KhalidFouhami_
2021-07-07 11:46:11
L’obligation vaccinale, un virus très peu suisse
En Suisse, le personnel de soins qui refuse de se faire vacciner fait réagir jusqu’au ministre de la santé, Alain Berset. Peu de voix soutiennent l’idée d’une contrainte dans l’urgence, mais certains demandent une plus grande transparence de l’état épidémiologique des soignants
Alain Berset s’est fâché ce week-end contre le personnel des EMS qui ne veut pas se faire vacciner et met ainsi en danger les personnes âgées. Pour le conseiller fédéral socialiste, cela ne devrait pas être autorisé. «Tout ne s’est pas bien passé ces derniers mois dans les foyers pour personnes âgées, ajoute le conseiller fédéral», dans une interview à la NZZ. Le ministre appelle les exploitants des EMS à prendre des mesures. Si les employés ne veulent pas être vaccinés, ils doivent au moins subir un test de dépistage une fois par semaine, estime-t-il. «Toute autre attitude serait irresponsable», fustige Alain Berset. La Confédération va discuter de ce problème avec les directions des EMS, ainsi qu’avec les cantons qui ont la main pour décider d’une éventuelle obligation.
Le conseiller national PLR Philippe Nantermod, membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique, s’étonne en effet que les cantons ne soient pas plus actifs en la matière. «Ce sont eux qui sont compétents: ils doivent envisager de rendre obligatoire la vaccination dans les lieux où l’on n’arrive pas à atteindre un taux d’immunité suffisamment haut, que ce soit dans les hôpitaux ou les EMS. A ma connaissance, dans une crèche, on refuse bien un collaborateur qui ne se serait pas fait vacciner contre la rougeole ou la rubéole, ça fait partie des conditions de la profession. Si l’obligation de se faire vacciner contre le Covid-19 n’est pas respectée par un soignant, cela pourrait se solder par une suspension ou un licenciement», avance-t-il.
Brigitte Crottaz, médecin et conseillère nationale vaudoise, se dit «choquée» par les soignants qui refusent la vaccination, mais ne pense pas pour autant qu’il faille user de la contrainte. «En Suisse, aucun vaccin n’est obligatoire. Pas même celui contre l’hépatite B, alors que son virus peut pourtant être extrêmement dangereux. Telle est notre politique en matière de santé publique et c’est pourquoi il est difficile d’imposer le vaccin contre le Covid-19 à une partie de la population, notamment les soignants.»
Eloigner des patients les soignants non vaccinés
La socialiste relève le cas problématique de personnes sous traitements immunomodulateurs qui ne peuvent simplement pas se faire vacciner et devraient alors exposer leur état de santé à leur employeur. De plus, elle trouve qu’il y a suffisamment de voix qui s’élèvent en Suisse contre un Etat totalitaire et dictatorial, «évidemment, à tort», pour ne pas en rajouter. Brigitte Crottaz préconise au contraire une manière d’encourager le personnel soignant à se faire vacciner par l’éducation. «Voyez, en France, deux clusters ont été créés par des infirmiers et aides-soignants dans des EHPAD après qu’ils ont refusé l’injection. Usons de la prévention, en discutant de ce genre d’exemple. Ce que l’on peut aussi envisager serait l’éloignement du personnel réticent en les plaçant à des tâches administratives, loin des patients», avance-t-elle. «Mais je trouve difficile de forcer des gens alors que le variant Delta atteint tout de même des personnes vaccinées.»
https://www.letemps.ch/suisse/lobligation-vaccinale-un-virus-tres-suisse