté par le Parlement après son élection. On y mettra tout ce que le référendum de 2005 a rejeté et le tour sera joué.» La phrase, tirée à bout portant, m’a étendu au sol comme un oiseau mort. Mon bar en croûte de sel ne passe plus ; je me tais, le regard absent. Vaincu. Minc n’en finit pas de sourire. Le sourire du vainqueur.
Notre affrontement a été rude à l’antenne, et personne ne renonce à ses idées une fois les lumières éteintes. Avant de me quitter, Blanchard se penche vers moi, et me lance en aparté, d’un air triomphant: «Tu pourras dire ce que tu veux. On s’en fout, on gagnera, on tient les programmes scolaires.»
il me lâche tout à trac: «Tu sais, le dernier a avoir mis de l’argent dans le RER, c’est Pompidou. La gauche a tout mis sur le TGV pour permettre à la gauche caviar de descendre dans le Luberon.»
C’est Romain Goupil. Il est venu dans les bagages de Dany, son vieux complice de Mai 68. Il n’a plus le lumineux visage d’ange qu’il arborait à l’époque, mais son physique massif en impose encore. Il m’interpelle abruptement d’une voix vibrante de colère: «Tu auras beau dire, tu auras beau faire, on a gagné. La France, c’est fini.»
balavol25
2021-09-09 19:17:56
Extraits plus longs
Son sourire reste accroché un long moment. Il est content de son bon mot. Il observe un instant sur mon visage l’effet produit. Le rôle de cynique qui rit et se joue de tout est sans doute un de ceux qu’il préfère tenir. J’ai retrouvé Alain Minc chez Marius et Janette, un chic restaurant de poisson avenue George-V. [...] Je marque un point décisif en me moquant des discours du candidat Sarkozy qui, sous la plume d’Henri Guaino, multiplie avec lyrisme les références à de Gaulle, Malraux, Jaurès, à la grandeur de la nation, à l’unité du peuple français. Ainsi Sarkozy aurait renié Minc? Il aurait rejoint la cohorte des «sous-doués» du nationalisme? J’insiste, je brocarde, je plastronne. Il me laisse venir, me laisse triompher.
Et soudain, d’un coup, d’un seul, il me porte l’estocade: «Oh, vous savez, tout cela, ce ne sont que des mots pour gagner la présidentielle. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Le seul point important: Sarko a annoncé qu’un minitraité institutionnel sur l’Europe sera adopté par le Parlement après son élection. On y mettra tout ce que le référendum de 2005 a rejeté et le tour sera joué.» La phrase, tirée à bout portant, m’a étendu au sol comme un oiseau mort. Mon bar en croûte de sel ne passe plus ; je me tais, le regard absent. Vaincu. Minc n’en finit pas de sourire. Le sourire du vainqueur.
On ôte les micros accrochés à nos vestes et on se passe de fraîches lingettes sur nos visages pour nettoyer les restes de maquillage. C’est la fin de l’émission «Ce soir ou jamais». À la demande de Frédéric Taddeï, j’y ai défendu mon Mélancolie française. Un de mes contradicteurs s’approche de moi, afin de poursuivre la conversation. Le ton est moins guindé, et le tutoiement s’immisce peu à peu. Il s’appelle Pascal Blanchard. Au cours du débat, on l’a présenté comme historien, spécialiste de la période coloniale. Notre affrontement a été rude à l’antenne, et personne ne renonce à ses idées une fois les lumières éteintes. Avant de me quitter, Blanchard se penche vers moi, et me lance en aparté, d’un air triomphant: «Tu pourras dire ce que tu veux. On s’en fout, on gagnera, on tient les programmes scolaires.»
( rajout de moi C'est lui : https://youtu.be/89QE1a5yeMg )
J’ai connu Guillaume Pepy rue Saint-Guillaume, il y a plus de trente ans. Nous n’étions pas amis, même pas «copains», mais nous avions une amie commune. On s’est perdu de vue. À son entrée à l’ENA. [...] Pepy m’a appelé après qu’il a entendu une de mes chroniques sur RTL concernant la SNCF. Il veut «rétablir certaines vérités». Je me rends volontiers au siège de sa maison, dans un immeuble moderne et laid, situé derrière la gare Montparnasse. Son bureau est froid et sans charme, mais nos retrouvailles sont chaleureuses. Il goûte sa posture de patron de gauche converti aux rigueurs de la gestion entrepreneuriale ; d’ancien socialiste qui lutte contre le laxisme syndical. Et puis, soudain, alors que je lui rappelle timidement les souffrances des banlieusards pris dans «l’enfer des transports», il me lâche tout à trac: «Tu sais, le dernier a avoir mis de l’argent dans le RER, c’est Pompidou. La gauche a tout mis sur le TGV pour permettre à la gauche caviar de descendre dans le Luberon.»
Il me regarde de son unique œil qui frise pour mieux observer l’effet produit. Je le sens joyeux de son aveu qui sonne comme une condamnation des siens et de lui- même. Comme soulagé par cette confession imprévue.
J’ai la nuque raide et douloureuse. La climatisation excessive m’a transformé en automate. Trois heures de débat sur l’Europe m’ont chauffé l’esprit mais glacé le corps. Je m’empresse de ceindre mon cou d’une écharpe que mon fils me donne sans un mot. Daniel Cohn-Bendit me tend, sans me regarder, le torse déjà tourné vers la sortie, une main aussi froide que la soufflerie du studio de LCI. David Pujadas me tape sur l’épaule en guise de remerciement. Je m’apprête à partir lorsqu’un grand gaillard se plante devant moi. Je le reconnais aussitôt: C’est Romain Goupil. Il est venu dans les bagages de Dany, son vieux complice de Mai 68. Il n’a plus le lumineux visage d’ange qu’il arborait à l’époque, mais son physique massif en impose encore. Il m’interpelle abruptement d’une voix vibrante de colère: «Tu auras beau dire, tu auras beau faire, on a gagné. La France, c’est fini.»