Artu1000
2021-05-03 17:46:17
Le Président fonce désespérément au Restaurant du Sénat, connu comme “la cantine” dans le milieu. Bâtiment Haussmannien jouxtant le Luxembourg et richement décoré de lustres, de dorures et de peintures en tout genre, la pièce principale se compose de papier peint et de rideaux couleur grenat. Le bâtiment est à la hauteur de la démesure accordée aux parlementaires de la Cinquième, tels seraient les propos d’un contribuable moyen, adepte de populisme de bas étages et de critiques faciles.
Son ventre crie famine, rugissant de douleur, et, malgré les six croissants, trois cafés, trois tartines de beurre et de confiture aux coings, quatre pommes, et cinq biscuits palmiers de son maigre festin matinal en période de régime, le bourdonnement stomacal n’a cessé de distraire les élus durant les deux interminables heures précédant ce traditionnel déjeuner Républicain.
Le Plus Grand Des Sénateurs s’assoit rapidement à une frêle chaise d’une grande table prévue pour six personnes au total, mais dont sa seule présence ne la réduit qu’à quatre. La table est complète les cinq minutes suivantes.
Un jeune serveur fait irruption, les sénateurs commandent, il s’exécute. Vient le moment des désirs du Président. Le serveur, habitué et connaissant le bestiau jusque dans ses moindres recoins, se munit d’un carnet entièrement vierge.
Il commande trois Bordeaux, deux douzaines d’amuse-bouches au foie gras et à la confiture de figues, trois côtes de bœuf aux épinards à la sauce béchamel, une cinquantaine d’huîtres de Marennes et enfin six crèmes brûlées. Pas plus. Le Président se doit de rester modeste en tant qu’élu républicain.
Les dix minutes suivant l’intense collecte de données, deux mondes naissent. Le premier, celui des rugissements incessants de l’estomac des plus absolutistes, rompant le silence de mort régnant dans la salle. Le sénateur d’à côté voit des gouttes de sueur trahir sa sérénité apparente. Le second est celui des cuisines, dont le chef expérimenté voit douter chaque midi de ses compétences, dissimulant son manque de confiance à satisfaire le Président en hurlant maladroitement sur les pauvres novices, tétanisés.
Après cet interminable lustre d’attente et quelques démissions, le convoi arrive. Le Président défigure les serveurs tel un U-Boot en chasse au milieu de l’Atlantique, torpillant du regard son déjeuner républicain, devenu royal.
Aussitôt la pitance installée sur la nappe, c’est le déchaînement. Les huîtres disparaissent aussi vite que la virginité d’une enfant en Arabie mahométane, les amuse-bouches fondent comme neige au four et les malheureuses côtes de bœuf font courte vie ; l’ogre du Luxembourg garde jalousement son moyen de survie tel un lion dévorant une gazelle.
La chaise, chauffée à blanc par les relâchements sphinctériens réguliers tels un métronome, de ce fessier farouchement républicain, menace de s’effondrer.
Le carnage terminé, le Président, satisfait comme un roi, pousse la table avec énergie, emportant les pauvres sénateurs chétifs avec.
Le plaisir n’est que de courte durée car les faiblesses sphinctériennes cessent. Un silence inquiétant prend d’assaut la pièce. Un élu conservateur, prenant conscience de la situation, émet une prière furtive.
Un torrent de merde jaillit soudainement du fessier républicain d’une puissance semblable à une éruption du Krakatoa, bien que bref, la chaise est vaporisée tout comme le parquet et le sol qui laissent entrevoir le sous-sol. Les fondations du bâtiment n’ont pas été prévues pour un tel déchaînement de la nature et la merde en fusion détruit maintenant tout sur son passage, n’épargnant pas les fondations en béton armé, faisant passer le corium de Tchernobyl pour une simple fuite.
La chute du Président jusqu’au sol ne fait qu’achever le sort du bâtiment déjà mis à rude épreuve. Vacillant, le poids du bâtiment fait exploser les vitres collectivement, les canalisations rompent, les installations électriques sautent. Des milliers de fissures envahissent les murs, laissant présager le pire.
La panique et les cris d’horreur assaillent brusquement les sénateurs, devenus bêtes primitives, ne cherchant qu’à s’extirper du bâtiment menaçant de devenir tombeau. Les fumées toxiques provenant du sous-sol foudroient les plus fragiles, le personnel employé déserte leurs postes, et les moins chanceux sont piétinés, écrasés sous la foule en détresse fonçant vers les fenêtres explosées.
Le bâtiment s’effondre finalement quelques minutes par la suite, dont les grondements agonisants effraient la ville lumière.
De ce moment tragique de l’Histoire de la République Française, naissent les ruines fumantes de ce bâtiment, tombeau Du Plus Grand Des Sénateur, prisonnier entre poutres, charpentes, tuiles, pans de murs entiers et masse en fusion qu’a accouché le plus capricieux des estomacs.