Parmi les numéros sélectionnés comme cibles, nous avons pu comptabiliser plus de 180 journalistes. Et si l’on devait établir un classement des pays les plus actifs avec Pegasus, le Mexique serait sans doute dans le peloton de tête. Là-bas, ce sont près de 15 000 numéros de téléphone qui ont été sélectionnés comme autant de cibles potentielles pour une attaque du logiciel espion. Parmi eux, celui de Cecilio Pineda, un journaliste assassiné en mars 2017, quelques semaines après que son numéro soit apparu dans le listing. Figurent aussi une vingtaine de membres des principaux médias de la capitale Mexico (dont El Tiempo, El Mundo et la télévision nationale), ainsi que des journalistes de publications locales, un chroaimeur de Bloomberg, et un producteur de CNN.
En Inde, ce sont 30 journalistes, dont cinq d’investigation, dix chargés de l’information internationale, et huit spécialistes politiques, qui ont été sélectionnés parmi les cibles du logiciel espion. Y-a-t-il un lien de cause à effet ? Certains d’entre eux avaient enquêté sur le contrat controversé des 36 avions Rafale vendus en 2016 par la France au gouvernement indien. Ils étaient poursuivis par des grands groupes industriels proches du Premier ministre indien, Narendra Modi, dont Reliance Industrie, le partenaire de Dassault soupçonné d’être impliqué dans une affaire de corruption dans le cadre de la vente des Rafale.
Nos investigations nous ont aussi conduits en Arabie saoudite. Le journal israélien Haaretz avait déjà révélé que le royaume avait acheté le logiciel Pegasus en 2017, juste avant que Mohamed Ben Salman n’entame une purge parmi près de 500 de ses opposants. Mais nos investigations démontrent qu’une partie de l’entourage et de la famille du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné au consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre 2018, a été sélectionné sur la liste des cibles potentielles après le meurtre, dont sa fiancée, son avocat, l’un de ses enfants, et même le procureur en charge de l’enquête à Istanbul. Figurent aussi sur la liste des journalistes de la chaîne qatarie Al Jazeera.
En Hongrie, pays membre de l’Union européenne, même constat. Les numéros de dix avocats ont été rentrés dans le système Pegasus, ainsi que ceux de nombreuses personnalités, dont Zoltan Varga, le patron d’un grand groupe de médias indépendant, et deux journalistes de Direkt36, un site d’investigation indépendant de Budapest.