Répondez, répondez, ô Terre, ô Flots, ô Cieux !
Que n’ai-je, ô roi d’Athos, ton vol audacieux !
Que ne puis-je, ô Borée, à tes souffles terribles
Confier mon essor vers ces Dieux invisibles !
Oh ! sans doute, à leurs pieds, pâles Olympiens,
Vous rampez ! Faibles Dieux, vous n’êtes plus les miens
Comme toi, blond Phoibos, qu’honore Lykorée,
Je darde un trait aigu d’une main assurée :
Python eût succombé sous mes coups affermis !
J’ai devancé ta course, ô légère Artémis !
Comme vous immortel, ma force me protège ;
Les Dieux des bois souvent ont formé mon cortège ;
J’ai porté des lions dans mes bras étouffants,
Et mon père Kronos est votre aïeul, enfants !
Ô Zeus ! les noirs Géants ont balancé ta gloire...
C’est aux Dieux inconnus qu’appartient la victoire,
Et mon culte, trop fier pour tes autels troublés,
Veut monter vers ceux-ci, de la crainte isolés,
Qui n’ont point combattu, qui, baignés de lumière,
Dans le sein de la Force éternelle et première
Règnent calmes, heureux, immobiles, sans nom
Irrésistibles Dieux à qui nul n’a dit : Non !
Qui contiennent le monde en leurs seins impalpables
Et qui vous jugeront, hommes et Dieux coupables !
Hélas ! tel je songeais, Chanteur mélodieux !
J’osais délibérer sur le Destin des Dieux !
Ils m’ont puni. Bientôt les Kères indignées
Trancheront le tissu de mes longues années ;
La flèche d’Hèraklès finira mes remords ;
J’irai mêler mon ombre au vain peuple des morts.
Et l’antique Chasseur des forêts centenaires
Poursuivra dans l’Hadès les cerfs imaginaires !Un certain nombre de phrases aussi, dans le clash Ulysse vs le cyclope Polyphème, notamment celles mises en gras :
Lorsque du large encor peut s’entendre ma voix,
Je darde au vil pasteur cette railleuse insulte :
« Cyclope tu n’as point, dans ta demeure occulte,
Mangé violemment les amis d’un pantois.
Le châtiment devait t’atteindre, misérable
Qui de tes suppliants t’es fait le dévoreur.
C’est pourquoi Jupiter, tout l’Olympe, t’accable. »
L’apostrophe ironique augmente sa fureur.
D’une haute montagne il arrache la crête
Et la lance en avant du bleuâtre vaisseau ;
Peu s’en faut qu’à la proue elle n’ôte un morceau.
La mer bouillonne au choc de la masse concrète ;
Le flot en refluant remporte notre nef
Vers la côte inondée, au rivage l’affale.
Prenant à pleines mains une pique navale,
Du bord je la repousse et somme, d’un ton bref,
Mes robustes nageurs d’accélérer leurs rames,
Afin de réchapper ; ils redoublent d’élans.
Quand nous sommes deux fois aussi loin sur les lames,
Je veux recommencer mes adieux virulents.
Tous m’adjurent en chœur de garder le silence :
« Téméraire, pourquoi courroucer ce cruel ?
Déjà, nous ramenant aux profondeurs de l’anse,
Son roc nous menaça d’un trépas mutuel.
S’il entend de nouveau des cris, une parole,
Il brisera nos fronts, notre mince plancher,
Sous d’autres blocs précis, telle est leur parabole. »
Ces prudentes raisons ne sauraient me toucher,
Et je recrie au monstre en ma rage frondeuse :
« Cyclope, si quelqu’un de ce monde animé
Te demande d’où vient ta cécité hideuse,
Dis-lui que t’aveugla l’assiégeur consommé,
Ulysse, roi d’Ithaque, engendré par Laërte. »
Le sauvage en hognant a soudain reparti :
« Grands dieux ! l’oracle ancien n’avait donc pas menti.
Chez nous fut un devin à la pensée alerte,
Télème Eurymidés, dont l’art fit notre orgueil,
Et qui mourut prophète au milieu des Cyclopes.
Tout devait arriver d’après ses horoscopes,
La main d’Ulysse un jour devait m’extirper l’œil !
Mais quoi ! je m’attendais toujours à voir paraître
Un homme grand et beau, de force revêtu ;
Et voilà qu’un vilain, un nabot, un fétu,
M’enlève la lumière à l’aide d’un vin traître.
Ulysse, viens ici, mon offrande t’attend.
J’inviterai Neptune à choyer ton navire ;
Je suis son tendre fils, il se plaît à le dire.
Seul il me guérira, si son cœur le prétend,
Et non pas ceux d’en haut ou l’humaine science. »
Je lui riposte alors d’un formidable ton :
« Puisse-je, t’arrachant et l’âme et l’existence,
Te faire voltiger aux gouffres de Pluton,
Aussi vrai que ton dieu ne te rendra la vue ! »
Je dis ; lui de prier son divin géniteur,
En élevant les mains vers l’astrale étendue :
'''« Écoute-moi, Neptune, ô noir agitateur !
Si je naquis de toi, si tu te dis mon père,
Fais qu’Ulysse jamais, ce foudre ithacéen
Par Laërte engendré, ne retourne en sa terre.
Mais si le sort là-bas le ramène à dessein,
S’il lui rend ses amis, son paternel empire,
Qu’il rentre tard et mal, sans un seul partisan,
Sur un pont mercenaire, et que son deuil soit pire ! »'''
Tel gronde son souhait qu’exauça le Tyran.
Notre ennemi soulève une plus vaste pierre,
La balance, et sur nous l’envoie à tour de bras.
De la poupe azurée elle frise l’arrière ;
Le timon a failli voler en mille éclats.
La mer se gonfle au choc de la masse compacte,
Mais cette fois nous pousse et nous laisse à bon port.