Je n'ai guère relu tout ça. J'avais besoin que ça sorte. De le partager quelque part, en anonyme.
C'était un besoin. C'est une tranche de vie d'un inconnu, pour vous, qui a besoin de s'exprimer. Vous y lirez des choses que vous ne comprendrez pas, peut-être, mais tout cela est d'une sincérité criante.
Des mille feux de l'amour d'une vie, il ne reste que la mémoire.
J'aimerais vous conter un récit de bonne fin, vous présenter l'accomplissement d'un amour idéal. Mais en vérité, je ne suis qu'un homme. Et les hommes souffrent, de la naissance à leur mort. En dépit de toutes mes bonnes intentions, la vie ne m'aura finalement guère épargné.
Puisqu'il nous faut des noms, considérez que je suis Allan. Un nom simple, qui signifie beaucoup pour moi. Aujourd'hui, c'est tout ce qui me vient.
Et qui est Allan ? Si vous poursuivez votre lecture, et que vous acceptez d'atteindre la ligne suivante, alors vous entrerez dans une partie de ma vie, une parcelle d'esprit, d'émotions, un échantillon d'humanité blessant de réalisme.
Je suis né en 1995, non loin de Bordeaux. Assez jeune pour être raillé, assez vieux pour être du XXème Siècle. Je ne vous raconterai pas vraiment mon enfance. Elle ne m'intéresse pas aujourd'hui. Néanmoins, il y a quelques informations utiles, qui méritent d'être énoncées.
Avant d'être un homme, je fus un enfant. L'enfant d'un père et d'une mère talentueux, mais écorchés. Une mère formidable, artiste, aussi étourdie que fascinante femme d'affaire, partie de rien, et créatrice de sa propre entreprise. Une personnalité ambivalente, explosive, colérique, à l'enfance problématique, mais au dévouement sans faille. Un père qui a fait ce qu'il a pu, parfois quand il ne pouvait pas grand chose. Un râleur chronique, déçu d'avoir manqué de peu sa carrière de RockStar, mais appaisé par les années, et une séparation survenue en 2010. Un homme dont j'ai fait la connaissance bien tardivement, si on y réfléchit, et que j'aurais mis une vie à comprendre.
Des parents divorcés. Et un grand frère. Appelons-le Zao. En couple depuis la fin des années 2000, aujourd'hui marié à la même femme et père d'une petite-fille aussi intelligente que familièrement atypique.
Moi, j'ai été curieux, bavard, angoissé. Et je crois bien que je le suis resté, au fond. Mais, sans vous mentir, talentueux. D'abord dans le dessin, l'imagination. Puis, dès la puberté, pour la musique, le montage, et enfin l'écriture. Des disciplines dans lesquelles j'ai accompli des choses qui m'étonnent encore aujourd'hui.
Pour mes psy, un haut potentiel, qui a fait ses preuves à de multiples reprises. Ce n'est guère salvateur pour ma modestie, mais il faut savoir être honnête avec ses qualités. Les défauts viendront, ne vous en faites pas.
Comme tous les protagonistes, au début du film, j'étais un "puceau timide". Enfin... pas timide. Extraverti, mais fort peu assuré du haut de son mètre quatre-vingt et de ses cinquante-sept kilos. Maladroit, rougissant devant la femme.
Oui, ce sont les femmes que j'aime. Malgré une libido explosive, des fantasmes toujours plus alambiqués et osés, une excitabilité idéalement bisexuelle, la question s'est posée, mais la seule et unique réponse en l'état est que j'aime les femmes.
Ma primaire fut belle. Ma sixième chaotique. Brimé, rejeté, avili, j'ai connu la souffrance, la violence, l'animosité, le mépris. Ma 5ème fut meilleure. Ma 4ème me vit m'assumer et réussir à être bien plus amical. Et mon tempérament extraverti, ainsi que mes bizarreries, eurent raison de mes maladresses. Ainsi, en 3ème, je fus charismatique, et apprécié.
Ma première copine vint durant l'été. Elle m'aimait, et moi, je voulais bien une copine. Je l'ai embrassée. Un petit bisous à l'écart. C'était bizarre. Je n'ai rien ressenti, à part du stress. Puis, cette étrange impression, au moment de tenir la main, qu'on se force à faire quelque chose, parce que c'est ce qu'on attend de nous. J'ai mis la langue, après. Enfin, je lui ai demandé. C'était bizarre, ni agréable, ni désagréable. Je la quittai la semaine suivante.
Citadin, geek, pianiste, chanteur débutant, bassiste débutant, j'occupais mes étés avec des copains, et des activités solitaires. Modder mes jeux vidéos, composer, écrire des débuts d'histoire pas spécialement biens, pas si mauvais non plus. Depuis l'âge de 11 ans, les sites pornographiques s'étaient ajoutes à l'imagination. Aussi je flânais des heures durant dans les placards interdits de l'internet des années 2000/2010, manche en main.
Mes angoisses.
Depuis toujours, mais plus précisément, à 12 ans. Je l'ai ressenti. Cette peur que mes fantasmes fassent un jour de moi quelqu'un de mauvais. Cette peur qu'un fantasme sur un homme signifie que je ne sois plus hétérosexuel. Ces heures, jours, semaines, mois durant à ruminer des obsessions, tantôt rassurées par ma mère, tantôt par internet. Puis, revenantes, cycliques, entêtantes, polluantes.
Septembre 2010, ma rentrée en troisième. Mon père qui a une maîtresse, ma mère qui lui demande de choisir. Et il part. Comme ça, un matin. Je me souviens, j'allais au collège, et le soir, "ton père est parti".
Pas un message. Mais il venait me chercher à l'école. Zao, de six ans mon ainé, aussi introverti que mon père, attendait son appel. Mon père n'osait pas. Aussi, il n'osa jamais vraiment. Pas une nouvelle donnée à son fils aîné, pas une explication, des mois durant. Un simple texto pour la bonne année.
Il avait fui ses responsabilités. Un jour, il se rendrait compte avoir fui le lien qui l'unissait à nous. Et surtout, à Zao.
Mon père était installé chez sa maîtresse. Enfin, bien sûr, celle qui devenait ma belle-mère. Et moi, ma 3ème, qui me vit me rapprocher de Roxanne. Je l'appelerai Roxanne. Je dois vous parler d'elle avant d'aborder ce qui me pèse sur le cœur. Parce que si tout récit possède un climax, il y a indubitablement un point de départ. Le premier sentier vers une longue forêt, de lumière ou d'agonie. Et je le pris.
Elle semblait différente. Profonde, mais torturée. Je voulais son cœur, elle voulait la mort. Plus tard, j'apprendrais qu'elle avait été violée.
Syndrome du sauveur.
Été entre ma 3ème et ma 2nde. juin/septembre 2010. Je croyais avoir noué une amitié. Mais j'étais tombé fou amoureux. Doué pour la verve, et la compréhension de l'esprit humain malgré mon jeune âge, je peux assumer l'avoir aidée. Bien plus que d'autres l'auraient fait. Lui redonner goût à la vie. Des heures au téléphone, des heures à se parler, des heures à compatir, à ressentir de l'empathie envers ses souffrances, à craindre pour elle, à rêver de son sourire, de ses grands yeux bleus et verts, si beaux, si hypnotiques.
Mais elle m'aimait à sa manière, point à la mienne. Alors, elle me fit souffrir. Et je décidai de couper court à notre amitié, pressentant qu'elle était bâtie sur un déséquilibre inconciliable. L'un voulait l'amour d'un couple, l'autre la puissance d'une amitié durable. Cela, après un an de coupure, je puis lui offrir, et elle fut ma meilleure amie jusqu'en 2014.
Ma Seconde me vit flirter, embrasser une fille à un moment, et être quitté par elle le lendemain. Vivre mes premières soirées à soixante dans une grande maison. Découvrir les joints, à raison de trois par an, et l'alcool, bien plus que cela. Je vivais, je riais. Mon ami d'enfance me restait, Flo, mes amis de collège aussi, Adrian et Henri.
Mon premier essai de roman, que je garderais pendant six ans sans dépasser les soixante pages. Insipide, brouillon, maladroit.
Ma première me vit rencontrer d'autres amis. Nous étions inséparables, prêts à faire les 400 coups en toute circonstance. Avec eux et Adrian, nous tournions des vidéos absurdes dans notre lycée, et nous avions notre petite popularité. Adrian et moi, nous nous promenions les mercredi, ivres de bière, prêts à la moindre bouffonerie pour choquer le touriste, surprendre la vieille peau du coin. Après quoi j'entrais au conservatoire, aviné, non moins efficace, affublé de mon oreille absolue et de mon insolente facilité à l'apprentissage.
"Peut-être le futur Mozart" disait l'homme qui découvrit mon talent. Il est mort aujourd'hui, et moi, je sais bien que je ne suis pas Mozart. Je suis moi, Allan. Un compositeur doué, mais qui n'a pas dédié sa vie à la musique, finalement. Ou du moins, pas encore. Pas assez.
Quelques flirts, oui, mais jamais une relation de plus d'un jour ou deux, jamais la découvert d'un corps. Enfin, une fois, des baisers dans le cou, qui firent naître mes premiers désirs ardents, lors d'une soirée. Puis, Adrian s'occupait de la belle quelques heures après. Amère déception.
Je dormis avec une fille magnifique, chez un ami, faute de lit. Malgré les caresses aux bras et la tendresse, ainsi qu'une nuit blanche à discuter, je ne daignai guère l'embrasser. Ainsi, je laissai passer l'occasion de nouer quelque chose avec une fille qui deviendrait plus tard une actrice des plus belles.
Des groupes de musique, médiocres, avec quelques originalités, néanmoins.
L'été 2012.
Ma mère enfin avec un homme. Un homme bien. Le précédent l'avait comblée pendant sept mois, gentil, attentionné. Prévenant. Pas vraiment comme mon père. Mais ne le blâmons pas non plus. Chaque homme a ses secrets, et qui suis-je pour juger le mari ?
Mais le nouveau, Samuel disons, était un archétype de générosité et d'archaïsme bienveillant. Le père de famille par excellence. L'homme dévoué, qui ne montre pas ses émotions, qui encaisse en silence. Il avait déjà perdu deux enfants, et en avait adopté deux autres. Une force de l'esprit qui m'a convaincu à la première rencontre qu'il ne rendrait jamais ma mère malheureuse.
Aujourd'hui encore, il ne m'a toujours pas donné tort.
Moi, je n'ai plus de maison. Une bêtise de soirée aura vu un camarade traverser ma baie vitrée, invitant l'air humide de l'extérieur de manière permanente. Ainsi, nous logions chez Samuel, de sa propre proposition.
Premières vacances. Son fils adoptif emmène ses amis. Il en manque un. Enfin, une, et je le découvrais un jour après.
Au réveil, la rencontre avec cette jeune fille aux longs cheveux ondulés, Eva. Premier salut à 11h. Premier massage au bord du lac, entouré des copains du "demi-frère" à 14h. Premier baiser à 20h. Après avoir manqué ma chance avec l'actrice, je n'allais pas laisser ma timidité gâcher mes expériences de vie. Première nuit sous la tente. Pas de sexe, non. Mais de la tendresse. Une tendresse qui m'a ému. Et qui me fait encore sourire parfois en y repensant. Elle étant candide, sans projection, spontanée.
Mais hélas, les vacances ont une fin. En quelques jours, nous nous éloignons. Le retour à la ville est difficile. Un dernier baiser sur le quais, avant d'entrer dans le tram, et je me résous à attendre son message avant d'aller chez mon père pour le week-end, à la campagne.
Pas de message de toute le week end. Mais j'ai tenu bon. Pas un seul message de ma part.
Lundi, un "je t'aime", auquel je réponds volontiers.
Deux semaines et demi plus tard, et beaucoup de silence, elle rompt.
Un peu tard, puisque je laisse passer une fantastique tension sexuelle entre une vieille copine de primaire et moi. Mais la vie est ainsi faite.
Ainsi, je me décide à vous parler de ma Terminale.
Assis devant mon ordinateur portable, quelque part en Normandie, les cheveux longs, la barbe d'un homme du Gondor, je suis fébrile. Est-il bon de replonger dans cette histoire ? Dans l'histoire d'Allan, maigre et imberbe, qui s'apprête à vivre l'histoire d'amour la plus puissante qu'une vie puisse offrir ?
Un concours de chant lyrique en septembre. Je réussis, j'entre, je flirte avec une fille, mais elle m'éconduit. Je ne reste au final que quelques mois avant de différer mon entrée à l'année suivante, prétextant mon année de BAC.
En option musique, nous avions une chorale obligatoire. Il y avait des tas de filles. Mais l'une d'entre elle venait d'entrer en Seconde. Aurais-je pu savoir que nous finirions mariés ? Que nous projeterions un jour les noms de nos futurs enfants ?
Oh... comment rendre compte du bonheur, du vrai ? Mais aussi du déchirement, des peines, des souffrances. Le parcours d'une vie. La vie d'Allan en 2012. Une ancienne vie.
Elle, je l'appelerais Lana. Et il est impossible, en tout temps, toute circonstance, d'éprouver à son égard autre chose qu'une profonde affection, malgré toutes les bêtises futiles de la vie.
Elle m'avait remarqué à la chorale. D'abord, elle voulait faire la connaissance d'un ami. Mais de ses mots, elle le trouva fort "con", et me trouva, moi, fort "drôle". Je n'étais pas vraiment son type physique, et elle non plus.
Un soir où je planchais sur un devoir de philosophie des plus ennuyeux et frustrant, du haut de ma Terminale L, je recevais une demande d'ami Facebook de cette Lana. "Chouette", me disais-je alors, "une fille s'intéresse enfin à moi".
"Salut, je sais que t'es en Terminale, tu crois que tu peux m'aider sur un devoir d'Histoire ?"
Colère, déception, trahison, disgrace. Ne suis-je pour ces femelles perfides qu'un moyen, un outil pour parvenir à un but ? Je l'envoyai allégrement se faire foutre, vous pouvez bien me croire ! Puis, elle ne se laissa pas décontenancer pour autant. Non, au final, le devoir était un prétexte. Ce qu'elle voulait, c'était me parler. Alors, nous avons parlé. Sur Facebook, puis sur Skype.
Puis, un soir suivant, sur Skype en cam. Lorsque j'eus droit à un "bisous bonne nuit mon chéri" de ma mère, qui ne l'avait pas vue, et que je la vis sourire, attendrie, je me disais qu'elle était de fort bonne nature. "Elle est mignonne", dit mon beau-père. "Et elle t'entend", dis-je. Elle rit. Décidément, cette fille était différente.
Nous avons parlé tous les soirs durant, pendant deux semaines. Des cams, appels à n'en plus finir. Elle n'était pas très à l'aise avec sa famille, et je comprendrais un jour pourquoi.
Le 11 octobre, je puis lui faire avouer qu'elle désirait m'embrasser.
Le lendemain, dans un studio de musique, je l'attendais. Après avoir manqué ma chance avec l'actrice, je n'allais pas laisser ma timidité gâcher ma vie.
Le 12 octobre, à 14h, je l'embrassai pour la première fois. Les premiers jours, peu à mon aise, préférant la compagnie de mes amis dans la cour. Mais alors, quelque chose d'exceptionnel. Pour la première fois, nous découvrions elle et moi le brasier ardent d'un amour passionnel, fusionnel, sans borne, sans mesure. Elle n'avait eu que trois copains avant moi. Elle n'avait couché qu'avec l'un d'entre eux, et ce n'était guère réjouissant, de ses dires. La rapidité avec laquelle elle m'initia à la sexualité, alors plus jeune que moi pourtant, m'interpella.
Comment rendre honneur à ces premiers mois ? La niaiserie rimait avec la sexualité débridée. La découvert du corps, de la passion, de l'amour, de l'acte charnel dans sa plus belle expression, la transcendance de deux corps, deux esprits s'unissant comme si rien ne pourrait jamais les séparer.
Au lycée, nous étions inséparables. Ce couple insupportable, dont les baisers langoureux exaspèrent l'entourage. Une fois notre vraie première fois accomplie, dans une chambre à l'écart chez ma grand-mère, nous avons souillé les studios de notre lycée une bonne trentaine de fois.
Les pauses de plusieurs heures nous servaient à aller dans mon ancienne maison, où plus personne n'habitait depuis l'incident. Et nous faisions l'amour. Elle fut la première à accepter mes fétiches, mes envies, et à me faire part des siennes. Ensemble, nous explorions la sexualité classique, mais aussi nos premiers pas dans l'univers du BDSM.
Et puis, l'amour.
Je me souviendrai toute ma vie de cette journée banalisée, où nous nous étions levés plus tôt, afin d'aller dans cette maison. Une journée entière au lit, à faire l'amour, manger, rire, se câliner, dormir aussi. Car nous ne pouvions dormir ensemble la nuit.
Mais voilà. Elle avait un secret. D'abord un faux secret, arrangeant, construit par celui qui l'avait fait souffrir. Mais en janvier 2013, elle me révéla la vérité. Nous avions deux ans et dix mois d'écart. Son grand frère, du même âge que moi, avait commis envers elle des actes impardonnables, de ses dix ans à ses quatorze ans. Des abus qui laissent des traces. Physiquement au début, mais surtout mentalement. Son père était impulsif, invivable, d'une violence psychologique rare. Et sa mère, n'osant guère s'opposer trop à lui, se contentait de lui expliquait que je n'étais pas un homme pour elle. Pas assez beau, pas d'une famille assez bien, assez bourgeoise. Car c'était de la bourgeoisie catholique qu'elle venait.
Au milieu de tout cela, je fus la première personne à savoir. Et ce poids hanta mes jours et mes nuits des années durants. Je mis, sous son consentement, ma famille proche au courant. Ma mère et moi, nous avons agi.
En quelques mois, sa mère, à Lana, déclara un cancer. Parallèlement, la nouvelle que son frère reviendrait chez elle nous poussa à faire un choix. Ainsi, nous la convainquîmes d'aller voir une assistante sociale. Le soir même, elle fut placée en foyer.
Les foyers d'accueil d'urgence sont des prisons, des calvaires rudes où victimes et coupables sont entassées comme des gladiateurs, partagent le même toit. Elle fut brutalisée. Et moi, impuissant, j'assistai. J'étais là pour elle. À chaque instant qu'il m'était possible. À 17 ans, j'expliquais à ses éducateurs comment s'y prendre avec elle, par téléphone, prétextant une pause toilettes au conservatoire. Je convainquais mon beau-père d'aller la chercher en urgence un samedi matin où des délinquants tentaient d'entrer par effraction dans ses appartements, pour la frapper. Je l'aidai à écrire un message à son frère, pour obtenir des aveux. J'expliquai à la police tout ce qu'elle m'avait dit sur son frère au moment de la plainte. Je dus également leur parler de notre vie sexuelle intime, parce que c'était soi-disant la procédure. Je n'ai pas bien compris pourquoi, mais je me suis exécuté.
Mais le phare dans tout cela, notre amour. Un cadeau à chaque 12 du mois. D'abord, une rose à notre deuxième mois. Puis, une bague offerte par surprise au troisième, car en mon fort intérieur, elle était la femme de ma vie, je le savais. La reprise de notre chanson, celle qui nous émeuvait aux larmes et nous scellait pour la vie, à notre quatrième mois. Un cadre de notre première belle photo au cinquième mois.
Notre première nuit ensemble, nous l'obtenions en mentant au bout de cinq mois. En dormant tous deux chez la même amie. Une nuit de tendresse, de complicité, de sensualité, mais surtout, de bonheur.
Mais vivre à travers l'angoisse, à travers son histoire, sa vie, les souffrances qu'elle traversait, me transforma. Quelque chose se fissura, et ma première dépression vint.
Je manquais à l'appel. Je me fâchais avec toute ma classe de Terminale, mais cette fois, sans regret. J'avais déjà connu le rejet, ça ne m'effrayait plus autant. Mais surtout, mes amis...
Alors qu'au bout du rouleau, je leur expliquai la vérité sur ce que je traversais, j'en perdis trois. Ceux des 400 coups. Selon l'un d'entre eux, j'avais mal géré, et il aurait mieux fait. Adrian me laisse tomber. Flo aussi, pendant quelques temps, mais nous redevenions amis quelques mois après. Aujourd'hui encore, nous le sommes toujours. Seul Henri resta avec moi. Dans la même classe depuis la 5ème, c'était pourtant la seule année où nos chemins se séparaient. L'année d'après, cette séparationse poursuivrait, avant de nous voir de nouveau réunis pour ma prépa et mon BTS Audiovisuel.
Un ami, un vrai. Un bro, comme on dit parfois. Un homme de principes, intransigeant et loyal. Un modèle d'honneur. Il serait un jour mon témoin.
Le lycée finit, Lana et moi, nous poursuivions notre relation. Elle fut placée dans un foyer plus tranquille, et obtint de la juge la permission de dormir chez ma famille de temps à autre. Ainsi, mes premières vacances eurent lieu au même endroit où je rencontrai Eva, un an plus tôt. Drôle d'ironie.
Lana eut plusieurs dépressions. La première durant sa Seconde. Elle fut rejetée, d'humeur instable, s'accrochant à moi comme à une bouée perdue dans une mer agitée. Colérique, autant que moi. Nos disputes étaient aussi explosives que notre passion.
Nous avons parfois cru qu'elle était enceinte, et parfois, il m'a semblé que nous aurions naïvement aimé que ce fut le cas. Nous avions des projets, prénoms, et au mois d'août 2013, je la demandai en mariage. Il faudrait atteindre cinq ans avant de l'annoncer à nos proches, et sept avant de le concrétiser.
2013/2014, ce fut mon année musicale. Uniquement au conservatoire, je débutai un groupe de musique qui allait me conduire jusqu'en finale des meilleurs tremplins. Après quelques prix et des dates hors de notre régions, nous arrêtions en fin 2015 pour différend créatif. Et humain.
Avec le temps, Lana évolua au sein du foyer. Elle passa un jour dans une zone transitoire, avec des appartements plus indépendants. Plus tard, en collocation dans des appartements loués par le foyer. Elle rencontra d'ailleurs sa meilleure amie là-bas.
Notre amour et nos projets duraient. Elle était ma fiancée, j'étais le sien. Nous vivions cet amour et rien ne pouvait le détruire. Rien. Pas même nos disputes. Il y avait toujours une frontière, jamais dépassée.
Je rentrais en prépa Audiovisuel en 2015, elle en Terminale. Après une Première plus calme, elle fit une autre dépression. La vie avec une personne dépressive ne ressemble pas aux autres. L'énergie vient à manquer, quand l'aimée n'a plus goût à vie, et quand la vie s'acharne à son encontre.
Sa mère, avec un autre cancer encore. Son père toxique, sa famille l'accusant de semer la discorde par cette plainte, osant même jusqu'à dire qu'elle était consentente et qu'elle l'avait bien cherché. Si vous saviez, l'horreur de ce que j'ai contemplé. L'horreur de ce qu'elle a vécu.
Le trauma et la souffrance ont régi notre quotidien à de si nombreuses reprises. Mais je ne pouvais pas la laisser tomber... je l'aimais. Et puis, je pouvais l'aider...
Mais à quel prix ?
2016. Elle gagna son procès. L'été, sa mère mourut, un soir d'août. La souffrance s'était réinvitée, et sa propre santé déclinait parfois. Elle vivait à présent la majeure partie du temps chez moi. Chez ma mère et mon beau-père, pour être plus exact. Mais nous vivions ensemble.
L'amour, la discorde, le sexe, les moments partagés ensemble. Vacances avec ma famille, dans ma ville préférée du monde, quelque part dans le Sud de la France. Le seul endroit où je fus heureux sans condition. Elle était admise dans ma famille. Acceptée, enfin aimée comme jamais une famille ne l'avait aimée. Certainement pas la sienne.
Si vous saviez le nombre de restaurants, cinémas, le nombre de films sous la couette, les petites attentions, et entre-temps, nos petits surnoms secrets, aussi niais qu'importants. Nous avions inventé tout un langage ensemble, basé sur des syllables simples. Chaque petit mot signifiait une émotion différente. Nous avions inventé une nouvelle espèce, et pour nous deux, nous étions les seuls représentants, jusqu'à la naissance un jour de notre descendance.
Je l'aimais tellement. Elle m'aimait tellement. Si soudés, face à toutes les épreuves de la vie. Mais voilà que je fus aussi difficile à vivre. Mes angoisses cycliques ne m'ont jamais vraiment quitté. Et dès lors que la situation se calma un peu pour elle, la mienne éclata. Tics, tocs, j'avais un syndrome de la Tourette non diagnostique. Le diagnostic viendrait plus tard. Et la colère. Une colère datant de l'enfance, mais pas que. La colère de ces années à vivre à travers son histoire brisée, son trauma, à vivre en tant que son sauveur. Je lui en voulais aussi, de m'avoir rendu ainsi. Si inquiet pour elle, si dévoué, si entièrement accaparé par tout cela. Mais qu'y pouvait-elle ? Elle n'était qu'une adolescente abandonnée, en souffrance. Et moi, un surdoué émotionnellement bancal, en quête de sens, en besoin d'importance, téméraire, sans prudence.
Impulsif, colérique, angoissé, je dus lui en faire voir, des couleurs. Des criardes comme des maussades. Mais à toute saturation, l'habituation finit par teinter chaque nuance d'un gris toujours plus glacé.
En 2016, au détour d'une soirée, une fille termina dans notre lit de façon impromptue. Ainsi, nous faisions notre premier plan à 3. C'était la deuxième femme avec qui je couchais. Et elle, la première. Nous avons apprécié, et nous décidions de remettre cela avec notre invitée particulière le jour suivant. Les ébats durèrent cinq heures. Il y eut de l'excellent. Mais elle fit l'erreur de dire "oui" à des choses qu'elle n'aurait guère voulu voir et vivre. Sans le savoir, elle cristaliserait un ressenti tenace.
Cette expérience nous rapprocha, d'autant plus qu'auparavant. Ce que nous avions vécu, nous l'avons vécu ensemble. Nous discutions d'une éventuelle reprise de ces activités à trois, mais le temps nous en éloigna finalement.
Décembre 2016, premier appartement ensemble. Un studio. Il fallait voir l'état ! Humide, une seule fenêtre, mal isolé. Mais nous étions deux, et heureux. Les soirées avec amis, les soirées ensemble. Nous nous laissions plus d'air qu'autrefois, et c'était bien plus paisible.
En sexe, il y eut des hauts et des bas. Une maladie chronique se préparait déjà de son côté, et du mien virent parfois quelques blocages.
En 2017, nous déménagions dans un appartement plus grand. Il y eut des crises, et des beaux moments. De belles rencontres amicales, qui moururent aussi un jour. Un chat, une petite femelle, s'ajouta au foyer. Et si j'eus le plus grand mal à envisager sereinement cette responsabilité, elle est aujourd'hui mon chat, et je l'emmenerai partout où j'irai. Même au bout du monde, s'il le faut.
2018, nos premières vacances d'été juste tous les deux, dans cette ville onirique du Sud. Le bonheur ultime. Nous avions notre petit bar à smoothie, où les serveurs nous connaissaient. Nos restaurants fétiches. Une initiation à la plongée, un mini-golf, la rencontre de voisins sympathiques. De merveilleuses vacances. En novembre 2017, nous avons découvert Londres le temps d'un week end. En décembre 2018, nous y avons passé une semaine formidable. L'une des meilleures de ma vie. Et de la sienne.
Entre juin 2017 et août 2018, j'aboutis une saga complète de romans. Et depuis lors, je n'ai cessé d'écrire, accumulant plus d'une dizaine de manuscrits, peut-être bientôt une vingtaine. Elle suivait de son côté des études dans le graphisme, mais sa vrai passion, depuis toujours, est l'art de la scène.
En 2015, je fis un séjour de 20 jours à l'hôpital pour un grave problème intestinal. Je réiterai en début 2019 pour une semaine. Sa présence m'aida à guérir. Je ne voulais pas mourir et ne plus revoir son sourire.
Mon syndrome ajoutait à ma personnalité des ruminations quotidiennes, parmi lesquelles les promesses de bonheur, entre deux angoisses. Chaque jour, je me répétais que nous vivrions ensemble jusqu'à la mort, et que nous aurions des enfants. Parfois chaque heure.
Fin 2018, notre étrange partenaire de plan à 3 redevient amie avec nous. Elle se passionne pour mes romans, et de fil en aiguille, nous devenons vraiment amis. Elle nous initie au sauna libertin. Quelques temps après, nous faisons notre premier plan à 4 là-bas. Une déception pour moi, qui ne parviens guère à allonger le manche.
De fil en aiguille, la décision est prise en juillet 2019. Je verrai cette fameuse fille sur l'appartement, et Lana verrait l'homme du plan à 4 au sauna. Notre envie de découverte nous a convaincu de mettre un pied dans le libertinage.
L'expérience est excellente. Je passe un moment formidable avec cette fille. Lana aussi. Lorsqu'elle rentre et que l'homme rencontre la fille, ils tombent amoureux. Aujourd'hui, ils doivent être encore ensemble. Pourrions-nous dire qu'ils se sont rencontrés "à travers nous" ? En un sens, oui.
Fin 2019, elle a quelques expériences en plus au sauna, en même temps que moi. Mais, dans un lien si étrange, le stressé de nature que je suis reprend le dessus. Et des deux femmes fréquentées là-bas, je n'ai tiré que de maigres érections qui m'ont blessé dans mon assurance, et m'ont effrayé quant à ma sexualité.
Lana déclara une maladie chronique. En 2018, suite aux traitements, sa prise de poids avait été phénoménale. Mais en plusieurs mois, elle perdit 20kg. Qu'elle regagna par la suite avec d'autres traitements.
Elle souffrait au quotidien, et il fallait être là pour elle. L'aider, la soutenir, et accepter ses gémissements, pleurs, ses peines. Après tout, depuis toutes ces années, elle avait accepté mes angoisses, mes colères, mes pleurs, mes tocs. Et cela l'avait énormèment pesé, à tel point qu'en 2018, elle songea parfois à me quitter.
Mais tout était rentré dans l'ordre.
2020, et le confinement. Mes angoisses, ma paranoïa, mon hypocondrie, tout s'est aggravé. Je suis devenu agoraphobe, je ne sortais plus de chez moi, même au déconfinement. Nous faisions de moins en moins l'amour, à cause de mes blocages dus au sauna, et de sa santé. Plus de libertinage non plus.
Mais nous avions encore vécu de merveilleuses vancances l'été 2019, et l'été 2020 aussi.
Et en juillet de cette même année, notre mariage. La concrétisation de plus de sept ans d'un amour sincère, d'une relation unique. Nous étions soudés, mis à l'épreuve dès le départ par les afres de la vie et l'adversité. Et notre victoire, c'était cela. J'étais même enfin accepté par des membres de sa famille.
Notre petite langage personnel, son sourire si tendre, sa douceur, sa compassion. La vie vaut d'être vécue pour de tels moments.
Fin 2020, nous recommencions le libertinage. Mis à mal par mon manque d'assurance sexuel, j'essayais de transformer cela en quelque chose d'excitant. Jouant sur nos jeux BDSM, nous essayions le fantasme candauliste. Elle vit quelques personnes, rarement, et jouait ensuite avec moi de cette situation. Ce fut une autre forme de complicité. Étrange, mais guère déplaisante. Les années nous avaient affranchi, globalement, de la jalousie. Surtout moi. Elle, demeurait heurtée par ce premier plan à 3.
En novembre, je rencontrai par une nuit de niaiseries sur les Neurchis de Facebook une jeune fille, que j'appelerai Erin. Lana était brune aux cheveux bouclés. Erin, rousse aux cheveux lisses.
Au début, nous parlions musique. Puis, elle se prit d'affection pour mes romans, qu'elle dévora jusqu'au dernier en date.
Elle eut l'occasion de rencontrer Lana via nos discussions en cam. Et entre Erin et moi, une tension sexuelle existait.
Mais Erin habitait en Bretagne. Il fut décidé, puisque nous devenions de bons amis, qu'elle descende un week-end dans ma région, et que Lana passe ce week-end globalement avec un sex-friend à elle.
Ainsi, je redécouvrai le sexe sans blocages avec Erin, et pour la première fois depuis les événements du sauna, mes appréhensions sautaient.
Le premier soir, Lana rentra et fit la connaissance d'Erin. L'entente fut présente dès les premiers instants.
Le lendemain, je repassai une partie de la journée avec Erin, et Lana avec son amant. Mais à la fin du week end, ni Lana, ni Erin, ni moi n'avions envie que notre charmante invitée rentre chez elle.
Elle prolongea son séjour, et ce qui devait arriver arriva. Nous fîmes l'amour à trois un matin, puis une séance BDSM le soir. Et lorsqu'elle prit son covoiturage, nous encaissions le fait que nous étions tombés tous les trois amoureux. Un trouple ? C'était inconcevable, et pourtant...
En février, nous l'officialisions.
J'avais deux femmes. Lana, mon épouse, que j'aimais depuis si longtemps. Erin, cette bretonne si atypique et pleine de vie, avec ses deux chats loufoques.
Les voyages entre Aquitaine et la Bretagne n'étaient guère de tout repos, mais cela en valait la peine. Que de magnifiques soirées. La tendresse, la sensualité, et la fin des blocages, peu à peu, pour chacun d'entre nous.
Mais en avril, la santé d'Erin se dégrada elle aussi. Drôle d'ironie de la vie, elle fut diagnostiquée d'une maladie chronique, elle aussi. Une autre, tout aussi difficile à vivre.
Le confinement d'avril vit notre idyle se détériorer. Erin, incarnait Lana adolescente, dans mon inconscient. Et moi, j'étais de nouveau un sauveur. Plongé dans une autre histoire de famille difficile, une autre maladie chronique, un autre quotidien de souffrance. J'ai connu de nouveau l'inquiétude, pris entre deux femmes qui souffraient, et moi, impuissant, au milieu. Qu'avais-je fait pour mériter cela ? Mais je les aimais.
Tirant un enseignement de la vie, je coupai court, avec Lana, au rôle de sauver. Nous sommes rentrés. Nous avons failli quitter Erin. Mais alors qu'elle semblait au fond du trou, dépourvue de toute joie de vivre, elle s'est relevée. Elle a commencé son ascension.
Mais Erin avait d'autres défauts que Lana. Elle fut difficile à vivre, parfois passive-agressive, taciturne, dans un mutisme insupportable, face à un couple qui se connaissait déjà et ne fonctionnait que par les explosions.
Ma colère revenait. Blessante, pesante, disproportionnée, mais en un sens, légitime, même si elle n'y étaient pour rien.
Les blocages avec Lana sont revenus peu à peu. La relation à trois était aussi trois relations à deux. Ma relation à Lana, ma relation à Erin, et leurs deux relations. Alors, nous avons décidé de construire chacune de ces relations. J'ai commencé à aller en week end chez Erin sans Lana, parfois. Et elle, après toutes ces années à vivre à travers moi, et à éviter de sortir trop pour ne pas m'inquiéter, a commencé à vivre sa liberté. Sortir, passer du temps seule, mais aussi avec ses amis, amies.
Depuis fin 2020, elle suivait enfin le cursus d'art de la scène qu'elle avait toujours rêvé, mais avait démarré une autre dépression.
Nous avons accepté qu'elle ait des dates en extérieur avec des hommes rencontrés par applis. Je l'avais après tout déjà fait, sans que ce soit concluant, dans notre période activement libertine.
Mais j'ai parfois dit oui alors que je ne voulais pas. Ainsi, elle eut trop d'amants à mon goût, en trop peu de temps, sans qu'à côté nous ayions des rapports intimes pour contre-balancer le phénomène. Cela cristalisa en moi un rejet, qu'elle ressentit, et qui pesa dans notre relation.
Été 2021. Je pris conscience que ma colère était problématique en rentrant d'un séjour chez Erin, où Lana était rentrée plus tôt que prévu chez nous. Nous avons adopté un chaton, de façon imprévue. À quart, nous arrivions à un total de quatre chats.
En parallèle, je tombais amoureux de la Bretagne, et Erin me fit rencontrer des animaux qu'elle appréciait énormèment depuis toujours. Les chevaux. Son rapport à la vie me plaisait. Elle aimait les animaux pour ce qu'ils étaient, sans chercher à les changer. Et cette philosophie m'émerveillait.
Je rentrais en plein juillet, un mois après une dispute chaotique avec Lana où nous avions failli nous quitter. J'étais soucieux de renouer avec elle, et de laisser tomber la colère.
Elle réfléchissait à me quitter. Pour la première, elle hésita quant au fait qu'elle m'aimait encore, et qu'elle aimait encore Erin. Ce n'était pas la relation à trois, selon ses dires, mais bien nos deux personnes, individuellement. Bouleversé, je lui faisais part de mon désir de changer. Elle me laissa une chance. Dès lors, je changeai, et aujourd'hui encore, je demeurre un homme différent, dont la colère ne régit plus la vie.
Mais ses doutes et discordes s'ajoutaient à une relation inégale, puisqu'elle peinait à construire quelque chose avec Erin, qu'elle ne pouvait guère voir autant que moi compte tenu de leurs emplois du temps.
Elle nous prêta de nombreux défauts. Tantôt réalistes, tantôt injustes. La communication se fit de plus en plus difficile. Chaque phrase était sujette à une interprétation de sa part. La pire possible.
Elle changeait. Elle remettait en question nos relations, ses choix de vie, et pour cause... elle sortait peu à peu de la dépression. L'anti-dépresseur et sa thérapie lui avaient redonné l'énergie, et celle-ci la poussait à remettre en question tous ses choix de vie. Peut-être que nous ne pouvions plus vivre ensemble. Peut-être qu'elle ne voulait pas d'enfants, d'une vie à trois, d'une vie à deux, même avec moi, peut-être qu'elle aspirait à vivre autre chose, désormais.
Nos vacances à trois furent annulées à cause de raisons externes, et ce fut un soulagement pour Lana. Il fut prévu d'aller en Normandie chez un ami d'Erin, une semaine ou deux. Mais Lana tenait à prendre une semaine de vacances chez son meilleur ami et sa copine, dans la famille de son meilleur ami, qui fut aussi son témoin.
Pendant cette semaine, elle tenait à prendre du recul. Aussi, nous décidions, la semaine précédent notre départ pour la Normandie, de la laisser venir vers nousà chaque fois. Et elle le fit fort peu. Nous, qui nous parlions chaque jour, dormions ensemble constamment, ne pouvions guère être séparés, nous appelions le soir les rares fois où cela arrivait, voilà que nous étions désormais distants. Presque étrangers. Lorsque nous partîmes pour la Normandie avec Erin, nous décidions d'aborder, en vocal, des points problématiques avec Lana. Nous étions convaincus, Erin et moi, d'avoir fait de gros efforts, et pour preuve, nous arrivions désormais à vivre sereinement ensemble. Mais Lana devrait en faire aussi.
Lana s'estima épuisée par la situation. Aussi je décidai avec l'accord d'Erin d'établir un break d'une semaine, une coupure totale, entre Lana et nous.
Et nous la tînmes. Mais le hasard voulu qu'elle m'envoie un screen deux jours avant l'échéance, parce qu'elle mal interprété un commentaire public. Un simple quiproquo, qui révélait l'ampleur de la négativité qu'elle associait à nous. Alors, elle me demande quand je rentrais. Et en quelques mots, je compris qu'elle voulait avoir une explication. L'explication.
Ne trouvant pas d'utilité, à travers toute la France pour qu'Erin et moi nous fassions largués, je lui demandai de discuter par téléphone.
Et ainsi, prirent fin trois relations, ce soir là. Un 12ème jour du mois, triste ironie. Notre relation à trois. La relation entre Erin et Lana.
Et ma relation avec Lana.
Déception, choc, anéantissement. Je vivais un équilibre précaire entre angoisses et exaltation, entre bonheur et malheur, et voilà que la femme qui vint un jour me trouver sur Facebook, mon épouse, souhaitait une séparation. Et elle nous aime pourtant encore. Mais ne nous supporte plus. Elle désire vivre autre chose. Autre chose, maintenant qu'elle va mieux ? N'ai-je été qu'un pansement de huit ans et demi ? Non. Il serait malhonnête de voir les choses comme cela.
Nous nous sommes aimés, nous avons tout donné, tout brûlé, et aujourd'hui, elle est arrivée au bout de ses capacités émotionnelles.
Alors, c'est fini.
Plus de vacances dans cette ville du Sud, dans le bar à smoothie.
Plus de petit langage secret rien qu'à nous.
Plus de sourires tendres, le matin au réveil.
Plus de bêtises, de soirées emmitouflés dans des plaids à regarder des séries.
Plus de restaurants ensemble.
Plus de sexe endiablé, et de câlins à n'en plus finir.
Et surtout, plus de Lana.
Je n'aurai pas d'enfants avec elle. Nous n'aurons jamais de famille ensemble. Demain, elle sera une inconnue.
Je me lèverai tous les jours sans qu'elle soit dans ma vie. Je me coucherai loin de notre petit langage si innocent et tendre. Je ne sentirai plus jamais ses cheveux sous mes narines. Ni la tiédeur de sa peau. Ni son grain de beauté dans le dos. Ni les courbes de son corps. Ni son rire si éclatant, son caractère trempé, ni ses chants mélodieux.
Je souffre, aujourd'hui. J'ai perdu quelqu'un. J'ai perdu une vie. J'ai perdu un avenir.
Mais j'ai aussi gagné. Erin et moi, nous nous aimons. Nous vivons cette rupture tous les deux, et nous nous entre-aidons.
Et moi, je change.
J'aime la Normandie, j'aime la Bretagne. J'aime aussi la campagne. Et désormais, je monte à cheval. Je porte une barbe chaque jour plus longue, et mes cheveux me tombent à la poitrine. J'ai fait la paix avec mon père, et peut-être en partie avec moi-même.
Je préfère la dialogue à la colère. La paix à la mélancolie.
J'ai voulu en finir, hier.
Mais aujourd'hui, tout est différent. Je sais qu'une nouvelle vie m'attend, là-bas. Elle est faite pour moi.
Elle est la voie que j'emprunterai.
Il faudra juste un peu de temps, pour réaliser qu'elle n'était pas là où je l'attendais.
Il y aura un divorce, il y aura le passé dans ma tête, la tristte.
Mais aussi la joie, l'union, le rire, et la sérénité. Je deviens un autre Allan. Peut-être celui que je taisais, englué la souffrance des autres,
et ma propre peur. Mais derrière, il y a quelqu'un. Quelqu'un qui a écrit seize romans, composé des fugues, pièces orchestrales et autant de choses qui valent la peine de vivre.
La vie ne s'arrête pas là. Je dois l'accepter. Lana a fait partie de ma vie. Elle fait partie de mon histoire, de ma construction en tant qu'adulte. Mais elle ne sera pas la femme de ma vie.
Les larmes sècheront. Les yeux verront de nombreux autres paysages qui méritent un sourire.
Et au bout du compte, j'aurais vécu cela comme la meilleure des expériences possibles.
Celle d'une vie.
Merci de m'avoir lu. J'ai balancé tout ça ce soir, j'en avais besoin. Faut que je tourne la page.
Le 15 août 2021 à 05:24:49 :
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Personne n'utilise la corbeille en 2021. On fait alt+supr, boomer va.
Personne ne va lire cette encyclopédie mon cleillon