Le centre de douane postal de Chilly-Mazarin, le plus grand de France, est sur le pied de guerre. Ce bureau où quelque 20.000 colis transitent chaque jour va être fortement touché par la révolution qui arrive en matière de TVA sur le commerce électronique transfrontalier. Le 1er juillet (l'échéance était d'abord fixée au 1er janvier) de nouvelles règles entreront en vigueur dans toute l'Union européenne, en application d'une directive de 2017. Les services de Bercy, les Douanes et les entreprises du secteur marchand se préparent à ce big bang.
« La finalité du nouveau cadre européen est de faire un pas de plus dans la direction d'un régime définitif de la TVA qui déplace la taxation vers le pays de destination des biens, ce qui permet une meilleure allocation des recettes et de lutter contre certains schémas d'optimisation », rappelle aux « Echos » Olivier Dussopt, le ministre délégué aux Comptes publics, qui effectue un déplacement au centre de Chilly-Mazarin ce jeudi. L'enjeu est de taille, compte tenu de la place de plus en plus importante occupée par l'e-commerce ( 13,4 % du commerce total en France).
Fraude à la TVA et dumping
Or ce boom de la vente en ligne s'accompagne d'une fraude fiscale de grande ampleur : en 2019, un rapport de l'Inspection générale des finances avait révélé que 98 % des vendeurs enregistrés sur les plateformes d'e-commerce (Amazon, Alibaba, Cdiscount…) n'étaient pas immatriculés à la TVA en France. Attac a calculé que cela représentait un manque à gagner de 4 à 5 milliards d'euros par an.
Les nouvelles règles de l'Union européenne visent à remédier à ce problème, en particulier sur les importations. Les recettes de TVA pourraient ainsi augmenter de 7 milliards d'euros par an pour l'ensemble des Etats membres.
Des acheteurs-revendeurs
Elles contribueront en même temps à lutter contre le dumping pratiqué à grande échelle grâce à Internet. « L'Europe subit la concurrence de vendeurs souvent situés en Chine et qui commercialisent ici des produits à prix cassé car ils ne sont pas immatriculés à la TVA et ne la facturent pas aux particuliers », explique Elvire Tardivon Lorizon, associée chez Grant Thornton Société d'Avocats. Des sites comme AliExpress (Groupe Alibaba) ou Wish sont notamment dans le viseur.
Quels seront les principaux changements ? Tout d'abord, à partir de juillet, les plateformes et places de marché deviendront responsables de la liquidation et de la perception de la TVA à la place des vendeurs. « Aujourd'hui, il y a une solidarité de paiement mais demain, ces acteurs seront directement redevables », souligne Olivier Dussopt. Ils ne seront plus considérés comme des « intermédiaires transparents », mais comme des acheteurs-revendeurs.
Fin de l'exonération sur les petits colis
L'exonération de TVA à l'importation dont bénéficiaient les envois d'une valeur inférieure à 22 euros sera par ailleurs supprimée. Les vendeurs devront donc appliquer et collecter la TVA pour le compte de l'Etat dès le premier euro. « Le système poussait certains vendeurs à fractionner les envois ou à faire des déclarations falsifiées », pointe le ministre. Résultat : le nombre de colis assujettis à la taxe devrait bondir, par rapport aux 3,9 millions taxés actuellement. Quant aux déclarations électronique en douane, on pourrait passer de 15 millions aujourd'hui à 450 millions, selon Bercy.
Ces bouleversements font craindre des embouteillages au niveau des douanes et des retards de livraison à compter de cet été. « La réorganisation de nos services en interne est l'un des éléments qui va nous permettre de gérer cette montée en charge. Le recouvrement d'une partie de la TVA est en train d'être transféré des Douanes vers la DGFIP, ce qui permettra aux douaniers de se concentrer sur le surplus de contrôles en matière de TVA à l'importation », explique Olivier Dussopt. « L 'intelligence artificielle va aussi beaucoup aider ».