LeChypre
2021-07-04 00:13:20
Ces très jeunes filles m'ont néanmoins comblé; elles auront été mes plus sûres amoureuses ; nous n'avons, elles et moi, rien espéré d'autre que le bonheur d'être ensemble, quelques heures par semaine, dans l'invention perpétuelle du regard, de la voix, de quelques gestes avec une fantaisie et une ingénuité qu'elles perdront bientôt.
Elles auront cherché dans ce qui leur restait d'enfance leur plus vive féminité : moments soudains et rares d'une proximité qui nous bouleversa et qui est moins le fruit de la stratégie amoureuse que de l'abandon certes souvent théâtral (les aurais-je aimées de la sorte si je n'eusse séduit la classe tout entière ?), mais sans souci de rétribution. Leur histoire, la plupart du temps banale, m'intéresse peu, et elles n'existent guère hors du collège.
D'elles, dont la nymphescence s'éteint après seize ans, j'ai aimé avant
tout l'extraordinaire pudeur; et le don singulier d'elles-mêmes n'a rien du pathos de l'étreinte, ni des illusoires éternités de la passion.