Le goy expliqué aux goyim
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Laurent Sagalovitsch — 14 janvier 2017 à 14h37
Ce n'est pas vraiment une injure ou une insulte, c'est juste une façon de brocarder celui qui n'a pas la chance d'être juif.
Je l'avoue bien volontiers, j'adore prononcer ce doux mot de Goy. Je ne m'en lasse jamais. C'est une petite musique contenue en une seule syllabe qui m'enchante chaque fois que je l'utilise. Et je l'utilise à tort ou à travers. A la moindre occasion donnée. Pour me moquer de mes petits camarades qui ne seraient pas nés d'essence supérieure, c'est-à-dire juive. Afin de vilipender des comportements emprunts d'un esprit de charité bien trop chrétien pour être honnête. Dans le but de marquer ma radicalité d'avoir été circoncis à la naissance et non point plongé comme un vulgaire saumon dans un bain d'eau bénite.
Goy par-ci, goy par là chante à toute heure mon esprit.
Je ne connais pas de Juifs qui puissent résister à son attrait. C'est comme un signe de ralliement de tous les Moïse de la terre. On a beau passer nos journées à s'écharper sur Israël, sur Dieu, sur la question de savoir quel est le plus savoureux des couscous (le tunisien, bien sûr), au sujet du meilleur dentiste de la place de Paris ou de New York, on finit toujours par s'accorder sur notre chance d'avoir échappé à la condition de goy, cette demi-portion qui nous doit tout.
Tout sauf goy est notre cri de ralliement et c'est évidemment un cri de désespoir.
Le sale Goy c'est l'autre, le lourd, le lent, le Fils de l'Homme, le petit traître à la barbe de trois semaines clouté sur sa croix, l'autochtone, le Français de base ou de souche au nom de terroir qui sent bon la vache de ses aïeux, le patelin à la mentalité auvergnate, bourguignonne, bretonne, picarde, savoyarde, le confessé du dimanche, le Gaulois cocardier, le paysan aux racines qui remontent jusqu'à Astérix...le collabo adorateur du Maréchal.
Le catholique assis sur son héritage millénaire qui n'a toujours pas compris que le vrai Dieu, le seul, l'unique, le flamboyant, le ravagé, le colérique, le neurasthénique, l'imprévisible, c'était le nôtre, celui qui est à l'origine de tout, le plus beau, le plus grand de tous les dieux sur lequel tous les autres ont copié sans jamais lui reverser les moindres royalties.
C'est évidemment affreusement condescendant, vaguement raciste, un brin moqueur mais jamais bien méchant ; aucune acrimonie dans cette injure, juste de la tendre moquerie toujours à prendre au second degré. Tout comme ce billet.
Mais c'est aussi, mais c'est surtout, l'expression de la revanche et de la méfiance du persécuté, de l'humilié, de celui qui depuis la nuit des temps n'a cessé d'errer sur la terre à la recherche d'un havre que personne n'a jamais voulu lui accorder, le reprouvé, l'hérétique à qui on a fait payer le prix - et quel prix ! - de ne pas avoir consenti à reconnaître l'autorité d'un apôtre assez givré pour tendre l'autre joue afin de mieux goûter à la douleur, le déporté dont on a essayé par tous les moyens de se débarrasser et qui continue envers et contre tout à exister, oui c'est le cri du cœur de celui qui a trop souffert, trop pleuré, qui a tout recommencé, tout perdu sauf son sens de la dérision et de l'humour.
Notre Marseille, notre God Save the Queen, notre Star and Stripes à nous !
Allons enfants de la Goyerie.
Le Goy n'est pas l'ennemi du Juif, tout au contraire, il est celui qui donne toute sa saveur à la condition de Juif. Il est celui par qui on glorifie notre propre génie, celui qui magnifie notre superbe étrangeté, celui à qui peut-être on meurt de ressembler sans jamais oser se l'avouer, qu'on jalouse en secret dans le tourment de notre existence jamais apaisée.
C'est en fait un Juif imparfait ce qui évidemment n'existe pas !
Je vous partage juste cet article, bien qu’il date de 2017, l’actualité ne meurt jamais