Paris : les toxicomanes d’Eole vont partir... mais où ?
Dans une dizaine de jours, les consommateurs de crack accueillis dans les jardins d’Eole (XVIIIe et XIXe), devront libérer les lieux, comme s’y est engagée, ce jeudi encore, Anne Hidalgo. Pour quelle destination ? Deux lieux, des friches du XVIIIe et du XIIe sont évoqués avec insistance. La Ville ne confirme pas.
Le décompte a commencé. Dans 13 jours, le 30 juin prochain, comme s’y est engagée la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, les jardins d’Eole (XVIIIe et XIXe) seront libérés des consommateurs de crack. Depuis le mois de mai, afin de soulager le quartier Stalingrad (XIXe) miné par la toxicomanie, des centaines d’addicts à la « drogue du pauvre » sont autorisées à se rassembler jusqu’à 1 heure du matin dans cet immense parc. Désormais déserté par les riverains, qui manifestent chaque mercredi leur colère, exigeant que l’espace vert, poumon du quartier, leur soit rendu.
Il faut donc sortir rapidement de l’impasse. Mais par quels moyens ? Le temps imparti pour libérer Eole ne permet pas d’ouvrir une nouvelle salle de consommation… Et ne pas respecter l’engagement pris est inenvisageable.
Panique dans le XIIe et XVIIIe
Depuis quelques semaines, deux sites sont régulièrement évoqués, sans que les élus ne confirment regarder dans leur direction. Pas plus qu’ils ne l’infirment : les friches Ordener-poissonnier (XVIIIe) et Bercy-Charenton (XIIe). Faute d’obtenir des réponses, et devant l’émotion des riverains, les élus (LR) des deux arrondissements, Rudolph Granier et Valérie Montandon poseront la question lors du prochain conseil.
« Lors des réunions censées rassurer les Parisiens concernant les nombreux troubles à l’ordre public dans le quartier de Stalingrad, la maire de Paris a annoncé sa volonté de créer de nouvelles salles de consommation à moindre risque, communément appelée salles de shoot. Le site de la ZAC de Bercy-Charenton serait évoqué comme lieu d’accueil », souligne Valérie Montandon dans le texte de sa question orale, qui sera présentée le 23 juin en séance de conseil d’arrondissement. Et de poursuivre : « Les élus du Groupe Changer Paris du XIIe arrondissement sont opposés à un tel projet, et rejoignent en ce sens l’avis défavorable du préfet de Police de Paris sur le déploiement de nouvelles salles de shoot à Paris, encore récemment réitéré lors de la dernière séance du Conseil de Paris. Pour rappel, à la suite de l’appel à projets Reconquête urbaine du site Bercy-Charenton, la Ville vient d’attribuer un bail de plus de deux ans à plusieurs associations pour des activités dédiées à la fête, la culture et la solidarité. Pourriez-vous confirmer que ce quartier n’est pas un site envisagé ? »
« L’opposition nous a répondu que le projet était très avancé, s’agace Stéphane Zetoun, de l’association Bercy bien. Il y a des crèches, des enfants, Bercy Village à proximité… Les gens sont en panique à l’idée de cohabiter avec des toxicomanes. De plus, la maire, Emmanuelle Pierre-Marie (EELV) reste muette lorsque nous posons la question. Comment ce projet pourrait voir le jour sans la moindre concertation ? Nous allons nous organiser pour empêcher cela… »
Même inquiétude dans le XVIIIe : « En pleine zone urbaine et au pied des habitations ! s’exclame un riverain de la rue Ordener. On ne veut pas d’un nouveau Stalingrad… »
La Ville ne veut pas préciser les lieux d’accueil
Ce jeudi matin, à la mairie du XIXe arrondissement, se tenait la seconde réunion rassemblant, autour de la table, les partenaires de la « crise du crack ». Anne Hidalgo, son premier adjoint Emmanuel Grégoire et son adjoint à la sécurité Nicolas Nordman, entourés des maires (PS) d’arrondissements des Xe, XVIIIe, XIXe et XXe, Alexandra Cordebard, Eric Lejoindre, François Dagnaud et Eric Pliez. Avec riverains, associatifs et acteurs de la réduction des risques. Anne Hidalgo y a réitéré son intention de reconquérir, dans les délais annoncés, les jardins d’Eole. Sans préciser où seraient accueillis les toxicomanes.
« Un cahier des charges très clair a été établi, assure François Dagnaud, sans citer de lieu. L’endroit devra être facilement accessible aux consommateurs qui souhaitent s’y rendre, suffisamment vaste pour qu’y soit installé un dispositif médico-social, et, condition sine qua non : pas au milieu d’un quartier habité. L’Etat dispose de foncier, à Paris, et la Ville participe pleinement au dialogue, au plus haut niveau, avec le Premier ministre Jean Castex, les ministres de la Santé et de l’Intérieur, Olivier Véran et Gérald Darmanin. Le travail se fait. Dans l’écoute des riverains qui retrouveront bientôt ce parc acquis de haute lutte voici quelques années ».
« La troisième réunion, la semaine prochaine devrait permettre d’en savoir plus sur la stratégie que compte mettre en œuvre la Ville », espère Loïc Guézo, le président de l’association Demain La Chapelle, invité à la concertation ce jeudi matin. « Mais aussi que soient levées les ambiguïtés. Quel dispositif sera mis en place ? Comment est-il prévu de gérer les dealers, qui ne manqueront pas d’affluer ? Est-ce une étape supplémentaire, qui mènera vers un dispositif plus pérenne ? », questionne Loïc Guézo.