Ce passage de Maupassant sur le suicide

Android-Shuffle
2021-03-24 16:13:40

Je me suis récemment mis à lire Maupassant, dans l'optique d'enrichir ma culture littéraire (suivront d'autres auteurs réalistes).

Je suis triste d'être passé aussi longtemps à coté de ce génie. Il a le don pour dépeindre les angoisses et peurs et je le rejoins totalement sur le pessimisme qu'il éprouve à propos de la Vie.

Je voulais vous transmettre ce court passage sur le suicide que je trouve formidable tellement j'ai l'impression que nous sommes tous ici, proches de son récit... Personnellement, j'aurais pu l'écrire (en moins beau, évidemment :noel: ).

Le voici :

Il est minuit. Quand j’aurai fini cette lettre, je me tuerai. Pourquoi ? Je vais tâcher de le dire, non pour ceux qui liront ces lignes, mais pour moi-même, pour renforcer mon courage défaillant, me bien pénétrer de la nécessité maintenant fatale de cet acte qui ne pourrait être que différé.
J’ai été élevé par des parents simples qui croyaient à tout. Et j’ai cru comme eux.
Mon rêve dura longtemps. Les derniers lambeaux viennent seulement de se déchirer.
Depuis quelques années déjà un phénomène se passe en moi. Tous les événements de l’existence qui, autrefois, resplendissaient à mes yeux comme des aurores, me semblent se décolorer. La signification des choses m’est apparue dans sa réalité brutale ; et la raison vraie de l’amour m’a dégoûté même des poétiques tendresses.
Nous sommes les jouets éternels d’illusions stupides et charmantes toujours renouvelées.
Alors, vieillissant, j’avais pris mon parti de l’horrible misère des choses, de l’inutilité des efforts, de la vanité des attentes, quand une lumière nouvelle sur le néant de tout m’est apparue, ce soir, après dîner.
Autrefois, j’étais joyeux ! Tout me charmait : les femmes qui passent, l’aspect des rues, les lieux que j’habite ; et je m’intéressais même à la forme de mes vêtements. Mais la répétition des mêmes visions a fini par m’emplir le cœur de lassitude et d’ennui, comme il arriverait pour un spectateur entrant chaque soir au même théâtre.
Tous les jours, à la même heure depuis trente ans, je me lève ; et, dans le même restaurant, depuis trente ans, je mange aux mêmes heures les mêmes plats apportés par des garçons différents.
J’ai tenté de voyager ? L’isolement qu’on éprouve en des lieux inconnus m’a fait peur. Je me suis senti tellement seul sur la terre, et si petit, que j’ai repris bien vite la route de chez moi.
Mais alors l’immuable physionomie de mes meubles, depuis trente ans à la même place, l’usure de mes fauteuils que j’avais connus neufs, l’odeur de mon appartement (car chaque logis prend, avec le temps, une odeur particulière), m’ont donné, chaque soir, la nausée des habitudes et la noire mélancolie de vivre ainsi.
Tout se répète sans cesse et lamentablement. La manière même dont je mets en rentrant la clef dans la serrure, la place où je trouve toujours mes allumettes, le premier coup d’œil jeté dans ma chambre quand le phosphore s’enflamme, me donnent envie de sauter par la fenêtre et d’en finir avec ces événements monotones auxquels nous n’échappons jamais.
J’éprouve chaque jour, en me rasant, un désir immodéré de me couper la gorge ; et ma figure, toujours la même, que je revois dans la petite glace avec du savon sur les joues, m’a plusieurs fois fait pleurer de tristesse.
Je ne puis même plus me retrouver auprès des gens que je rencontrais jadis avec plaisir, tant je les connais, tant je sais ce qu’ils vont me dire et ce que je vais répondre, tant j’ai vu le moule de leurs pensées immuables, le pli de leurs raisonnements. Chaque cerveau est comme un cirque, où tourne éternellement un pauvre cheval enfermé. Quels que soient nos efforts, nos détours, nos crochets, la limite est proche et arrondie d’une façon continue, sans saillies imprévues et sans porte sur l’inconnu. Il faut tourner, tourner toujours, par les mêmes idées, les mêmes joies, les mêmes plaisanteries, les mêmes habitudes, les mêmes croyances, les mêmes écœurements.

Si vous voulez lire cette courte nouvelle en entier, vous la trouverez (en compagnie d'autres) ici : http://maupassant.free.fr/textes/suicides.html

OeilObjectif5
2021-03-24 17:37:29

Je up ce sujet plutôt interessant.

FondueFromageCH
2021-03-24 17:39:10

Trop long je préfère me branler sur les topics de 10/10 :bave:

Noavatarus
2021-03-24 17:41:43

Texte encore plus d'actualité aujourd'hui

Le_Curieuxax
2021-03-24 17:44:38

C'est peut-être la solitude qui le rend suicidaire, à aucun moment il ne parle d'amitié ou de relations dans ce gros pavé

Rafalerey
2021-03-24 17:47:39

Ayaaa il decouvre la BOUCLE

BanMalchanceux2
2021-03-24 17:48:17

Il est mort comment d'ailleurs Maupassant ? Il s'est suicidé ? Et il avait pas de meuf ?

Elghostfag
2021-03-24 17:50:59

Le 24 mars 2021 à 16:13:40 Android-Shuffle a écrit :
Je me suis récemment mis à lire Maupassant, dans l'optique d'enrichir ma culture littéraire (suivront d'autres auteurs réalistes).

Je suis triste d'être passé aussi longtemps à coté de ce génie. Il a le don pour dépeindre les angoisses et peurs et je le rejoins totalement sur le pessimisme qu'il éprouve à propos de la Vie.

Je voulais vous transmettre ce court passage sur le suicide que je trouve formidable tellement j'ai l'impression que nous sommes tous ici, proches de son récit... Personnellement, j'aurais pu l'écrire (en moins beau, évidemment :noel: ).

Le voici :

Il est minuit. Quand j’aurai fini cette lettre, je me tuerai. Pourquoi ? Je vais tâcher de le dire, non pour ceux qui liront ces lignes, mais pour moi-même, pour renforcer mon courage défaillant, me bien pénétrer de la nécessité maintenant fatale de cet acte qui ne pourrait être que différé.
J’ai été élevé par des parents simples qui croyaient à tout. Et j’ai cru comme eux.
Mon rêve dura longtemps. Les derniers lambeaux viennent seulement de se déchirer.
Depuis quelques années déjà un phénomène se passe en moi. Tous les événements de l’existence qui, autrefois, resplendissaient à mes yeux comme des aurores, me semblent se décolorer. La signification des choses m’est apparue dans sa réalité brutale ; et la raison vraie de l’amour m’a dégoûté même des poétiques tendresses.
Nous sommes les jouets éternels d’illusions stupides et charmantes toujours renouvelées.
Alors, vieillissant, j’avais pris mon parti de l’horrible misère des choses, de l’inutilité des efforts, de la vanité des attentes, quand une lumière nouvelle sur le néant de tout m’est apparue, ce soir, après dîner.
Autrefois, j’étais joyeux ! Tout me charmait : les femmes qui passent, l’aspect des rues, les lieux que j’habite ; et je m’intéressais même à la forme de mes vêtements. Mais la répétition des mêmes visions a fini par m’emplir le cœur de lassitude et d’ennui, comme il arriverait pour un spectateur entrant chaque soir au même théâtre.
Tous les jours, à la même heure depuis trente ans, je me lève ; et, dans le même restaurant, depuis trente ans, je mange aux mêmes heures les mêmes plats apportés par des garçons différents.
J’ai tenté de voyager ? L’isolement qu’on éprouve en des lieux inconnus m’a fait peur. Je me suis senti tellement seul sur la terre, et si petit, que j’ai repris bien vite la route de chez moi.
Mais alors l’immuable physionomie de mes meubles, depuis trente ans à la même place, l’usure de mes fauteuils que j’avais connus neufs, l’odeur de mon appartement (car chaque logis prend, avec le temps, une odeur particulière), m’ont donné, chaque soir, la nausée des habitudes et la noire mélancolie de vivre ainsi.
Tout se répète sans cesse et lamentablement. La manière même dont je mets en rentrant la clef dans la serrure, la place où je trouve toujours mes allumettes, le premier coup d’œil jeté dans ma chambre quand le phosphore s’enflamme, me donnent envie de sauter par la fenêtre et d’en finir avec ces événements monotones auxquels nous n’échappons jamais.
J’éprouve chaque jour, en me rasant, un désir immodéré de me couper la gorge ; et ma figure, toujours la même, que je revois dans la petite glace avec du savon sur les joues, m’a plusieurs fois fait pleurer de tristesse.
Je ne puis même plus me retrouver auprès des gens que je rencontrais jadis avec plaisir, tant je les connais, tant je sais ce qu’ils vont me dire et ce que je vais répondre, tant j’ai vu le moule de leurs pensées immuables, le pli de leurs raisonnements. Chaque cerveau est comme un cirque, où tourne éternellement un pauvre cheval enfermé. Quels que soient nos efforts, nos détours, nos crochets, la limite est proche et arrondie d’une façon continue, sans saillies imprévues et sans porte sur l’inconnu. Il faut tourner, tourner toujours, par les mêmes idées, les mêmes joies, les mêmes plaisanteries, les mêmes habitudes, les mêmes croyances, les mêmes écœurements.

Si vous voulez lire cette courte nouvelle en entier, vous la trouverez (en compagnie d'autres) ici : http://maupassant.free.fr/textes/suicides.html

vous noterez qu'il comme il nous exhorte a savoir a l'avance l'ennui qui résulte inéluctablement des répétitions et du constat de l'herbe rendu aussi verte par la familiarité que par la peur de l'inconnu...

comme pour nous y préparer...ou nous donner une chance de nous en défaire...

notons que sa vision du suicide la manière dont il le présente correspond aux no life desco que nous sommees comme au quarentenaire père de famille suicidaire spontané

SeulementSeul2
2021-03-24 17:51:55

Ayaaa se suicider par ennui.
Fallait être Nietzschéen.

SEPTEMBER1999
2021-03-24 17:54:22

Maupassant :bave:

JambonBour6
2021-03-24 17:56:16

Le 24 mars 2021 à 17:48:17 BanMalchanceux2 a écrit :
Il est mort comment d'ailleurs Maupassant ? Il s'est suicidé ? Et il avait pas de meuf ?

Mort de sa débauche :o))

The_D4C
2021-03-24 17:57:13

Le 24 mars 2021 à 17:48:17 BanMalchanceux2 a écrit :
Il est mort comment d'ailleurs Maupassant ? Il s'est suicidé ? Et il avait pas de meuf ?

Paralysie générale, imputée très certainement à un état avancé de sa syphilis. Il avait déjà tenté de se suicider, puis s'est fait interner et est mort là-bas.

alkaloidesque
2021-03-24 17:57:57

J'aime bien quand Cioran parle de suicide perso

Android-Shuffle
2021-03-24 22:40:05

Je viens de finir le receuil du horla et autres contes de langoisse.

Demain jembauche a mon prier jiur de taff, j ai 2 heures de train et je vais donc mattaquer aux comtes de la bécasse.

Bisous les kheys, (j en profite pour up ce topic, je suis content que ca en ait fait reagir certains !)

DoomeurDePoche
2021-03-24 22:42:33

Maupassant qui est dans la bouclehttps://image.noelshack.com/fichiers/2020/08/6/1582385461-boucle-temporelle-jesus.jpg

SeulementSeul2
2021-03-24 23:16:18

Le 24 mars 2021 à 22:42:33 DoomeurDePoche a écrit :
Maupassant qui est dans la bouclehttps://image.noelshack.com/fichiers/2020/08/6/1582385461-boucle-temporelle-jesus.jpg

Isse c'est tellement ça en + :rire:

Bolagal02
2021-03-24 23:18:47

Gpalu + DDB suicide dans le doute. Je veux pas qu'il t'arrive malheur Maupassant !

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