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2021-05-13 14:19:55
« Victime on te croit, agresseur on te voit », « Professeur en grève, révolte des élèves », « La honte ». Voici les paroles que scande la centaine d’élèves du collège Dorgelès qui bloque en ce mercredi matin les accès à cet établissement du XVIIIe arrondissement de Paris, alors qu’il est à peine plus de 7h30.
Assis sur le parvis, pancartes à la main, les collégiens dénoncent l’« omerta » qui serait la règle, selon eux, au sein du collège depuis maintenant dix ans. Ils protestent contre la grève organisée ce lundi par les enseignants afin de soutenir l’un de leurs collègues. Un professeur de sport qui fait l’objet depuis janvier d’une suspension à titre conservatoire après l’ouverture d’une enquête pour agression sexuelle.
Les élèves se disent scandalisés par ce mouvement du personnel enseignant. Car pour eux, le comportement « inapproprié » de ce professeur de sport aurait commencé dès son arrivée au sein du collège, en 2011. « Cela fait des années qu’il humilie les garçons, qu’il se permet des gestes déplacés envers les filles. Tout le monde le sait et personne n’agit », accuse une ancienne élève.
Récits d’intrusion dans les vestiaires et les douches
Parmi les faits imputés : intrusion dans les vestiaires et dans les douches des filles, agressions sexuelles lors des échauffements, méthodes éducatives extrêmes — certains élèves affirment avoir été poussés jusqu’au vomissement lors des entraînements —, abus de pouvoir.
« Cela fait dix ans que, lorsque les victimes parlent, elles se font menacer d’exclusion voire d’attaque pour diffamation. Dix ans que l’administration met la pression aux élèves pour qu’ils reviennent sur leur témoignage et que rien ne sorte des murs. Et dix ans qu’il peut continuer à harceler nos enfants », affirme une mère d’élève.
Deux enquêtes ouvertes après des plaintes
Selon nos informations, une enquête pour harcèlement moral a été ouverte et confiée au commissariat du XVIIIe arrondissement à la suite d’un dépôt de plainte effectué le 13 septembre 2019 par un élève mettant en cause cet enseignant ainsi qu’une professeure de français. A ce jour, les investigations se poursuivent.
Selon le parquet de Paris, un signalement en décembre 2020 sur la plate-forme 119, dédiée à l’enfance en danger, a donné suite à l’ouverture d’une enquête pour agression sexuelle sur mineur, visant ce professeur de sport, confiée à la brigade de protection des mineurs (BPM).
Des accusations prises «très au sérieux» par le rectorat
Selon le récit de la victime déclarée, aujourd’hui scolarisée en 4e, les faits auraient commencé il y a trois ans. « Pendant les cours, il me mettait la main sur les seins, les fesses, les hanches… Des trucs répétitifs. Un jour, il est entré dans le vestiaire et a mis sa main dans mon pantalon. Il m’a dit : Ah ! Tu as mis un string ! », affirme Nadia (le prénom a été changé) auprès du Parisien.
« J’ai réalisé quand j’étais en 5e que ce qu’il me faisait n’était pas normal. Je lui ai dit non, mais il a continué. C’en était trop, je n’en dormais plus la nuit », ajoute l’adolescente, en larmes, qui a fini par quitter le collège. L’ouverture de cette seconde enquête a entraîné la suspension à titre conservatoire de l’enseignant.
Ces accusations sont prises « très au sérieux » par le rectorat. « Pour l’instant, nous ne pouvons pas enquêter puisque nous devons attendre le rendu pénal, mais il n’est pas question que l’on étouffe l’affaire. Nous étudierons les dysfonctionnements en temps voulu, une fois que la justice aura terminé son travail », assure Marc Teulier, directeur académique de la Ville de Paris. La directrice de l’établissement, quant à elle, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
En attendant la fin de l’enquête, les élèves se disent « déterminés à combattre cette humiliation qui dure depuis des années et qui est incarnée à présent par certains membres du corps professoral qui défendent leur collègue et le transforment en victime ».