C'est une affaire sordide et pour le moins déroutante qui va mobiliser la cour d'assises des Hauts-de-Seine à partir de mercredi et jusqu'à vendredi. L'histoire d'un père qui aura vécu dix-huit mois avec le cadavre de son fils dans son petit appartement de Neuilly-sur-Seine. Ce fils de 15 ans, Mohieddine D. est accusé de l'avoir tué à coups de couteau à la fin de l'année de 2015.
Quand la police l'a découvert, en juin 2017, le corps était dissimulé dans un tapis, recouvert de couvertures et tissus, dans un état de grande putréfaction, dans le couloir de l'appartement de Neuilly où père et fils vivaient tous les deux depuis le décès de la génitrice de l'adolescent.
Sans doute serait-il encore resté longtemps caché là si le père accusé du meurtre avait normalement payé son loyer. Car c'est bien à la faveur d'une procédure d'expulsion que le cadavre fut découvert.
Décomposition avancée, odeur insoutenable…
C'était le 6 juin 2017. Accompagné d'un huissier et d'un serrurier, un policier du commissariat de la ville se présente devant l'appartement. Il toque à la porte. Mohieddine n'ouvre pas et demande à ses visiteurs d'attendre. Le serrurier finit par ouvrir. Derrière la porte, l'occupant des lieux gît ensanglanté. Il vient de se poignarder et n'est pas loin de la mort.
L'odeur dans le deux-pièces en désordre est insoutenable. Le policier s'avance dans le couloir menant à la chambre. C'est là qu'il découvre le corps dans le tapis. Les cheveux bouclés de l'adolescent, allongé sur le ventre, sont encore visibles. La décomposition est très avancée.
Tandis que le père, dans un état grave, est hospitalisé, les enquêteurs de la police judiciaire tout juste saisis de l'affaire explorent le deux-pièces, découvrent ce petit mot : « Je m'en vais… avant d'être livré aux doggos » et cherchent à déterminer qui est vraiment celui dont on vient de trouver le cadavre.
Son père nie le meurtre et évoque une cause accidentelle
Au collège, personne n'avait vu l'adolescent depuis la rentrée de janvier 2016. Le père a fait savoir que son fils poursuivrait désormais ses études en Algérie. Les copains de l'adolescent étaient perplexes, le personnel de l'établissement a fait un signalement. Mais le départ au Maghreb n'était pas incohérent et Mohieddine semblait vivre « normalement », sortant son doggo, allant faire ses courses dans le quartier.
Sauvé après de lourds soins à l'hôpital, Mohieddine s'est expliqué : il n'a pas tué son fils, tombé tout seul sur un couteau alors qu'il sautait sur son lit un jour de décembre 2015, juste avant les congés scolaires. Selon sa version, père et fils se sont d'abord disputés parce que l'adolescent n'avait pas envie d'aller passer Noël en Algérie. Le petit aurait fait du chantage à son père, menaçant de se « faire du mal » et voilà comment il est malencontreusement tombé sur son couteau.
Au terme de l'instruction, la thèse accidentelle a paru peu crédible. Mais Mohieddine, âgé maintenant de 69 ans, l'a maintenue jusqu'au bout. Selon ses explications, la mort de son fils a provoqué un état de « sidération » dont il n'est jamais sorti. C'est pourquoi il n'a d'abord pas appelé les secours, puis laissé le corps se décomposer là, dans le couloir.