MangeBonheur
2021-08-29 10:59:20
Un clé disait à ce sujet, sur le précédent topic :
" C'est toujours pareil sur ce genre de topic. Tu leur demande pourquoi ils osent créer une nouvelle conscience dans cet univers absurde, pourquoi ils veulent infliger la condition humaine à un innocent, les mecs te répondent que c'est parce qu'ils veulent transmettre leur futile nom de famille. Ou, sans même cacher leur égoïsme, qu'ils veulent leur "mini-moi".
Je vous laisse méditer sur cette citation de Schopenhauer :
Imaginez un instant que l'acte de la génération ne soit ni un besoin ni une volupté, mais une affaire de réflexion pure et de raison : l'espèce humaine pourrait-elle bien encore subsister? Chacun n'aurait-il pas eu plutôt assez pitié de la génération à venir, pour lui épargner le poids de l'existence, ou du moins n'aurait-il pas hésité à le lui imposer de sang-froid ? "
MangeBonheur
2021-08-29 11:02:05
Ce qu'a soulevé le clé en question que je citais précédemment semble bien être la triste vérité.
Ce qu'il évoquait constitue en réalité le gros point aveugle de la condition humaine, que tous autant que nous sommes faisons mine de ne pas voir pour garder l'esprit tranquille, tous occupés que nous sommes par les contingences du quotidien.
En soi je pense que Schopenhauer a raison C'est fatal et sans appel.
J'en viens un peu à me dire que si nous faisons des enfants, ce n'est intrinsèquement qu'un genre de fuite en avant en quelque sorte. Chacun sait que, dans l'absolu, tout cela n'a aucun sens, et ne saurait aucunement prouver pourquoi il le fait raisonnablement parlant (vivre, faire des enfants). Quelle est la finalité de l'existence de l'espèce humaine et de sa perpétuation.
C'est un peu ce qu'il abordait quand il traitait la question du monde comme volonté et représentation. Cette vision, appliquée à la question de l'enfantement, ne peut une fois de plus nous mener qu'à des explications partielles, insuffisantes, que les esprits prompts aux sophismes les plus propices à servir leurs petits caprices personnels, invoquant mille raisons toutes plus sophistiquées en apparence les unes que les autres (un sens de la vie transcendant, une existence divine...) habilleront de tous les aspects du rationnel possible, sans jamais toutefois fournir une raison valable par et pour elle-même, au sens de la réflexion pure.
Ils ne peuvent s'y résoudre, et rechignent à abdiquer devant l'évidence soulevée par le philosophe en question, se contentant d'évacuer la question d'un distrait revers de main et de continuer leur petite vie, pour ceux qui y pensent d'ailleurs ; la majorité ne s'embarrasse guère de ce genre d'interrogations si " inutiles ", je pense.
Pour aller droit au but et synthétiser la pensée de l'homme : on peut expliquer comment on se reproduit, ce que cela fait, mesurer, théoriser, préparer et gérer l'enfantement et la perpétuation de l'espèce à l'aide des meilleurs outils scientifiques à disposition, on peut ergoter à ce sujet des heures durant de toutes les manières possibles et imaginables en termes techniques et pratiques... Mais jamais personne ne pourra apporter de raison nécessaire et suffisante au pourquoi de la question.
Le " pourquoi " nous nous reproduisons. Pourquoi nous continuons à faire en sorte que des gens (que nous mettrons au monde) se posent cette question et expérimentent à leur tour la condition de l'existence, et de la considération inévitable à la question de la mort, de la fin du soi, que cela suppose, injustice suprême parmi les injustices, nous oblitérant de l'Être pour les milliards et les milliards d'années qui viendront après nous, à l'image de ce temps infiniment long qui nous a un jour précédé, et dont nous n'avons jamais eu conscience non plus d'ailleurs. Ce temps avant notre naissance, il est passé bien vite n'est-ce pas ?
Bref, tout ce que nous faisons, en nous reproduisant, c'est au mieux, et pour sûr, sans équivoque possible cette fois, de passer cette question insoluble et irrésolvable à ceux qui viendront après nous, question qui le restera aussi longtemps qu'il y aura des êtres humains pour se la poser. La seule façon d'y mettre fin, dans la perspective de Schopenhauer, serait de mettre fin à l'espèce humaine, en cessant de se reproduire.
Factuellement, personne ne peut, hélas, lui donner tort.