Caca-_AKB48
2021-04-11 07:13:04
D’où vient que le temps de notre petite enfance nous apparait si doux, si rayonnant. » Un gosse a des peines comme
tout le monde, et il est, en somme, si désarmé contre la douleur,
la maladie ! L’enfance et l’extrême vieillesse devraient être les
deux grandes épreuves de l’homme. Mais c’est du sentiment de
sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe
même de sa joie. Il s’en rapporte à sa mère, comprends-tu ?
Présent, passé, avenir, toute sa vie, la vie entière tient dans un
regard, et ce regard est un sourire. Hé bien, mon garçon, si l’on
nous avait laissés faire, nous autres, l’Église eût donné aux
hommes cette espèce de sécurité souveraine. Retiens que chacun n’en aurait pas moins eu sa part d’embêtements. La faim, la
soif, la pauvreté, la jalousie, nous ne serons jamais assez forts
pour mettre le diable dans notre poche, tu penses ! Mais
l’homme se serait su le fils de Dieu, voilà le miracle ! Il aurait
vécu, il serait mort avec cette idée dans la caboche – et non pas
une idée apprise seulement dans les livres, – non. Parce qu’elle
eût inspiré, grâce à nous, les mœurs, les coutumes, les distractions, les plaisirs et jusqu’aux plus humbles nécessités. Ça
n’aurait pas empêché l’ouvrier de gratter la terre, le savant de
piocher sa table de logarithmes ou même l’ingénieur de construire ses joujoux pour grandes personnes. Seulement nous aurions aboli, nous aurions arraché du cœur d’Adam le sentiment
de sa solitude. Avec leur ribambelle de dieux, les païens
n’étaient pas si bêtes : ils avaient tout de même réussi à donner
au pauvre monde l’illusion d’une grossière entente avec
l’invisible. Mais le truc maintenant ne vaudrait plus un clou.
Hors l’Église, un peuple sera toujours un peuple de bâtards, un
peuple d’enfants trouvés. Évidemment, il leur reste encore
l’espoir de se faire reconnaître par Satan. Bernique ! Ils peuvent
l’attendre longtemps, leur petit Noël noir ! Ils peuvent les mettre dans la cheminée, leurs souliers ! Voilà déjà que le diable se
lasse d’y déposer des tas de mécaniques aussi vite démodées
qu’inventées, il n’y met plus maintenant qu’un minuscule paquet de cocaïne, d’héroïne, de morphine, une saleté de poudre
quelconque qui ne lui coûte pas cher. Pauvres types ! Ils auront
usé jusqu’au péché. Ne s’amuse pas qui veut. La moindre poupée de quatre sous fait les délices d’un gosse toute une saison,
tandis qu’un vieux bonhomme bâillera devant un jouet de cinq
cents francs. Pourquoi ? Parce qu’il a perdu l’esprit d’enfance.
Hé bien, l’Église a été chargée par le bon Dieu de maintenir
dans le monde cet esprit d’enfance, cette ingénuité, cette fraîcheur. Le paganisme n’était pas l’ennemi de la nature, mais le
christianisme seul l’agrandit, l’exalte, la met à la mesure de
l’homme, du rêve de l’homme. Je voudrais tenir un de ces savantasses qui me traitent d’obscurantiste, je lui dirais : « Ce
n’est pas ma faute si je porte un costume de croque-mort. Après
tout, le Pape s’habille bien en blanc, et les cardinaux en rouge.
J’aurais le droit de me promener vêtu comme la Reine de Saba,
parce que j’apporte la joie. Je vous la donnerais pour rien si
vous me la demandiez. L’Église dispose de la joie, de toute la
part de joie réservée à ce triste monde. Ce que vous avez fait
contre elle, vous l’avez fait contre la joie. Est-ce que je vous empêche, moi, de calculer la précession des équinoxes ou de désintégrer les atomes ? Mais que vous servirait de fabriquer la vie
même si vous avez perdu le sens de la vie ? Vous n’auriez plus
qu’à vous faire sauter la cervelle devant vos cornues. Fabriquez
de la vie tant que vous voudrez ! L’image que vous donnez de la
mort empoisonne peu à peu la pensée des misérables, elle assombrit, elle décolore lentement leurs dernières joies. Ça ira
encore tant que votre industrie et vos capitaux vous permettront
de faire du monde une foire, avec des mécaniques qui tournent
à des vitesses vertigineuses, dans le fracas des cuivres et
l’explosion des feux d’artifice. Mais attendez, attendez le premier quart d’heure de silence. Alors, ils l’entendront, la parole –
non pas celle qu’ils ont refusée, qui disait tranquillement : « Je
suis la Voie, la Vérité, la Vie » – mais celle qui monte de
l’abîme : « Je suis la porte à jamais close, la route sans issue, le
mensonge et la perdition. »