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Pouvons-nous envisager un avenir au-delà de l'IA et de l'internet ?
J'ai même eu la témérité de donner une conférence à Google Brain research dans la ville voisine de Mountain View - à une heure de chez moi - sur le thème "Today we Google, Tomorrow we ...". J'ai demandé à l'auditoire de remplir les points. Pas de surprise, la plupart des gens ont dit "Google". C'est une mauvaise réponse. Il viendra un temps où nous considérerons la recherche sur le web comme un artefact pittoresque, tout comme les jeunes roulent des yeux quand je dis que ma première exposition à l'informatique a été d'utiliser des cartes perforées pour programmer un ordinateur dans FORTRAN.
Alors, qu'est-ce qui pourrait rendre la recherche sur le web obsolète ? Qu'est-ce qui se trouve au-delà de l'IA ? Commençons par comprendre les limites fondamentales de l'IA et des moteurs de recherche sur le web.
J'ai un million de questions que je pourrais poser à un enfant de trois ans qui seraient tout simplement incompréhensibles pour n'importe quel système d'IA ou moteur de recherche. En voici quelques-unes :
si les gens avaient des ailes, un mur séparant un pays d'un autre (par exemple, le Mexique des États-Unis) serait-il utile ?
si nous avions des yeux derrière la tête, comme des mouches, les voitures auraient-elles besoin de rétroviseurs ?
Si les Californiens décidaient de construire leurs maisons avec de la glace, comme les Esquimaux, est-ce que cela fonctionnerait ?
Notez que toutes ces questions sont des questions d'imagination "et si ? N'importe quel enfant de trois ans pourrait répondre à des dizaines de questions. Aucun moteur de recherche, ni même aucun système d'intelligence artificielle de quel qu'il soit, ne répondrait correctement à la plupart d'entre elles. Fondamentalement, les moteurs de recherche sont stupides. Ils font des recherches massives dans une base de données indexée.
Les systèmes d'intelligence artificielle et les moteurs de recherche peuvent généralement répondre à des questions qui résument statistiquement l'état du monde actuel (par exemple, combien de temps me faudrait-il pour aller de chez moi au campus principal de Google à Mountain View ?)
Ils n'ont pratiquement aucune capacité d'imagination, de réponse aux questions "et si" ou de raisonnement de bon sens. J'étudie l'IA depuis 40 ans. Le problème du raisonnement de bon sens est discuté depuis les années 1970, et nous ne sommes pas plus près d'une solution aujourd'hui qu'il y a 50 ans.
Alors, où cela nous mène-t-il ? Certains pensent que la mise en place d'un réseau d'apprentissage approfondi de dix quadrillons de stockage et de 500 000 couches résoudra à la fois le problème de l'IA et celui du bon sens. C'est une question empirique, évidemment. Je leur souhaite toute la chance du monde. Je ne partage pas leur optimisme. Mais qui sait, peut-être que cela pourrait fonctionner. En attendant, réfléchissons à une approche fondamentalement nouvelle.
Une start-up au Royaume-Uni appelée Improbable a, je pense, le début de la bonne réponse. En bref, ils veulent construire "The Matrix".
Imaginez un instant que nous puissions construire ne serait-ce qu'une infime partie de la Matrice, peut-être pour la région de la baie de San Francisco. Nous pourrions poser à notre matrice toutes les questions auxquelles nous voulons répondre, même les questions "et si...". Le magazine WIRED a écrit un bel article sur Improbable qui vaut la peine d'être lue. Il vous explique succinctement les limites de la science des données et de l'apprentissage machine, pourquoi le fait de se concentrer uniquement sur les données historiques ne peut résoudre à lui seul ni le problème du bon sens ni celui de l'imagination.
Si nous vivons dans une simulation, cette startup britannique l'a probablement construite
Cela pourrait-il même fonctionner en principe ? Quel est le plan d'affaires d'Improbable ? Ils ont commencé en tant que société de jeux, en lançant un logiciel de base appelé Spatial OS qui permet aux concepteurs de simuler des systèmes d'interaction massivement complexes avec des millions de composants. Si vous voulez simuler la région de la baie, vous devrez trouver un moyen de modéliser l'interaction de centaines de milliers de voitures, de personnes, de chats, etc.
Google n'ignore pas les possibilités qui se présentent ici. En fait, il fait équipe avec Improbable pour simuler le monde en utilisant la RA (réalité augmentée).
Google s'associe à Improbable pour recréer le monde réel en RV.
Jouons un peu avec ce scénario. Supposons que nous ayons un casque de type Oculus que nous pouvons porter et que vous soyez transporté dans La Matrice, ou une partie de celle-ci - supposons que vous soyez simplement épuisé de rester chez vous pendant la pandémie de Covid et que vous vouliez visiter votre destination de voyage préférée, peut-être l'île des Galapagos.
Pas de problème, La Matrice "vous y emmène". Vous pouvez voir comment cette possibilité fera passer notre recherche textuelle actuelle sur le web pour un anachronisme primitif, comme les cartes perforées pour la programmation des ordinateurs. La conversation suivante avec le fondateur d'Improbable, Herman Nerula, vaut la peine d'être lue. Il a déclaré qu'aujourd'hui, l'IA reçoit toute la publicité, mais que demain, la construction de "The Matrix" pourrait supplanter cela en un objectif encore plus grand.
Comment SpatialOS d'Improbable utilisera le Cloud de Google pour démocratiser le développement des MMO
Mais comment cela va-t-il résoudre le problème de l'IA ? Comment le raisonnement de bon sens et le reste émergent-ils de La Matrice. Pour avoir un aperçu de la réponse, je voudrais me tourner vers les idées de Rodney Brooks, un roboticien pionnier qui enseignait au MIT. Brooks a popularisé une vision de l'IA qui a été oubliée et qui mérite d'être réintroduite dans l'IA moderne des jeunes passionnés. Même avant Brooks, Herbert Simon, l'un des fondateurs de l'IA et prix Nobel d'économie, a déclaré dans son livre pionnier "Sciences of the Artificial" qu'une fourmi errant sur une plage semble incroyablement compliquée dans son comportement, mais qu'une grande partie de cette complexité est due à l'environnement, et que la fourmi suit en fait un programme de machine à états finis très simple. Brooks a implanté cette vision de Simon dans ses étonnants robots, dont l'un a été baptisé "Herbert" en l'honneur de Simon. Herbert a un cerveau unique qui n'a pas de représentation centrale. Au lieu de cela, il avait des centaines de comportements simples qui produisaient en synergie ce qui ressemblait à un comportement orienté vers un but. Il n'avait pas de cartes, mais il pouvait se promener dans le MIT AI en ramassant des canettes de soda.
En bref, Brooks a soutenu dans sa célèbre conférence intitulée "Intelligence without Representation", qui a été récompensée par le prix Computers and Thought, que le secret de l'intelligence des animaux n'est pas qu'ils font des calculs complexes dans leur tête, mais qu'ils se fient au monde comme sa propre représentation. Une façon simple d'y réfléchir est d'envisager de faire ses courses. Vous pouvez planifier ce que vous allez acheter et faire une liste. Ou bien vous promener dans les allées et ramasser les articles au fur et à mesure que vous les voyez, ce qui déclenche votre cerveau (c'est vrai, je dois faire des réserves de lait !).
Ainsi, La Matrice est une simulation du monde en ultra haute définition qui rend possible une approche différente de l'IA, où l'intelligence émerge de l'interaction synergique d'entités simples intégrées dans des environnements complexes. Nous posons des questions à "The Matrix" en simulant simplement des questions de type "et si", comme construire un igloo à Mountain View et observer ce qui se passe dans la chaleur de l'été californien.
Dans cette optique, nous considérons l'intelligence, non pas comme une capacité innée chez une créature, mais comme un composite de l'interaction de la créature avec son environnement. Cela pourrait peut-être conduire à de nouvelles idées, sur le modèle de ce pour quoi Simon a reçu le prix Nobel d'économie, montrant que les entreprises ne suivent pas les maximes de la théorie de l'utilité espérée, mais utilisent plutôt des heuristiques simples qui produisent des solutions satisfaisantes. Ce point de vue est tellement vrai lorsque nous voyons la réponse de la société à la crise du Covid. Ces derniers mois vous ont-ils conforté dans l'idée que les humains sont des êtres rationnels qui prennent des mesures qui maximisent leur utilité attendue ? Herb n'aurait pas du tout été surpris par notre réponse à cette pandémie.
Sigmund Freud, le grand psychanalyste viennois, peu connu pour sa modestie, a déclaré que l'humanité avait fait trois grandes découvertes scientifiques au cours des 500 dernières années. Il les a énumérées comme suit.
La terre n'est pas le centre de l'univers, mais juste une toute petite tache dans un coin ennuyeux d'une des centaines de milliards de galaxies.
L'homme n'est pas unique, mais il descend des singes et d'autres animaux.
L'homme n'est pas rationnel, mais il est guidé par ses instincts et ses désirs, comme tout autre animal.
Freud s'est bien sûr attribué le mérite de cette dernière découverte. Le point de Freud et le raisonnement de Simon et Brooks vont tous dans la même direction. L'objectif de l'IA ne devrait pas être de produire un quelconque super raisonneur humain rationnel mythique, mais de comprendre que, comme les autres animaux, notre "intelligence" doit beaucoup à la complexité du monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes davantage guidés par nos pulsions, nos peurs et notre imagination que ce que la science moderne des données statistiques voudrait vous faire croire. La matrice peut nous conduire à une technologie plus réalisable à long terme, aussi improbable (sans jeu de mots !) qu'elle puisse paraître à court terme.
Restez en sécurité et en bonne santé ! Rendez-vous dans La Matrice !